Conciliateur de justice en France
- Wikipedia, 22/01/2012
En France, le conciliateur de justice est un bénévole ayant un statut d'auxiliaire de justice et qui est chargé de rechercher une solution amiabla aux litiges dont il est saisi. Il agit soit sur saisine directe (dite encore autonome, extrajudiciaire ou conventionnelle), soit sur délégation du juge.
La conciliation (emprunté au latin «concilio» (assembler, réunir) [1] est un “mode alternatif de résolution des conflits”, c’est-à-dire un processus permettant aux personnes en conflit de trouver une solution qui n’est pas imposée par une autorité judiciaire.
La conciliation s’intègre dans une vaste panoplie de modes alternatifs de résolution des conflits.
1- Modes alternatifs de règlement des conflits intégrés dans un processus judiciaire
• conciliation par le juge (articles 211, 127 à 13 du code de procédure civile pour les règles générales) ;
• conciliation déléguée par le juge à un conciliateur de justice: articles 830 à 836 du code de procédure civile devant le tribunal d’instance et la juridiction de proximité, article 863 du même code devant le tribunal de commerce;
• médiation dite judiciaire (articles. 131 - 1 à 131 - 15 du code de procédure civile).
2 - Modes alternatifs de résolution des conflits dits autonomes ou extrajudiciaires ou conventionnels
• à l’initiative des seules parties tel que la transaction (articles 2244 et suivants du code civil et article 14411441-4 du code de procédure civile) ;
• avec l’assistance d’un tiers non indépendant: les services juridiques internes des entreprises (services consommateurs ou des médiateurs d’entreprise) généralement dotés d’une indépendance fonctionnelle envers leur employeur dont ils restent les préposés avec une déontologie spécifique.
• avec l’aide d’un médiateur « conventionnel » : cette fonction est en cours d’évolution en raison de la transposition de la Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale[2])
• avec l’aide d’un conciliateur de justice dont le statut est fixé par le décret n°78-381 du 20 mars 1978 modifiée en dernier lieu par le décret no 2010-1165 du 1er octobre 2010 relatif à la conciliation et à la procédure orale en matière civile, commerciale et sociale qui renforce et étend la place de la conciliation dans le droit procédural français[3].
La directive du 21 mai 2008 n’opère pas la distinction française entre conciliation et médiation. Toutefois, l’Union européenne semble vouloir englober sous un seul et même terme tous les processus quelle que soit la manière dont ils sont nommés en droit national, y compris s’ils s’intitulent « conciliation ».
Éléments statistiques
- Pour l’année 2007, le ministère de la justice recense 1 800 conciliateurs de justice en fonction. Ces derniers ont reçu plus de 220 000 visites qui se sont traduites par un peu moins de 130 000 saisines avec un taux de réussite d’environ 55 % [4].
- Pour 2008, l’activité des conciliateurs de justice se présente comme suit:
1 794 conciliateurs de justice en exercice.
Nombre de saisines (directes et sur délégation judiciaire) : 112 828.
Nombre d’affaires conciliées : 67 245.
Taux de conciliation: 59,6 %[5].
- Pour 2009, l’activité des conciliateurs de justice se présente comme suit:
1 777 conciliateurs de justice en exercice.
Nombre de saisines (directes et sur délégation judiciaire) : 124 762.
Nombre d’affaires conciliées : 72 024.
Taux de conciliation: 57,70% %[6].
Statut
Le statut des conciliateurs de justice est fixé par un décret n°78-381du 20 mars 1978, modifié en dernier lieu par un décret du 1er octobre 2010[3].
Un certain nombre de circulaires du ministère de la justice en précisent les modalités, dont celle du Garde des sceaux du 27 juillet 2006[7] et celle du 24 janvier 2011 (circulaire n° CIV/15/10)[8].
Le conciliateur de justice doit jouir de ses droits civils et politiques et n'être investi d'aucun mandat électif dans le ressort de la cour d'appel dans lequel il exerce ses fonctions.
Peuvent être nommées conciliateur de justice les personnes justifiant d'une expérience en matière juridique d'au moins trois ans, que leur compétence et leur activité qualifient particulièrement pour l'exercice de ces fonctions.
Ne peuvent être chargés des fonctions de conciliateur de justice les officiers publics et ministériels et les personnes qui exercent, à quelque titre que ce soit, des activités judiciaires ou qui participent au fonctionnement du service de la justice (telles que: magistrats, avocats, notaires, huissiers de justice, etc). Toutefois, les fonctions de conciliateur de justice ne sont pas incompatibles avec celles de suppléant de juge d'instance.
Le conciliateur de justice est nommé pour une première période d'un an par ordonnance du premier président de la cour d'appel, après avis du procureur général, sur proposition du président du tribunal d’instance auquel il est destiné à être rattaché. À l'issue de cette période d’un an, le conciliateur de justice peut, dans les mêmes formes, être reconduit dans ses fonctions pour une période renouvelable de deux ans. Le conseil départemental de l'accès au droit est informé de ces nominations ainsi que le maire de la commune (ou de’ l’arrondissement dans les villes où il en existe) du siège de ce tribunal.
Il peut être mis fin à ses fonctions avant l'expiration de leur terme par ordonnance motivée du premier président, après avis du procureur général et du juge d'instance, l'intéressé ayant été préalablement entendu.
L'ordonnance nommant le conciliateur de justice indique la circonscription dans laquelle il exerce ses fonctions.
Elle indique le tribunal d'instance auprès duquel le conciliateur de justice doit déposer les procès-verbaux de conciliation.
Il n'existe pas de limite d'âge pour être conciliateur de justice.
Missions et compétence
Mission
Le concilateur de justice a pour mission de faciliter, hors de toute procédure judiciaire, le règlement amiable des différends portant sur des droits dont les intéressés ont la libre disposition, c'est-à-dire, en substance, des droits autres que des droits indisponibles pour des motifs tirés de l'ordre public français.
Il peut également procéder aux tentatives de conciliation prévues par la loi, sauf en matière de divorce et de séparation de corps. Dans ce cas, la tentative de conciliation a lieu dans les conditions et selon la procédure prévues par les articles 128 à 131 du code de procédure civile.
Exclusions générales de compétence
Le conciliateur de justice est incompétent pour connaître des litiges touchant aux matières d'ordre public, dont la loi ne donne pas la définition, si ce n’est par autoréférence d’un texte législatif ou réglementaire à l’ordre public. Sont néanmoins considérés comme relevant de l’ordre public :
• l’état des personnes (divorce, séparation de corps)
• certains aspects du droit de la famille (filiation),
• le droit pénal,
• certains aspects du droit de la consommation ou du droit des baux (le conciliateur intervenant toutefois abondamment dans ces matières).
Le conciliateur de justice doit également respecter le principe de la séparation entre l’ordre judiciaire et l’ordre administratif et ne peut donc connaître des litiges relevant des juridictions administratives.
Le conciliateur de justice est enfin incompétent pour connaître des litiges de droit du travail, le droit du travail relevant de l'ordre public et une compétence exclusive existant au profit des conseils de prud’hommes en matière de conciliation.
Compétence territoriale
Il convient de se référer à l’article 4 du décret du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice.
« L’ordonnance nommant le conciliateur de justice indique la circonscription dans laquelle il exerce ses fonctions.
Elle indique le tribunal d’instance auprès duquel le conciliateur de justice doit déposer les procès-verbaux de conciliation ».
Ces dispositions doivent être interprétées comme donnant compétence au conciliateur de justice pour connaître des litiges dont il est saisi et qui relèvent de sa compétence matérielle, quel que soit le domicile de l’une ou l’autre des parties et quel que soit le lieu du litige sous réserve de la compétence exclusive du tribunal du lieu de l'immeuble pour l'action réelle immobilière.
La seule contrainte qui s’impose au concilateur est qu’il ne peut, du moins pour les conciliations sur saisine directe, se rendre, pour exercer en tout ou partie ses fonctions, dans un canton autre que celui auquel le rattache l’ordonnance qui le nomme. Une exception, des plus marginales à cette prohibition, concerne les litiges traités par deus conciliateurs, ce que permet le décret de 1978.
Le rattachement du concilateur à un canton et au tribunal d’instance de ce canton, confère au seul président de ce tribunal compétence exclusive pour rendre exécutoire tout constat d’accord conclu sous l’égide du concilateur du canton.
Compétence matérielle
La compétence matérielle du conciliateur de justice est plus large que celle du tribunal d’instance. Il est notamment compétent pour des litiges relevant du tribunal de grande instance en raison de leur montant ou de leur nature, du tribunal de commerce et du tribunal paritaire des baux ruraux.
Le champ effectif d’intervention
Le conciliateur de justice a vocation de rechercher une conciliation dans des litiges simples soit entre particuliers, soit entre un particulier consommateur et un professionnel exerçant soit en qualité de commerçant (société commerciale ou inscrit en nom), soit en qualité d'artisan, d'auto-entrepreneur ou de membre d'une profession libérale.
Bien qu’il n’existe pas de statistiques de la Chancellerie sur la nature des litiges soumis aux conciliateurs de justice, ceux-ci concernent pour l’essentiel :
- les litiges de voisinage
- les baux d’habitation
- la copropriété
- les contrats de fourniture d’accès au téléphone, à l’internet et à la télévision
- le droit bancaire et le crédit à la consommation
- les assurances
- les contrats de vente (avec une accentuation des litiges pour les ventes à distance par internet)
- les contrats de travaux
- les prestations de service
- les prêts entre particuliers
Procédure de conciliation
La concilation sur saisine directe
La saisine directe dite encore conventionnelle représentait, en 2007, 91% des saisines des conciliateurs de justice. Ce taux est moins important dans le ressort de la cour d'appel de Paris (environ 80%).
Le conciliateur de justice est saisi sans forme par toute personne physique ou morale. En raison de la diversité de la pratique des conciliateurs, de leur implantation géographique et des moyens matériels mis à leur disposition, les saisines se font de manière très diverse : par téléphone, par courriel, par courrier postal ou par rencontre à une permanence avec ou sans rendez-vous préalable.
La réception physique du demandeur par le conciliateur n’est pas nécessairement à rechercher si ce dernier peut exposer sa demande à distance et, en particulier, adresser ses pièces par courrier postal, télécopie ou, de plus en plus fréquemment, par copie scannée jointe à un courriel.
La conciliation sur délégation judiciaire
Pratiqué pour 9% seulement des saisines des conciliateurs de justice en 2007, ce mode de saisine est régi par les articles 831 et suivants du code de procédure civile.
Certains tribunaux pratiquent la saisine sur double convocation, les parties en litige étant convoquées devant le conciliateur aux fins d’une tentative de conciliation, puis, en cas d’échec de cette dernière, à une audience de jugement, avec fixation préalable des dates des deux convocations. Cette procédure est parfois malaisée à pratiquer pour les tribunaux d’instance importants.
Le conciliateur peut être également saisi lorsque, assistant aux audiences du tribunal d'instance ou du juge de proximité, il est appelé par les parties, qui l’acceptent à l’invitation du juge, de tenter une conciliation à huis clos et, en cas d’échec, de revenir plaider l’affaire devant lui à la même audience.
Ce type de conciliation en marge de l’audience fait partie des conciliations sur délégation comme le précise l’article 845 du code de procédure civile :
Le juge peut également, à tout moment de la procédure, inviter les parties à rencontrer un conciliateur de justice aux lieu, jour et heure qu'il détermine. Les parties en sont avisées, selon le cas, dans l'acte de convocation à l'audience ou par une lettre simple. L'avis indique la date de l'audience à laquelle l'affaire sera examinée afin que le juge constate la conciliation ou tranche le litige. L'invitation peut également être faite par le juge à l'audience.
La suspension de la prescription
La conciliation sur saisine directe
Aux termes de l’article 2238 du code civil tel que modifié par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008:
La prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d'accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation.
Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée.
Ces dispositions posent la question de la manière de marquer d’une manière irréfutable la date du point de départ et de la fin de la conciliation.
Il apparaît que la date du point de départ de la suspension de la prescription requiert la preuve de l’accord des parties pour recourir à la conciliation, preuve qui doit normalement être formalisée par un écrit.
La conciliation sur délégation judiciaire
À la différence de la conciliation sur saisine directe, la conciliation déléguée s’inscrit dans une procédure judiciaire qui a déjà interrompu (et non simplement suspendu) la prescription comme il est dit à l’article 2241 du code civil :
“La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.”
Règles et méthodes des procédures de conciliation
L’obligation de secret professionnel
Le conciliateur de justice est tenu à l'obligation du secret. Les informations qu'il recueille ou les constatations auxquelles il procède ne peuvent être divulguées.
Cette obligation de secret à une portée très large. Elle s’impose au conciliateur à l’égard de tout tiers quel qu’il soit, y compris le juge pour le cas où la tentative de conciliation qu’il a menée échoue et où le litige connaît une suite contentieuse devant le juge.
La violation du secret par le concilateur est passible des peines prévues par l'article 226-14 du code pénal.
Les parties en litige ne sont en principe pas tenues au secret relativement aux écrits échangés avec le conciliateur et aux constatations établies par lui en cas d’échec de la tentative de conciliation. Il est néanmoins constant que les juges les écartent des débats.
Les diligences du conciliateur de justice
Le lieu d’exercice du conciliateur de justice
Le lieu d’exercice du conciliateur de justice est varié : très souvent en mairie, au tribunal d’instance ou, là où il en existe, dans des points d’accès au droit ou dans des maisons de la justice et du droit.
Les moyens matériels à la disposition des conciliateurs de justice varient énormément d’un lieu à l’autre et de la pratique propre à chaque conciliateur. Les lieux équipés de moyens bureautiques modernes sont très rares et un grand nombre de conciliateurs rédigent donc encore leurs documents à la main.
Le conciliateur exerce en fait son activité soit dans les lieux consacrés à cette dernière soit chez lui, car tout dossier ne réclame pas obligatoirement la réception des parties et, dans la majorité des cas, un dossier doit faire l’objet d‘une instruction jusqu’à son terme, que la conciliation aboutisse ou non, ce qui nécessite des dilgences écrites et orales parfois longues et substantielles.
Les diligences en cas de réunion des parties en litige
Le recours à une réunion entre les parties
Le conciliateur de justice invite éventuellement les intéressés à se rendre devant lui. Ce n’est donc pas une obligation.
La conciliation ne présente aucun caractère d’obligation pour la partie défenderesse qui n'est pas tenue de l’accepter, ce même pour les conciliations déléguées par le juge. Le conciliateur de justice ne dispose d’aucun pouvoir pour contraindre le défendeur à donner suite à sa saisine et, notamment, à se rendre devant lui.
La nécessité ou non d’organiser une réunion contradictoire entre les parties dépend de plusieurs facteurs :
1. Le fait que les parties soient ou non des personnes physiques : lorsque le litige oppose des individus, tel un litige entre voisins, leur réception en vue du règlement du litige est à rechercher, ce qui vaut également pour les litiges entre une personne physique et une entreprise individuelle ou de petite taille.
2. La nature du litige, combinée soit au statut juridique et économique de l’une des parties, principalement dans le cas de litiges entre un individu et une entreprise importante de taille nationale voire internationale, soit à l’éloignement géographique de l’une des parties, personne physique ou personne morale.
Ainsi, la recherche d’une conciliation pour des litiges entre un consommateur et un fournisseur d’accès à internet ou un site marchand ne peut que très exceptionnellement faire l'objet d’une réunion au bureau du conciliateur de justice, l’exigence d’une telle réunion étant de nature à mettre en échec tout projet de conciliation. Aussi ce type de litige doit-il être traité à distance.
Les modalités de la réunion des parties
a) Conciliations sur saisine directe
En cas d’invitation des parties à se rendre devant lui, le conciliateur de justice doit les aviser que la procédure de conciliation ne les expose à aucun frais et qu’elles peuvent se faire accompagner d'une personne de leur choix.
Les réunions se tiennent à huis clos, la confidentialité des débats étant de nature à libérer la parole des parties en présence et à faciliter la recherche d’une solution de conciliation.
Les personnes physiques doivent comparaître en personne et non pas se faire représenter, la règle souffrant des exceptions pour des motifs légitimes, telles que la maladie.
Le décret du 20 mars 1978 précise que les parties peuvent se faire accompagner par une personne de leur choix, ce qui, sans bien entendu les exclure, pose la question de l’assistance des parties par un avocat.
La recherche d’une solution de conciliation requérant la participation active des parties en vue de leur adhésion, l’assistance de l’avocat ne doit pas en effet lui donner le monopole de l’exposé du point de vue de son client, au risque de dégrader la position de l’adversaire de ce dernier. Il appartient au conciliateur, dans la conduite de la réunion, d’assurer l’équilibre de l’expression des points de vue. En outre, l'avocat doit disposer d'un mandat exprès pour réprésenter son client en pareil cas.
Par une disposition nouvelle en vigueur au 1er décembre 2010:
Le conciliateur de justice peut s'adjoindre, avec l'accord des parties, le concours d'un autre conciliateur de justice du ressort de la cour d'appel. Lors de la réunion des parties, les conciliateurs de justice peuvent échanger des informations sur les demandes dont ils sont saisis. L'acte constatant l'accord des parties est signé par les deux conciliateurs de justice.[3]
b) Conciliations déléguées par le juge
À la différence des conciliations sur saisine directe, les parties à une procédure de conciliation sur délégation judiciaire peuvent être assistées devant le conciliateur de justice par une personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction ayant délégué la conciliation (article 139-2 du code de procédure civile). La liste de ces personnes, pour les procédures devant le tribunal d’instance et la juridiction de proximité, figure à l’article 828 du code de procédure civile. Les parties peuvent être représentées devant le concilateur par ces mêmes personnes, à condition que ces dernières aient un mandat exprès à cet effet (y compris les avocats).
L’issue de la procédure de conciliation
La conciliation sur saisine directe
L’établissement d’un constat d’accord
Selon l’article 9 du décret du 20 mars 1978, tel que modifié par le décret du 1er octobre 2010:
En cas de conciliation, même partielle, il peut être établi un constat d'accord signé par les intéressés et le conciliateur de justice.
La conciliation peut également être consignée dans un constat signé par le conciliateur et un ou plusieurs des intéressés lorsqu'un ou plusieurs de ceux-ci ont formalisé les termes de l'accord auquel ils consentent dans un acte signé par eux et établi hors la présence du conciliateur de justice. Dans ce cas, il incombe au conciliateur de viser l'acte émanant des intéressés dans le constat et de l'annexer à celui-ci.
La rédaction d'un constat est obligatoire lorsque la conciliation a pour effet la renonciation à un droit.
Un exemplaire du constat est remis à chaque intéressé. Un exemplaire est déposé par le conciliateur de justice, sans retard, au greffe du tribunal d'instance mentionné à l'article 4.(nota: celui dont dépend le concilateur).
A moins qu'une partie ne s'y oppose dans l'acte constatant son accord, le juge d'instance, saisi sur requête, peut conférer force exécutoire au constat d'accord.
L’établissement d’un constat d’accord, lorsqu’il est requis ou demandé par l’une des parties, ne nécessite pas systématiquement la présence physique des parties. Il peut être établi à distance sous l’égide du conciliateur de justice à condition bien entendu que les parties aient pu en discuter le contenu et y aient donné leur accord.
Un constat d’accord peut être établi sous la forme autre qu’une convention écrite comportant la signature des parties.
Une conciliation peut ainsi résulter d’échanges de courriels ou de lettres sous l’égide du conciliateur de justice, hypothèse que la règlementation paraît ignorer mais à laquelle, dans la pratique, il est fréquemment recouru.
Dans d’autres cas, la conciliation est atteinte sans formalisme particulier, par exemple par intervention téléphonique du conciliateur de justice.
L’intérêt du constat d’accord écrit déposé au greffe du tribunal d’instance réside dans la perfection de son caractère probatoire et la possibilité d’en faire sanctionner l’exécution plus aisément par la justice.
Le constat d‘accord ne constitue pas une transaction au sens des articles 2044 et suivants du code civil, en cela qu’il n’a pas l’autorité de la chose jugée en lui-même à l’égard des parties.
Le conciliateur dispose d’une très grande liberté pour parvenir à une solution, n’étant pas tenu de se conformer à la loi (mais devant se plier aux exigences de l’ordre public). C’est pourquoi la rédaction d un accord est obligatoire lorsqu’une partie renonce à un droit, qu’elle tient de la loi (soit la loi étatique, soit la loi résultant d'une convention légalement formée).
L’exécution du constat d’accord
L’accord atteint sous l’égide du concilateur constitue une convention ayant force de loi pour les parties, conformément à l’article 1134 du code civil.
Son inexécution par l’une des parties peut être sanctionnée en justice dès lors que la preuve de l’accord peut être établie. C’est l’intérêt majeur du constat d’accord écrit qui peut faire l’objet d’une demande d’exécution auprès du juge d’instance du tribunal auquel le concilateur est rattaché.
Le seul dépôt par le conciliateur d’un exemplaire original du constat d ‘accord au greffe n’est pas en lui-même suffisant. La partie qui a intérêt à obtenir l'exécution forcée de l’accord soit en faire la demande par requête écrite (dénuée de formalisme, une lettre simple suffisant) auprès du tribunal d’instance.
Le juge d’instance ainsi saisi confère, par une ordonnance constitutive d'une mesure d’administration judiciaire insusceptible de voies de recours, l’apposition de la formule exécutoire sur une copie du constat d’accord.
La partie intéressée peut alors faire procéder à l’exécution forcée des mesures prévues dans le constat d’accord, ce qui rend nécessaire pour le concilateur rédacteur de conférer à ces mesures un caractère positif manifestement susceptible d'exécution et non celui de simples déclarations d'intentions vagues et imprécises ou de stipulations ambiguës.
La conciliation déléguée par le juge
Nécessité d’un constat d’accord
À la différence de la conciliation sur saisine directe, la rédaction d’un constat d’accord est requise par l’article 130 du code de procédure civile.
Il est donc nécessaire en pratique que le concilateur réunisse les parties aux fins de rechercher une conciliation et, en cas de succès, de dresser un constat d’accord encore que les contacts entre les parties, de même que le recueil de leur consentement, puisse se faire à distance, dès lors qu’il existera au bout du compte une convention écrite.
L’exécution du constat d’accord
Aux termes de l’article 131 du code de procédure civile :
“Les parties peuvent soumettre à l'homologation du juge le constat d'accord établi par le conciliateur de justice. L'homologation relève de la matière gracieuse.”
L’homologation par le juge confère au constat d’accord la qualité d’un titre exécutoire pouvant faire l’objet d’une exécution forcée.
L'échec de la concilation
La conciliation sur saisine directe
Les parties retrouvent leur liberté.
En application du 2e alinéa de l’article 2238 du code civil, le concilateur peut se trouver amené à formaliser par écrit l’échec de la phase de la conciliation afin de permettre la reprise du cours de la prescription :
“”Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l'une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée.“”
À cet égard, lorsqu’il est saisi, le conciliateur de justice doit prêter une attention particulière aux délais de prescription régissant la matière dans laquelle il intervient.
Le conciliateur de justice ne doit donc pas mettre en péril la pérennité des droits de la partie qui l’a saisi par l’effet de leur prescription, ce d’autant qu'il existe des prescriptions courtes telles la prescription d'un an de l'article L 34-2 du code des postes et télécommunications électroniques. Il doit donc faire preuve de diligence et de vigilance et, si besoin est, appeler l’attention du demandeur sur l’intérêt de saisir sans délai la juridiction compétente pour interrompre la prescription.
La conciliation déléguée par le juge
En cas d’échec de la conciliation, la procédure contentieuse reprend devant le tribunal qui a délégué le conciliateur.
À la différence de la conciliation sur saisine directe, la conciliation déléguée s’inscrit dans une procédure judiciaire qui a déjà interrompu la prescription.
L’article 2242 du code civil dispose à cet égard :
“L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.”
Notes et références
- ↑ Entrée "concilier" dans " Le Robert - Dictionnaire historique de la langue française"- 1992)
- ↑ JO, L136 du 24 mai 2008, p.6
- ↑ a, b et c JORF n°0230 du 3 octobre 2010 page 17986
- ↑ Célérité et qualité de la justice – Les conciliateurs de justice – Cour d’appel de Paris et École nationale de la magistrature- Rapport issu du groupe de travail sur les conciliateurs de justice sous l’autorité de Jean-Claude Magendie, Premier président de la Cour d’appel de Paris - avril 2010
- ↑ Les chiffres-clés de la Justice : Édition 2009 - septembre 2009 - Ministère de la justice - Secrétariat général - Service support et moyens du ministère -Sous-direction de la Statistique et des Études.
- ↑ Les chiffres-clés de la Justice : Édition 2010 - décembre 2010 - Ministère de la justice - Secrétariat général - Service support et moyens du ministère -Sous-direction de la Statistique et des Études.
- ↑ Bulletin officiel du ministère de la justice n° 103 (1er juillet au 30 septembre 2006)
- ↑ Bulletin officiel n° 2011-02 du 28 février 2011)
Lien externe
Bibliographie
La conciliation – Régler vos litiges du quotidien - Modes d’emploi - R. Dolla-Vial, A. Yung-Hing et C. Chini-Germain – A2C MEDIAS - 2008