Les crimes et délits contre les " intérêts fondamentaux de la nation " sont instruits et jugés par les juridictions des forces armées.
Toutefois, la juridiction normalement compétente reste saisie des procédures ouvertes antérieurement devant elle, tant qu'une revendication n'est pas formulée par le ministre de la défense ou par le commissaire du Gouvernement conformément aux dispositions des articles L. 255-3 et L. 255-5.
Les juridictions des forces armées peuvent également connaître, par la voie d'une revendication de compétence, des crimes et délits connexes à ceux prévus à l'article L. 255-1.
Lorsqu'une revendication de compétence est exercée, la juridiction normalement compétente est dessaisie de plein droit, dès la notification faite par le commissaire du Gouvernement au ministère public près cette juridiction.
Les actes de poursuite et d'instruction ainsi que les formalités et décisions intervenus antérieurement demeurent valables et n'ont pas à être renouvelés ; les mandats d'arrêt ou de dépôt décernés conservent leur force exécutoire.
Lorsque des procédures concernent des mineurs de dix-huit ans au temps de l'action, les articles L. 255-1 et L. 255-2 sont applicables :
1° Sur le territoire de la République, si ces mineurs sont militaires ;
2° Hors de ce territoire, s'ils sont membres des forces armées ou s'il n'existe aucune juridiction française des mineurs compétente ;
3° Dans tous les cas, s'ils sont ressortissants d'un Etat ennemi ou occupé, ou s'ils sont coauteurs ou complices de personnes déférées aux juridictions des forces armées.
Le ministre de la défense et, sous son autorité, les commissaires du Gouvernement exercent l'action publique.
Toutefois, l'ouverture des poursuites ne peut être ordonnée que par le ministre de la défense à l'encontre des justiciables mentionnés à l'article L. 112-3 et des magistrats assimilés spéciaux.
Le ministre de la défense et, sous son autorité, les commissaires du Gouvernement dirigent l'activité des officiers de police judiciaire des forces armées ainsi que des officiers et agents de la police judiciaire civile.
Pour l'accomplissement de leur mission, les commissaires du Gouvernement ont le droit de requérir directement la force publique.
Les officiers de police judiciaire civile et les officiers de police judiciaire des forces armées informent le commissaire du Gouvernement des crimes et délits mentionnés aux articles L. 255-1 et L. 255-2 dont ils ont connaissance.
Ils sont chargés de constater ces infractions, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs tant que des poursuites judiciaires n'ont pas été ordonnées. Ensuite, ils défèrent aux réquisitions du parquet militaire ou exécutent les délégations du juge d'instruction militaire.
Les procédures d'enquêtes préliminaires ou de flagrant délit sont adressées, en double exemplaire, au commissaire du Gouvernement ; les objets saisis sont mis à sa disposition.
Les officiers de police judiciaire des forces armées et les officiers de police judiciaire civile se conforment, pour la garde à vue, aux règles et formalités suivantes :
1° Ils peuvent retenir à leur disposition pendant quarante-huit heures toute personne, militaire ou étrangère aux armées, si les nécessités de l'enquête l'exigent.
2° Le commissaire du Gouvernement, dans le cadre d'une enquête préliminaire ou de flagrant délit, et le juge d'instruction militaire, pour l'exécution d'une commission rogatoire, peuvent, par une autorisation écrite, prolonger de cinq jours le premier délai. Deux prolongations successives de quatre jours, accordées dans les mêmes conditions, peuvent porter à quinze jours la durée de la garde à vue.
3° Il appartient, s'ils l'estiment utile, au commissaire du Gouvernement ou au juge d'instruction militaire de se faire présenter, à tout moment, sur les lieux de la garde à vue, la personne qui s'y trouve retenue.
4° Toutefois, ils peuvent déléguer leurs pouvoirs de contrôle et de prolongation, respectivement, soit au procureur de la République ou au commissaire du Gouvernement, soit au juge d'instruction, civil ou militaire, dans le ressort duquel la garde à vue est exercée.
5° Les prolongations mentionnées au 2° ne peuvent intervenir qu'après comparution de la personne gardée à vue devant le magistrat compétent ou le magistrat par lui délégué.
6° Toute personne retenue en vertu des dispositions du présent article peut demander à s'entretenir avec un défenseur à l'issue de la mesure de garde à vue, sauf si les circonstances matérielles s'y opposent.
7° Au plus tard à l'expiration des délais accordés, les personnes contre lesquelles existent des indices graves ou concordants de culpabilité doivent être mises en route pour être présentées, selon le cas, au commissaire du Gouvernement ou au juge d'instruction militaire compétent.
Il est fait mention dans la procédure, du jour et de l'heure à partir desquels la personne a été gardée à vue ainsi que du jour et de l'heure à partir desquels elle a été soit libérée soit amenée devant le magistrat.
Lorsque, après examen des résultats de l'enquête de police judiciaire, le commissaire du Gouvernement estime que la juridiction des forces armées est compétente, il apprécie s'il doit ouvrir les poursuites ou classer l'affaire.
Le cas échéant, il décerne un ordre d'incarcération provisoire en vertu duquel le justiciable peut être détenu pendant une durée de cinq jours.
Lorsqu'il décide d'engager les poursuites, le commissaire du Gouvernement peut :
1° Soit saisir le juge d'instruction militaire par un réquisitoire introductif ;
2° Soit ordonner la citation directe du prévenu devant le tribunal, sauf si l'infraction est passible d'une peine supérieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelle.
Lorsque la procédure concerne un mineur de dix-huit ans, le commissaire du Gouvernement est tenu de requérir l'ouverture d'une instruction.
Lorsqu'une revendication a été exercée conformément aux dispositions du second alinéa de l'article L. 255-1, et aux dispositions de l'article L. 255-2L. 255-2, si une décision de renvoi a déjà été prise, les prévenus sont dans tous les cas déférés de plein droit à la juridiction de jugement des forces armées.
L'instruction est conduite selon les règles fixées pour le temps de guerre aux articles L. 212-46 à L. 212-191 relatifs aux juridictions d'instruction.
Le juge d'instruction militaire ne peut informer qu'après avoir été saisi par réquisitoire introductif du commissaire du Gouvernement.
Lors de la première comparution, le juge d'instruction militaire invite la personne mise en examen à lui faire connaître dans un délai de quatre jours le nom de son conseil. Mention de cette formalité est faite au procès-verbal.
En l'absence d'un choix, il lui est désigné un conseil ou défenseur d'office par le bâtonnier ou, à défaut, par le président de la juridiction des forces armées ou le juge d'instruction militaire.
Les dispositions du présent article sont prescrites à peine de nullité.
Le juge d'instruction militaire peut, à l'effet de procéder à tous actes d'instruction, se transporter avec son greffier sur tout le territoire de la République et, hors de ce territoire, dans la zone de stationnement ou d'opérations des forces armées.
Le juge d'instruction militaire peut donner commission rogatoire à tous magistrats et officiers de police judiciaire, afin de leur faire exécuter tous les actes d'instruction nécessaires sur tout le territoire de la République ou, hors de ce territoire, dans la zone de stationnement ou d'opérations des forces armées.
Il peut procéder ou faire procéder, même de nuit et en tous lieux, à des perquisitions ou saisies.
Une personne déjà mise en examen peut être entendue par le juge d'instruction militaire, dans une procédure distincte concernant les mêmes faits ou des faits connexes.
L'audition a lieu sans serment, le conseil de cette personne mise en examen ayant été régulièrement convoqué.
L'enquête sur la personnalité de la personne mise en examen, ainsi que sur sa situation matérielle, familiale et sociale, est facultative.
La dénonciation des faits non compris dans le réquisitoire introductif, mais constituant des infractions mentionnées aux articles L. 255-1 et L. 255-2, est faite par le juge d'instruction militaire au commissaire du Gouvernement, qui apprécie s'il y a lieu à poursuites ou à transmission de la procédure à l'autorité judiciaire compétente.
Les irrégularités pouvant entraîner nullité, commises au cours soit de la procédure d'instruction de droit commun, soit de la procédure d'instruction militaire, sont réglées conformément aux dispositions des articles L. 212-130 à L. 212-133.
Toutes les ordonnances du juge d'instruction militaire peuvent faire l'objet de la part du commissaire du Gouvernement d'un appel devant la chambre de l'instruction.
Le même droit appartient à la personne mise en examen, mais uniquement en ce qui concerne les ordonnances rejetant une demande de mise en liberté.
Les décisions de la chambre de l'instruction ne peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation, mais peuvent être examinées à l'occasion du pourvoi sur le fond ; toutefois, les décisions de non-lieu ou d'incompétence peuvent faire l'objet d'un pourvoi du commissaire du Gouvernement.
Si le commissaire du Gouvernement décide de traduire directement devant le tribunal l'auteur d'une infraction dans les conditions prévues à l'article L. 255-9, il peut délivrer un ordre d'incarcération provisoire. La durée de la détention, en vertu de cet ordre d'incarcération provisoire, ne peut excéder cinq jours. Toutefois, si un magistrat de siège ou, en cas d'impossibilité, le commissaire du Gouvernement décide que la détention provisoire doit être maintenue au-delà, il prend une décision confirmant l'ordre d'incarcération ; dans ce cas, la détention ne peut excéder un délai de soixante jours à compter de la confirmation de l'ordre d'incarcération provisoire.
Il est statué sur la détention provisoire du détenu dans les formes et délais prévus aux articles L. 212-155 et suivants.
La juridiction de jugement procède et statue conformément aux dispositions des articles L. 222-1 à L. 222-80.
Lorsqu'une revendication a été exercée postérieurement à une décision de renvoi, une copie de l'acte de revendication est jointe à la citation à comparaître. Mention de la remise de cet acte est faite dans le procès-verbal de notification.
Dans le cas de citation directe, le président ou, sur sa délégation, le magistrat assesseur ou l'un des juges militaires procède à l'interrogatoire du prévenu sur son identité et, si celui-ci n'a pas fait choix d'un défenseur, il lui en désigne un d'office.