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Droit en France : les obligations du garant en cas de défaillance de l'entrepreneur lors de la construction d'un bien immeuble

- wikinews:fr, 30/03/2011

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Sommaire

13 septembre 2007. – Dans un arrêt rendu hier, la Cour de cassation a eu l'occasion de rappeler les obligations des garants lors de la construction de biens immobiliers.


Un imbroglio juridique

Selon les indications données par l'arrêt de la Haute juridiction, un couple avait conclu, avec un entrepreneur, un contrat portant sur la construction d'une maison individuelle. Selon les termes de ce contrat, la maison devait être livrée dans douze mois à compter du commencement des travaux fixé le 19 janvier 1999. Parallèlement, « la société Swisslife, venant aux droits de la société Suisse assurances, a fourni la garantie de livraison prévue par l’article L. 231-6 du code de la construction et de l’habitation ». La maîtrise d'œuvre avait été confiée à un architecte le 10 octobre 1997 par les époux en question.

En décembre de cette même année, le maître d'œuvre, voyant que la maison n’avait pas atteint le stade du hors d’eau et qu’il existait un retard de plusieurs mois, a mis en branle la garantie auprès de la société d'assurance. Les travaux n'ayant pas repris en dépit de la mise en demeure adressée par la société Swisslife à l'entrepreneur, le maître d'œuvre a demandé à l'assureur de désigner un repreneur.

Et c'est à ce moment que l'affaire s'emballe. L'assurance demande au juge de référé de désigner un expert afin d'établir les degrés de responsabilité entre le maître d'œuvre et l'entrepreneur. Les époux lésés, au vu de l'abandon du chantier par l'entrepreneur, demande en justice la condamnation du garant à désigner une nouvelle entreprise pour terminer les travaux. Estimant que les conditions de la mise en œuvre de la garantie n'étaient pas réunies, Swisslife assigne en justice l'architecte et l'entrepreneur. Ce dernier demande de son côté la résiliation du contrat de construction aux torts exclusifs des époux.

Pour couronner le tout, l'entrepreneur est mis en liquidation judiciaire.

Toujours est-il que les époux ont été condamnés à « à payer à la société Swisslife la somme de 114 207,62 euros hors taxe, augmentée de la taxe à la valeur ajoutée à son taux applicable à la date de l’arrêt ». En outre, la Cour d'appel de Versailles a déclaré sans objet leur demande « à désigner une entreprise tenue d’achever les travaux et un bureau de contrôle » tout en les déboutant de toute demande de dommages-intérêts compensatoire « ainsi que pour préjudice moral, financier et de jouissance et limiter à une certaine somme le montant des pénalités contractuelles mises à la charge de la société Swisslife. »

S'étant pourvus en cassation, les intéressés obtiennent satisfaction sur plusieurs points importants.

Les points examinés par la Cour de cassation

Sur le paiement des travaux

En premier lieu, la Cour de cassation confirme la position de la Cour de Versailles sur le paiement des travaux effectués par l'entrepreneur pour une montant de 114 207,62 € hors taxes à payer à la société Swisslife garante de l'inexécution des travaux.

Sur la désignation d'un nouvel entrepreneur

La Cour de Versailles s'était basée sur une interprétation de l'article article L. 231-6-III du CCH[1] selon laquelle « le garant désigne “ la personne qui terminera les travaux ” ne signifie pas nécessairement que c’est en tous les cas un constructeur ou un repreneur unique qui doit être désigné et n’interdit pas au garant d’avoir recours à plusieurs intervenants, la désignation se faisant en tout état de cause “ sous sa responsabilité ” aux termes du même article ». De ce constat, elle en a déduit que le garant avait rempli cette obligation en désigant un nouveau maître d'œuvre, un nouvel entrepreneur et un bureau de contrôle. Fort de ce constat, la Cour d'appel avait donc déclaré sans objet la demande des époux pour désigner un entrepreneur afin d'achever les travaux.

Ce raisonnement a été mis en défaut par les Hauts magistrats en jugeant, qu'en application de l'article L. 231-6-III du CCH[1], « dans le cas où le garant constate que le délai de livraison n’a pas été respecté et faute par le constructeur de procéder à l’achèvement de la construction, le garant doit désigner sous sa responsabilité la personne qui terminera les travaux ».

Sur les dommages-intérêts

La Cour de Cassation a reproché à la Cour d'appel de Versailles de n'avoir pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, notamment :

  • la garantie était due depuis décembre 1999, l'assureur a désigné un nouveau constructeur avec plus de deux années de retard ;
  • la reprise des travaux a eu lieu en juillet 2005 ;
  • l'assureur a été informé par l'expert qu'il fallait entièrement reconstruire l'édifice ;
  • la cour avait désigné un expert pour établir la liste des défauts et non-conformités.

Ainsi, le rejet de la demande de dommages-intérêts a donc été censuré par la Cour de cassation.

Sur l'assurance dommages ouvrage

C'est aussi le même reproche que la Cour de cassation fait à l'arrêt attaqué.

Après avoir retenu que les époux en question devaient souscrire une nouvelle assurance dommages ouvrage, la cour d'appel a, toutefois, rejeté leur demande en fourniture par le garant des pièces leur permettant d’obtenir une assurance dommages ouvrage. Elle a jugé que les intéressés « n’apportent aux débats aucun élément de nature à mettre en doute les conditions dans lesquelles la reprise est engagée ».

Ce raisonnement a été mis en défaut par le juge de cassation. S'appuyant sur l'article L. 231-6 I a) du CCH[1], la Cour de cassation rappelle que « la garantie de livraison couvre le maître de l’ouvrage, à compter de la date d’ouverture du chantier, contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat à prix et délais convenus (…) en cas de défaillance du constructeur, le garant prend à sa charge le coût des dépassements du prix convenu, dès lors qu’ils sont nécessaires à l’achèvement de la construction, la garantie apportée à ce titre pouvant être assortie d’une franchise n’excédant pas 5 % du prix convenu ».

Le renvoi de l'affaire

De ces constatations, la troisième chambre civile de la Haute juridiction a cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles puis renvoyé le dossier devant cette même Cour, dans une autre formation.

Au stade de la procédure, la Cour de renvoi n'est pas tenue de suivre le raisonnement de la Cour de cassation. Ce n'est qu'en cas de seconde cassation, que la seconde Cour de renvoi sera obligée de suivre le raisonnement juridique de la juridiction suprême.


Les articles L. 231-6 du CCH[1] et 1147[2] du code civil

L'article en question traite de la garantie construction en cas de défaillance de l'entrepreneur. Le texte dispose notamment[3] « I. - La garantie de livraison prévue au k de l'article L. 231-2 couvre le maître de l'ouvrage, à compter de la date d'ouverture du chantier, contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus.

En cas de défaillance du constructeur, le garant prend à sa charge :

a) Le coût des dépassements du prix convenu dès lors qu'ils sont nécessaires à l'achèvement de la construction, la garantie apportée à ce titre pouvant être assortie d'une franchise n'excédant pas 5 p. 100 du prix convenu ;
b) Les conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix ;
c) Les pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant trente jours, le montant et le seuil minimum de ces pénalités étant fixés par décret.

La garantie est constituée par une caution solidaire donnée par un établissement de crédit ou une entreprise d'assurance agréés à cet effet.

II. - Dans le cas où le garant constate que le délai de livraison n'est pas respecté ou que les travaux nécessaires à la levée des réserves formulées à la réception ne sont pas réalisés, il met en demeure sans délai le constructeur soit de livrer l'immeuble, soit d'exécuter les travaux. Le garant est tenu à la même obligation lorsqu'il est informé par le maître de l'ouvrage des faits susindiqués.

Quinze jours après une mise en demeure restée infructueuse, le garant procède à l'exécution de ses obligations dans les conditions prévues au paragraphe III du présent article.

Au cas où, en cours d'exécution des travaux, le constructeur fait l'objet des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire prévues par le code de commerce, le garant peut mettre en demeure l'administrateur de se prononcer sur l'exécution du contrat conformément à l'article L. 621-28 dudit code. A défaut de réponse dans le délai d'un mois et sans que ce délai puisse être prorogé pour quelque raison que ce soit, le garant procède à l'exécution de ses obligations. Il y procède également dans le cas où, malgré sa réponse positive, l'administrateur ne poursuit pas l'exécution du contrat dans les quinze jours qui suivent sa réponse.

III. - Dans les cas prévus au paragraphe II ci-dessus et faute pour le constructeur ou l'administrateur de procéder à l'achèvement de la construction, le garant doit désigner sous sa responsabilité la personne qui terminera les travaux.

Toutefois, et à condition que l'immeuble ait atteint le stade du hors d'eau, le garant peut proposer au maître de l'ouvrage de conclure lui-même des marchés de travaux avec des entreprises qui se chargeront de l'achèvement. Si le maître de l'ouvrage l'accepte, le garant verse directement aux entreprises les sommes dont il est redevable au titre du paragraphe I du présent article.

En cas de défaillance du constructeur, le garant est en droit d'exiger de percevoir directement les sommes correspondant aux travaux qu'il effectue ou fait effectuer dans les conditions prévues au e de l'article L. 231-2.

IV. - La garantie cesse lorsque la réception des travaux a été constatée par écrit et, le cas échéant, à l'expiration du délai de huit jours prévu à l'article L. 231-8 pour dénoncer les vices apparents ou, si des réserves ont été formulées, lorsque celles-ci ont été levées. »

De son côté, l'article 1147 pose le principe des dommages-intérêts en cas de non respect des obligations contractuelles. Il stipule que « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
Notes
  1. 1,0, 1,1, 1,2 et 1,3 Code de la construction et de l'habitation.
  2. Ce texte n'a jamais fait l'objet de modification depuis la création du code civil.
  3. Le texte a été modifié par la loi du 26 juillet 2005.

Sources

Wikinews
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