Cour de cassation - 05-21.962
- wikisource:fr, 5/06/2010
Sommaire |
Visas
Statuant sur le pourvoi formé par :
- la société Canal publicité promotion, société anonyme, dont le siège est 384 rue de Vaugirard, 75015 Paris,
- la Société de production et de promotion de spectacles artistiques et sportifs (SPPS), société anonyme, dont le siège est 384 rue de Vaugirard, 75015 Paris,
contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2005 par la cour d'appel de Paris (4e chambre, section A), dans le litige les opposant :
- à la société civile Auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP), dont le siège est 11 rue Berryer, 75008 Paris,
- à Mme X
- à la société EMI Music France, dont le siège est 41-43 rue Camille Desmoulins, BP 49, 92133 Issy-les-Moulineaux cedex,
- à M. Y
défendeurs à la cassation ;
La société des Auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), dont le siège est 11 bis, rue Ballu, 75009 Paris, a déposé au greffe le 5 octobre 2006 un mémoire en intervention ;
LA COUR, composée conformément à l'article L. 131-6-1 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 23 janvier 2007, où étaient présents : M. Ancel, président, Mme Marais, conseiller rapporteur, M. Bargue, conseiller doyen, M. Gridel, Mme Crédeville, MM. Charruault, Gallet, Taÿ, conseillers, Mme Cassuto-Teytaud, M. Trassoudaine, Mme Gelbard-Le Dauphin, M. Creton, Mme Richard, M. Jessel, conseillers référendaires, M. Domingo, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Marais, conseiller, les observations écrites et orales de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Canal Publicité Promotion et de la Société de production et de promotion de spectacles artistiques et sportifs, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. Y., de la SCP Gatineau, avocat de la société EMI music France, de la SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat de la société civile Auteurs dans les arts graphiques et plastiques, de Mme X. et de la société des Auteurs et compositeurs dramatiques, les conclusions de M. Domingo, avocat général, à la suite desquelles le président a demandé aux avocats présents s'ils souhaitaient présenter d'autres observations, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société des Auteurs et compositeurs dramatiques de son intervention ;
Motifs
Attendu que par acte du 14 mars 2002, la société des Auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP) a assigné M. Y., la Société de production et de promotion de spectacles artistiques et sportifs (SPPS) et la société EMI music France en contrefaçon, leur reprochant d’avoir reproduit, sans autorisation, sur les affiches et le matériel publicitaire du spectacle "Verdi, une passion, un destin", représenté à Paris, les 9 et 10 mars 2001, ainsi que sur les pochettes des disques réalisés à cette occasion, un portrait du compositeur Verdi peint par Giovanni Boldini décédé le 11 janvier 1931, dont elle assure la gestion des droits patrimoniaux ; que Mme X., ayant droit du peintre, est intervenue volontairement à l’instance au soutien de l’action de l’ADAGP ; que pour s’opposer à cette demande, les sociétés EMI music France, SPPS et M. Y. ont soulevé l’irrecevabilité de l’ADAGP à agir contestant la régularité des actes d’adhésion de Mme X., et fait valoir que les prolongations pour fait de guerre ne pouvant se cumuler avec la nouvelle durée de protection de 70 ans instaurée par la loi du n° 97-283 du 27 mars 1997 transposant la directive européenne du Conseil n° 93/98 du 29 octobre 1993 relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins, l’oeuvre était tombée dans le domaine public depuis le 1er janvier 2002 et pouvait être librement reproduite à compter de cette date, de sorte qu’aucune mesure d’interdiction ne pourrait être prononcée ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal et des pourvois incidents
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté la nullité de l’acte d’adhésion de Mme X. à l’ADAGP et d’avoir déclaré recevable l’action exercée par cette dernière, alors, selon le moyen, que l’obligation sans cause ne peut avoir aucun effet ; qu’en décidant, après avoir constaté que le 17 juillet 1996, date de l’acte d’adhésion de Mme X. à l’ADAGP, celle-ci n’était titulaire d’aucun droit et ne pouvait se présenter et agir comme cessionnaire de tout ou partie des droits patrimoniaux sur le oeuvres de Giovanni Boldini, que cette irrégularité constitue une nullité relative dont seuls les signataires de l’acte pourraient se prévaloir et qu’au surplus elle a été couverte par l’effet d’une donation du 23 février 1999 avec effet rétroactif au 13 mai 1996 et par la confirmation par Mme X. de son adhésion, le 12 juin 2003, la cour d’appel a violé les articles 1131 et 1165 du code civil ; Mais attendu que la cour d’appel a retenu à bon droit que la nullité de l’acte d’adhésion du 17 juillet 1996, tenant à l’absence de contrepartie au moment de sa souscription, avait le caractère d’une nullité relative dont ne pouvaient se prévaloir les tiers à l’acte, et justement déduit que celle-ci avait été couverte par l’effet de la donation du 23 février 1999 conférant à Mme X. la titularité des droits d’exploitation à compter du 13 mai 1996 ; que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal et des pourvois incidents
Vu l’article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de la directive 93/98 CEE du Conseil, du 29 octobre 1993 relative à l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins ;
Attendu que la période de 70 ans retenue pour l’harmonisation de la durée de protection des droits d’auteur au sein de la Communauté européenne couvre les prolongations pour fait de guerre, hormis les cas où au 1er juillet 1995, une période de protection plus longue avait commencé à courir, laquelle est alors seule applicable ;
Attendu que pour dire que l’oeuvre du peintre Giovanni Boldini représentant un portrait du compositeur Giuseppe Verdi bénéficiait de la protection par le droit d’auteur jusqu’au 29 septembre 2016, l’arrêt énonce que les prolongations pour fait de guerre, prévues par les articles L. 123-8 et L. 123-9 du code de la propriété intellectuelle, non abrogés par la loi du 27 mars 1997, doivent se cumuler avec la durée légale de protection dès lors qu’au 1er juillet 1995, date d’application de l’article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle, l’oeuvre n’était pas tombée dans le domaine public ;
Qu’en statuant ainsi alors qu’au 1er juillet 1995 l’oeuvre ne bénéficiait pas d’une durée de protection supérieure à 70 ans, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS , et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi principal et des pourvois incidents
CASSE ET ANNULE sauf en ce qu’il a déclaré valable l’acte d’adhésion de Mme X. à l’ADAGP du 17 juillet 1996 et recevable l’action en contrefaçon engagée par l’ADAGP, l'arrêt rendu le 12 octobre 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne l'ADAGP et Mme X. aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;