Le maire et la gifle
Journal d'un avocat - Eolas, 14/03/2012
Un fait divers remontant à quelques semaines fait encore parler de lui, notamment car mes amis de l‘“Institut pour la Justice” ont enfourché ce cheval de bataille pour faire une de leurs inénarrables pétitions où deux écueils sont toujours soigneusement évités : expliquer et s’adresser à l’intelligence du lecteur.
Rappelons également que Marie-Antoinette, à qui l’édile a été comparé par cette association, a été enfermée d’août 1792 à octobre 1793, a été séparée de ses enfants, a vu son époux guillotiné et sa meilleure amie dépecée vive et sa tête agitée au bout d’une pique à sa fenêtre, a été accusée publiquement d’avoir agressé sexuellement son fils et condamnée à mort par le tribunal révolutionnaire, et que le blanchissement accéléré de ses cheveux est attribué notamment au cancer de l’utérus qu’elle avait développé et qui évidemment n’était pas soigné. Ce qui en effet équivaut bien à une amende avec sursis pour une gifle.
Les faits peuvent en effet se résumer ainsi : le maire d’une petite commune a été condamné pour avoir giflé un de ses administrés mineur dont le comportement, c’est le moins qu’on puisse dire, laissait à désirer.
Comme vous le savez, c’est avec joie qu’en ces lieux, nous nous frottons à ces deux écueils. Voici donc ce qui s’est réellement passé, et où en est la procédure, et, détail minuscule oublié par l’IPJ, ce que dit la loi, que le juge a pour mission d’appliquer.
Les faits
Le 24 août 2010, à Cousolre (Nord), commune rurale de 2500 habitants, Maurice Boisart, maire de la commune, aperçoit par la fenêtre de son bureau un jeune homme, mineur, escalader un grillage qui, je le suppose, entourait un terrain de sport municipal, grillage qui venait d’être refait par la commune pour un coût de 10.000 euros, alors même que la clef ouvrant cette clôture est à sa disposition. Ce jeune homme est bien connu du maire pour son comportement pour le moins turbulent : le maire fera état d’une perturbation d’une cérémonie d’hommage aux anciens combattants, de provocations en bloquant la voiture du maire, et, mais ce n’est là qu’un soupçon, divers tags salissant les murs de la commune.
Mécontent, le maire se porte à sa rencontre, et très vite, le ton montre entre l’édile et le jeune homme. Je cite le compte-rendu d’audience, car audience il va y avoir, de Pascale Robert-Diard. C’est d’abord le maire qui parle :
“Je suis sorti. Je lui ai dit : ‘tu arrêtes de te foutre de ma gueule’. Demain matin, tu iras au poste, raconte le maire. Il m’a répondu : ‘C’est pas toi qui va m’empêcher de faire ce que je veux’. Il m’a insulté, m’a traité de ‘bâtard’ et la claque est partie. J’ai jamais donné de gifle à personne dans ma vie. J’ai eu un geste instinctif, c’est pas la meilleure chose que j’ai faite. Je le regrette.” Il ajoute, un peu plus bas : “Je ne cherche pas à excuser ma gifle, j’aurais pas dû le faire. Mais le problème, il vient peut-être de comment il a été élevé ce garçon…”
Notez bien que le maire ne cherche pas à excuser sa gifle. Il reconnait qu’il a eu tort de la donner.
La suite de l’affaire est racontée sur procès-verbaux par les copains du jeune homme, témoins de la scène. L’humiliation qui fait sortir l’adolescent de ses gonds, les insultes qui pleuvent – “Fils de pute, je vais niquer ta mère, attends si t’es un homme, je vais te tuer” – le coup de poing qui part mais qui n’atteint pas le maire car les autres s’interposent, la colère, toujours, qui pousse le mineur à rentrer chez lui, à prendre deux couteaux qu’il glisse dans ses chaussettes et à revenir sur la place de la mairie avant d’être calmé et désarmé par ses amis. Le maire porte plainte pour outrages (le garçon a été condamné depuis), les parents déposent plainte à leur tour contre l’édile, pour “violences”.
Je graisse ce passage que l’IPJ a soigneusement oublié de mentionner dans son texte : ce jeune homme a lui aussi été poursuivi et condamné pour son agression envers le maire. J’ignore la peine qui a été prononcée, mais ce n’est pas le genre d’incident qui amène au prononcé d’une peine de prison ferme, en tout état de cause.
La réponse judiciaire
C’est le procureur de la République du tribunal de grande instance d’Avesnes Sur Helpe qui était compétent territorialement pour décider des suites à donner. On sait qu’il a saisi le juge des enfants de poursuites à l’encontre du jeune homme, qui ont abouti à sa condamnation. Le maire avait la possibilité, étant victime, de se constituer partie civile et de demander des dommages-intérêts au jeune homme et à ses parents, civilement responsables de leur galopin. J’ignore s’il a usé de cette faculté. Mais il a eu la possibilité de demander réparation de l’outrage qu’il a subi à cette occasion.
S’agissant de la gifle, qui n’est pas contestée par son auteur, le procureur de la République a ouvert son Code pénal, et a lu la loi que le peuple français l’a chargé d’appliquer, en sa qualité de magistrat. Son attention s’est immanquablement portée sur l’article 222-13, qui dispose (la loi ne stipule pas, jamais) :
Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises :
(…)
7° Par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission.
C’est là un délit de violence aggravée. Il ne lui a pas fallu longtemps pour retrouver les circulaires de la Chancellerie adressée à tous les parquets, où les instructions, auquel il est tenu d’obéir sont claires : les faits de violences, et tout particulièrement si elles sont aggravées doivent faire l’objet d’une réponse pénale systématique. Pas de classement sans suite. Interdit. D’autant qu’ici, les faits sont établis et reconnus.
Il a donc opté pour l’engagement de poursuites sous forme d’une “Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité” (CRPC) le fameux “plaider coupable à la française” (articles 495-7 et suivants du code de procédure pénale). Le procureur propose au maire de reconnaître sa culpabilité dans ces violences aggravées et d’accepter la peine qu’il lui propose, qui sera ensuite homologuée par un juge, qui ne pourra pas modifier cette peine, mais tout au plus refuser de l’homologuer s’il l’estime inadéquate, que ce soit trop ou pas assez sévère.
Et le maire de Cousolre se voit proposer une amende de 600 euros, sans prison fût-ce avec sursis. Je rappelle que la loi prévoit jusqu’à 3 ans de prison et 45000 euros d’amende.
Mais le maire va refuser cette peine, comme il en a le droit. Dans cette hypothèse, le procureur de la République n’a pas le choix : il doit saisir le tribunal correctionnel pour que les faits soient jugés selon le droit commun : art. 495-12 du code de procédure pénale, sauf élément nouveau, mais ici, il n’y avait rien de nouveau sur les faits.
Voilà comment le maire se retrouve devant le tribunal correctionnel d’Avesnes Sur Helpe, le 3 février dernier.
L’audience
L’affaire a attiré l’attention de la presse, et Pascale Robert-Diard, que j’ai déjà citée, était présente. Cette audience ne s’est pas très bien passée pour le maire, car, si j’en crois la chroniqueuse du Monde (et je la crois), le parquetier a été particulièrement brutal avec le maire, et ses réquisitions véhémentes, qui ne s’imposaient pas vraiment, ont surpris l’assistance. Entendons-nous bien. Je suis un farouche partisan de la liberté de parole du procureur à l’audience qui est une garantie essentielle d’une bonne justice. Mais cette liberté n’interdit pas la critique, et là, ces réquisitions me paraissent critiquables sur la forme et sur le fond.
D’une part, sur la forme, le procureur a opté pour des réquisitions virulentes, qui, à mon sens, ne sont jamais pertinentes, mais là étaient particulièrement hors de propos. Le prévenu est un homme de 62 ans, maire en exercice, sans antécédent, qui a eu un geste violent dans un accès de colère après avoir été visiblement provoqué. Les sarcasmes sur le Chicago des années 30 et Montfermeil sont déplacés, et inutilement humiliants. C’est l’avocat qui parle : les magistrats doivent veiller à ne jamais humilier le prévenu, aussi irritant soit-il, et là le maire de Cousolre ne l’était manifestement même pas. Une humiliation publique défoule peut-être celui qui use et abuse de sa position pour l’infliger (on doit accepter l’offense sans réagir sous peine de risquer l’outrage à magistrat en retour), mais détruit tout effet pédagogique de l’audience et au contraire crée des rancœurs envers la justice qui ne favorisent pas la réinsertion du condamné. Je ne comprends pas le comportement du procureur, mais j’émets une réserve sur mon opinion : je ne connais pas l’intégralité du dossier, il y a peut-être certains aspects du comportement du prévenu que j’ignore. Je maintiens cependant que ce comportement est inapproprié en toute circonstance, quel que soit la qualité du prévenu.
Sur le fond, le procureur a reproché au maire d’avoir refusé ce plaider-coupable à 600 euros, mettant cela sur le compte de la volonté du prévenu d’avoir une tribune médiatique. Problème : la loi interdit de faire état devant le tribunal d’une procédure de plaider-coupable (CRPC) qui n’a pas abouti : art. 495-14 du CPP. On me rétorquera que la loi interdit de faire état des déclarations faites au cours de cette procédure ou des documents remis, ce qui a contrario ne semble pas interdire de faire état qu’une telle procédure a été engagée. À cela je répondrai que ce n’est pas la volonté du législateur qui avait même décidé initialement que l’audience d’homologation ne devait pas être publique pour préserver le secret de cette procédure si elle ne devait pas aboutir[1], avant de se faire retoquer par le Conseil constitutionnel qui a exigé cette publicité, non pour faire échec au secret d’une procédure avorté, mais au nom du principe de publicité des débats (cons. n°117 sq.). Enfin et surtout, si le parquet a fait état de la proposition de peine (600 euros d’amende) devant le tribunal, il a nécessairement fait mention d’une pièce de la procédure ou d’une déclaration des parties, puisqu’il a bien fallu à un moment que cette proposition de peine soit formulée dans le dossier.
Enfin, tout ça pour quoi ? Pour aboutir à une peine requise de 500 euros d’amende, soit moins que la peine proposée en CRPC, ce qui revient à reconnaître implicitement que le maire a en fait eu raison de refuser cette peine.
Mise à jour : Merci à Arisu qui me signale une interview éclairante du procureur qui était présent à l’audience, publiée dans la Voix du Nord.
Pour résumer : il a été sur le ton de l’ironie pour marquer son désaccord avec le récit apocalyptique qui lui était fait de la situation à Cousolre, mais le regrette rétrospectivement vu que l’effet a manifestement manqué son but. Son analyse juridique rejoint la mienne, vous le verrez, et il précise que le maire a refusé toutes les mesures de conciliation (qui impliquaient la réparation du dommage), que sept témoins corroboraient le récit de la victime précisant qu’il n’y a pas eu d’injure avant la gifle, alors que le maire lui même n’en a fait état pour la première fois que deux jours plus tard. Les seuls propos que le mineur a reconnu sont “C’est pas toi qui va m’empêcher de ramasser mon ballon, casse-toi “, mais le procureur rappelle, à raison, que l’excuse de provocation a disparu en 1994 avec l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal.
La décision
Le jugement a été rendu le 17 février 2012. Curieusement, l‘“Institut pour la Justice” a oublié d’en préciser le contenu exact dans sa diatribe, qui ne mentionne que les dommages-intérêt.
Le tribunal a déclaré le maire coupable des faits de violences et a prononcé une peine de 1000 euros d’amende assortie du sursis, c’est à dire que le maire n’aura pas à payer cette amende s’il n’est pas à nouveau condamné pénalement pour un délit ou un crime dans les 5 ans qui viennent (ce qui semble quasiment certain vu la personnalité de ce monsieur). Curieuse décision, qui dépasse le quantum requis par le parquet (ce qui est plus sévère) mais l’assortit du sursis (ce qui est plus indulgent). Précisons que le maire n’échappera cependant pas au paiement d’un droit de 90 euros qui frappe toute personne condamnée.
Les motivations du jugement sont éclairantes sur les moyens de défense du prévenu. Celui-ci a soulevé la légitime défense (art. 122-5 du Code pénal) pour plaider la relaxe. Voici comment le tribunal écarte cet argument.
“Le prévenu soutient qu’il doit être relaxé des fins de la poursuite car il estime qu’il était en état de légitime défense. Il fait valoir que son geste, qu’il regrette, a été un réflexe face à une insulte. il ajoute que sa réaction a été proportionnée à cette insulte reçue.
En l’espèce, au vu des éléments du dossier, il est vraisemblable que l’attitude et les paroles de Pierre D., qui se trouvait en un lieu non accessible au public, aient pu être perçues comme provocantes par Maurice Boisart.
Cependant, une telle attitude, voire l’insulte “bâtard” évoquée par le prévenu, ne sont pas de nature à justifier une réaction de violence, fût-elle légère, sur le fondement de la légitime défense, en l’absence de toute tentative de violence physique.
Dès lors, il convient d’écarter ce fait justificatif et de déclarer Maurice Boisart coupable des faits de violence par personne dépositaire de l’autorité publique (…)
L’argumentation du tribunal est irréprochable. C’est une parfaite application de la jurisprudence bi-séculaire en matière de légitime défense : seul un comportement physiquement violent justifie une riposte violente : c’est la règle de la proportionnalité. J’ajoute que la jurisprudence évolue de manière continue dans un sens admettant de moins en moins la légitime défense, sauf au profit des forces de l’ordre. La violence est de moins en moins tolérée dans notre société, ce qui est une évolution heureuse, et les juges reflètent cette évolution des mentalités, qui est abondamment et surabondamment prise en compte par l’évolution de la loi.
Le tribunal motive ainsi la peine prononcée :
Compte tenu des circonstances de la commission de l’infraction et de la personnalité de M. Boisart, qui n’a jamais été condamné et qui bénéficie de renseignements de personnalité très satisfaisants, il sera condamné au paiement d’une amende d’un montant de 1000 euros assortie du sursis simple.
Notez que le tribunal a pris en considération les circonstances de l’infraction comme élément à décharge, quand bien même l’excuse de provocation a disparu en 1994. Il admet que c’est le comportement de la victime qui a été déterminant dans le passage à l’acte, ce qui atténue la responsabilité du maire et justifie le prononcé du sursis, avec les “renseignements de personnalité très satisfaisants”, comprendre que l’enquête et l’audience ont montré que Maurice Boisart était quelqu’un d’inséré dans la société ne montrant aucune dangerosité particulière et ayant eu jusque là un parcours sans histoire (pas de casier judiciaire, notamment). Il est rare qu’un tribunal prenne la peine de se montrer aussi laudatif avec un prévenu qu’il condamne.
Reste la partie la plus délicate : les intérêts civils. Car le maire a été déclaré coupable : il doit réparer sa faute. Il est donc condamné à indemniser le mineur giflé. Celui-ci, représenté par ses parents, demandait 1000 euros de dommages-intérêts, et 2000 euros d’article 475-1, c’est-à-dire de frais de justice, essentiellement constitués des honoraires de leur avocat. Le tribunal n’a pas le choix et doit faire droit à cette demande, mais peut fixer un montant inférieur au montant demandé, ce qu’il fait : 250 euros de dommages-intérêt et 500 euros d’article 475-1, à la charge du maire, qu’il doit verser entre les mains des parents du mineur.
Cela met mes amis de l’IPJ dans un état proche de l’apoplexie. Pourtant, c’est l’application pure et simple de la loi et la prise en compte du préjudice subi par la victime, reconnue en tant que telle, ce qui est l’essence du combat de l’IPJ, du moins tel qu’il le proclame (et qui suis-je pour mettre en doute sa sincérité ?) L’IPJ devrait donc applaudir cette décision, s’il était cohérent. S’il l’était.
Le tribunal n’avait d’autre choix que de condamner le prévenu reconnu coupable à indemniser la victime. Et surtout il ne pouvait à ce stade prendre en compte le comportement de la victime pour diminuer voire supprimer son droit à réparation. Là encore, jurisprudence bi-séculaire : en matière de délits volontaires, ce que sont les violences, le comportement de la victime, s’il n’a pas été une cause d’irresponsabilité pénale, c’est-à-dire s’il n’a pas fondé une légitime défense ou un état de nécessité, ne peut diminuer son droit à réparation. Ce n’est possible qu’en cas de délit involontaire (homicide ou blessures par négligence, par exemple). C’est là encore une règle protectrice de la victime à laquelle l’IPJ ne devrait que vouloir applaudir.
Suites et alternatives
Le maire a déclaré avoir fait appel de cette décision. La chambre des appels correctionnels de Douai examinera cet appel. Il est probable que le parquet a formé ce qu’on nomme un appel incident, c’est à dire un appel en réplique à l’appel du prévenu. La cour d’appel de Douai pourra donc aussi, si elle le juge nécessaire, aggraver la peine du prévenu. Je ne sais pas si la partie civile a fait appel elle aussi, auquel cas la cour pourrait également alourdir les dommages-intérêts. Les délais d’audiencement d’un appel correctionnel tournent autour d’un an, on a donc le temps de voir venir. Le maire a changé d’avocat pour cet appel et est désormais défendu par un natif de Cousolre, un certain (et redoutable) Éric Dupond-Moretti.
Dernière question : le parquet avait-il d’autres choix que de poursuivre ? C’est la question que se pose Philippe Bilger, magistrat honoraire (rappelons que chez les avocats, honoraire veut dire facture, et chez les magistrats, retraité), qui se demande pourquoi le parquet n’a pas classé sans suite, ce qu’il peut faire en opportunité même face à des faits établis.
Comme je l’ai dit au début, le parquet a reçu de la Chancellerie des instructions très claires de ne jamais classer sans suite des violences aggravées. Classer sans suite, c’eût été désobéir, et la loi lui interdit de désobéir à ces instructions (et l’expose le cas échéant à des sanctions personnelles).
En outre, c’eût été inutile.
En effet, la loi permet à celui qui se dit victime directe d’une infraction de mettre lui-même en mouvement l’action publique si le parquet ne le fait pas, que ce soit en saisissant un juge d’instruction (art. 85 sq. du CPP) ou le tribunal, par citation directe (art. 392 sq. du CPP). Là encore, il existe une association à l’intitulé pompeux qui ne cesse de revendiquer des droits de plus en plus accrus pour les victimes, notamment leur donner le droit de faire appel sur l’action publique.
Pour être parfaitement clair, l‘“Institut pour la Justice” fait du lobbying intensif pour permettre à l’avenir à un mineur giflé par un maire dans de telles circonstances de faire appel de l’amende avec sursis et de demander à la cour d’aggraver la peine, en augmentant le montant de l’amende et en supprimant le sursis, et ce même si le parquet ne le souhaitait pas. Et il va même plus loin : il souhaite que si le maire avait été condamné à de la prison, ce mineur incivique puisse venir s’opposer à toute demande de libération conditionnelle ou toute mesure d’aménagement qui pourrait éviter ou limiter le temps passé en prison par ce maire, au nom de l’application effective des peines prononcées (point 3 du Pacte 2012) et de l’impunité zéro pour les atteintes aux personnes (pacte 2012, point n°2).
Je suis ravi de ce spectaculaire virage à 180 degrés de l’IPJ, mais craint hélas qu’il relève plus de la profondeur de réflexion de la girouette que d’un recours tardif mais toujours salutaire à la Raison.
En conclusion, que retenir de cette affaire ? Qu’ici, la justice n’a fait qu’appliquer scrupuleusement la loi, ce qui ne surprendra que ceux qui ne la connaissent pas. La loi sanctionne les violences, toutes les violences. Et la loi ne dit pas qu’un maire aurait, par exception, le droit de distribuer des baffes à tout perturbateur de l’ordre public, sous prétexte qu’il est élu local. Au contraire, la loi dit que celui à qui on a fait l’honneur de confier la mission d’être maire a encore moins le droit que les autres de se laisser emporter à la violence, et qu’il doit être plus sévèrement puni qu’un citoyen ordinaire quand il le fait. La même loi laisse néanmoins une marge d’appréciation au juge pour la fixation de la peine au regard des faits tels qu’ils se sont déroulés, et de la personnalité du prévenu. Devinez d’ailleurs qui milite pour que cette marge d’appréciation soit restreinte voire annihilée dans un sens d’une plus grande sévérité systématique ? Mais oui, toujours lui !
Cette décision vous scandalise ? Libre à vous, mais vous ne pouvez pas la reprocher à la justice, qui avait ici les mains liées par la loi. Demandez au législateur de changer la loi si vous souhaitez que votre maire puisse librement vous gifler vous et vos enfants à chaque fois qu’il estimera que vous contrevenez à l’ordre public. En attendant, la loi vous protège et les maires gifleurs seront toujours exposés à des sanctions pénales.
Et si vous estimez finalement avoir été induit en erreur par l‘“Institut pour la justice” qui vous a intentionnellement caché ce que je vous explique ici, ce qui fut le cas de nombreuses personnes à la suite de l’affaire du Pacte 2012, à tel point que cette association a dû se fendre d’une page spéciale pour me rendre hommage et tenter de faire cesser l’hémorragie de gogos, vous pouvez écrire à info@institutpourlajustice.com en demandant que votre nom soit retiré de la liste des signataires et surtout de leur base de donnée pour éviter de vous faire spammer à l’avenir. On vous expliquera en retour que je suis très méchant, ce que j’assume parfaitement. Mais moi, au moins, je ne vous prends pas pour des imbéciles.
Voir aussi cet article de Pascale Robert-Diard, toujours elle, sur les lettres de soutien reçues par le maire, et ce portfolio publié par Le Monde.