Droit à l'image des personnes en France
- Wikipedia, 14/09/2011
Certains textes législatifs français ainsi que la jurisprudence, reconnaissent que toute personne dispose d'un droit sur sa propre image, qui lui permet notamment d'en interdire la reproduction. Le droit à l’image n’a pas d’existence propre et délimiter son contour reste chose difficile malgré la jurisprudence. En effet, on constate que le droit à l’image se recoupe souvent avec d’autres droits de la personnalité et notamment avec la protection de la vie privée.
Les lois relatives au droit à l'image sont différentes selon les pays. Il existe des pays, comme l'Angleterre par exemple, où la notion de droit à l'image n'existe pas. Le droit à l'image, en France, est fondé en jurisprudence sur l’art. 9 du code civil principalement et permet à une personne de s'opposer à l'utilisation, commerciale ou non, de son image, au nom du respect de la vie privée, qui est toutefois contrebalancé par le droit à la liberté d'expression.
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Règles générales
Avant toute diffusion publique d'une photographie par voie de presse ou autre (site internet, télévision, etc.), le diffuseur doit obtenir l'autorisation de diffusion de la personne concernée. Si le sujet de la photographie est une personne, celle-ci, fût-elle inconnue, possède un droit de s'opposer à l'utilisation de son image. Ce droit est assimilé à la notion de vie privée. Avant de pouvoir utiliser la photographie concernée, il faut s'assurer que la personne photographiée ne se prévale pas du respect de sa vie privée et de son image et qu'elle ne s'oppose pas à la communication de cette image. Ce droit à l'image déborde le seul cadre de la sphère privée. Des personnes se sont opposées à la publication d'une photographie les représentant dans un lieu public, dès lors qu'elles apparaissent comme étant le sujet de l'œuvre, en raison d'un cadrage ou d'un recadrage. D'autres, dans une photographie de groupe, lors d'une manifestation de rue, ont exigé que leurs traits soient rendus non-identifiables. La personne dont l'image est en cause peut agir pour s'opposer à l'utilisation de son image en demandant aux tribunaux d'appliquer l'art.9 du code civil qui consacre le droit de tout individu au respect de la vie privée.
Les textes
Si le droit à l’image n’a jamais été reconnu expressément par le législateur, ce qui en fait un « droit fantôme » selon l’expression de G. Loiseau, cela ne signifie pas pour autant que le législateur l’ignore. Ce dernier n’a jamais trouvé nécessaire de conférer une protection autonome du droit à l’image. Toutefois, certaines dispositions peuvent laisser entrevoir un droit à l’image notamment au sein du Code pénal, mais aussi dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Le droit à l’image à travers le droit pénal
L’article 226-1 du Code pénal punit « d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui (…) : 2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. »
L’article 226-2 du Code pénal poursuit : « est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d'un tiers ou d'utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l'aide de l'un des actes prévus par l'article 226-11. [..]. » L’article 226-8 du Code pénal protège l’image et l’honneur de la personne en disposant : « est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait de publier, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles ou l'image d'une personne sans son consentement, s'il n'apparaît pas à l'évidence qu'il s'agit d'un montage ou s'il n'en est pas expressément fait mention. […]»
Le droit à l’image à travers la loi du 29 juillet 1881
L’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 dispose que « seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui, […] par images […] ou [tout autre support] de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, […], soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l'auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d'effet […] ».
Des dispositions spécifiques du droit à l’image
Le droit à l’image des personnes mineures
Article 227-23 du Code pénal : « le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 Euros d'amende. [ …]. »
Article 39 bis de la loi du 29 juillet 1881 : « est puni de 15 000 euros d'amende le fait de diffuser, de quelque manière que ce soit, des informations relatives à l'identité ou permettant l'identification : d'un mineur ayant quitté ses parents, son tuteur, la personne ou l'institution qui était chargée de sa garde ou à laquelle il était confié ; d'un mineur délaissé dans les conditions mentionnées aux articles 227-11 et 227-2 du code pénal ; d'un mineur qui s'est suicidé ;- d'un mineur victime d'une infraction.[…]. »
Le droit à l’image collectif
Une autre caractéristique du droit à l'image consiste en son double aspect, extrapatrimonial et patrimonial. On constate de plus en plus un phénomène de patrimonialisation du droit à l'image dans la mesure où les personnes célèbres exploitent la valeur professionnelle de leur image en contrepartie d’une rémunération. On s'éloigne alors de la notion de droit de la personnalité. C’est pourquoi la loi du 15 décembre 2004 a créé un « droit à l'image collective » (DIC) pour les sportifs professionnels. Le DIC permet aux sportifs, dans certaines conditions, de bénéficier d'une exonération de charges sociales sur une fraction de 30 % de leur rémunération versée par leur club. Mais l’article 17 quater du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 prévoit de supprimer ce droit à compter du 30 juin 2010.
Le droit au respect du corps humain
L’article 16-1-1 du Code civil, issu de la loi du 19 décembre 2008, relative à la législation funéraire, dispose que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. » Le cadavre est une chose, mais il doit être traité avec dignité en mémoire de son humanité. C’est sur ce fondement que le juge des référés par la décision du 22 avril 2009 a interdit l’exposition « Our Body, à corps ouvert ».
La jurisprudence
La jurisprudence vient préciser et délimiter la notion du droit à l’image.
La jurisprudence rappelle dans un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 22 octobre 2009[1] que le droit à l’image s’éteint en principe au décès de son titulaire. La Cour de cassation décide que « si les proches d'une personne peuvent s'opposer à la reproduction de son image après son décès, c'est à la condition d'en éprouver un préjudice personnel établi, déduit le cas échéant d'une atteinte à la mémoire ou respect dû au mort ». En exigeant la preuve d'un préjudice personnel établi, la première chambre civile souligne le caractère personnel du droit à l'image.
Dans un arrêt du 24 septembre 2009[2], la première chambre civile de la Cour de cassation a considéré que « que chacun ayant le droit de s'opposer à la reproduction de son image hormis le cas de l'exercice de la liberté d'expression, […] la reproduction de la photographie de l'artiste sur la jaquette d'une compilation, qui constitue un acte d'exploitation commerciale et non l'exercice de la liberté d'expression, était soumise à autorisation préalable et que faute d'avoir été autorisée par l'intéressé, cette reproduction était illicite et portait atteinte au droit à son image »
Dans un arrêt du 23 juillet 2009, arrêt Hachette Filipacchi Associés (« Ici Paris ») c. France, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) conclut à l'unanimité à la violation de l'article 10 (sur la liberté d'expression) par la France en raison de la condamnation en 2002 de la requérante, une maison d’édition, suite à la publication en 1996 d’un article concernant le chanteur Johnny Hallyday, qui invoquait le droit à l'image et le droit à la vie privée[3],[4].
Dans un arrêt de cassation, la première chambre civile de la Cour de cassation du 9 juillet 2009[5], la Haute juridiction rappelle que « l'utilisation de l'image d'une personne pour en promouvoir les œuvres doit avoir été autorisée par celle-ci et que la reproduction de la première, au soutien de la vente des secondes n'est pas une "information" à laquelle le public aurait nécessairement droit au titre de la liberté d'expression, peu important l'absence d'atteinte à la vie privée de l'intéressé ».
Enfin, dans un arrêt de la Cour de cassation en sa première chambre civile du 18 septembre 2008[6], la Cour de cassation souligne la possibilité d’utiliser des moyens conciliant la liberté de la presse et le respect de la vie privée que sont les techniques du « floutage, la pixellisation ou l'apposition d'un bandeau sur le visage des personnes représentées ».
Limite du droit à l’image : l’actualité
Cependant, un fait d’actualité peut justifier la diffusion de l’image d’une personne sans son consentement. La Cour de cassation a, ainsi affirmé que la liberté de communication des informations, autorisait la publication de l’image d’une personne impliquée dans un événement d’actualité dès lors que la dignité de cette personne était respectée. Par ailleurs, il existe des exceptions comme les personnages publics dans l'exercice de leur fonction. L'image d'une personnalité publique, saisie dans le cadre de son activité professionnelle ou publique, est moins bien protégée car ces personnages recherchent précisément la publicité. Toutefois, lorsque cette photographie a été prise dans le cadre de sa vie privée, il faut revenir à la règle de l'autorisation de la publication. C'est ainsi que le Premier ministre ne peut s'opposer à ce qu'un journaliste le photographie à la sortie du conseil des ministres ou au cours d'un déjeuner officiel, mais il peut interdire la publication de photographies le représentant à l'occasion d'un événement relevant de sa vie privée, tel qu'une réunion familiale. La protection des personnes victimes d'utilisation non consentie de leur image est également assurée par les sanctions pénales de la captation illicite de l'image d'autrui.
Voir aussi
Références
- ↑ 3. Cour de cassation, 1ère chambre civile, 22 octobre 2009, N° 08-10.557
- ↑ 4. Cour de cassation, 1ère chambre civile, 24 septembre 2009 N° 08-11.112
- ↑ Communiqué du Greffier, Arrêt de chambre, Hchette Filipacchi Associés (« Ici Paris ») c. France, 23 juillet 2009
- ↑ CEDH: Johnny perd contre Ici Paris, Le Journal du dimanche, 23 juillet 2009
- ↑ 5. Cour de cassation, 1ère chambre civile, 9 juillet 2009, n°07-19.758
- ↑ 6. Cour de cassation, 1ère chambre civile, 18 septembre 2008 n° 07-16.471
Cours, manuels et revues
- Droit à l'image et droit de l'image, Philippe GAUVIN, CNDP. Division des affaires juridiques
- Jurisclasseur fascicule 3750, Image des personnes, Emmanuel Dreyer, Professeur à la Faculté Jean Monnet de l’Université de Paris-Sud (Paris XI)
- Communication Commerce électronique n° 12, décembre 2008, comm. 138 Conciliation de la liberté de la presse et du droit sur l'image, Commentaire par Agathe Lepage
- Céline Halpern, Le Droit à l'image, De Vecchi, 2003 (ISBN 978-2732836140)
- André Bertrand, Droit à la vie privée et droit à l'image, Paris, 1999 (ISBN 2-7111-3084-3)