On peut soigner un enfant contre la volonté de ses parents (576)
Planète Juridique - admin, 29/08/2014
La mobilisation policière semble maximale pour retrouver le jeune Ashia King, cet enfant de 5 ans atteint d’une tumeur au cerveau qui doit nécessairement voir rétablis dans les heures à venir, faute de quoi il mourrait, les soins auxquels ses parents Témoins de Jéhovah l’ont soustraits.
On ne peut que souhaiter que parents et enfant soient rapidement localisés et les parents convaincus par les policiers ou les gendarmes de laisser reprendre le traitement. N’entrons pas ici sur le registre de la répression (enlèvement d’enfant, mise en danger de la vie d’un enfants, etc.) pour ne retenir qu'une question : si les parents interpellés maintenaient leur refus que pourrait-on faire ?
A en croire une dépêche de presse le procureur de la République de Cherbourg aurait indiqué qu’on ne pouvait pas soigner un enfant contre le gré de ces parents. Le propos n’a pu qu’être mal compris car la réalité est autre.
Qu’on en juge.
Bien évidemment les titulaires de l’autorité parentale ont le droit et le devoir de veiller à la santé de leur enfant en leur prodiguant ou en leur faisant prodiguer les soins qui lui sont nécessaires. L’autorité des parents sur leur enfant est une liberté fondamentale.
Mais cette liberté souffre des limites au nom de l’ordre public, du bien commun et des valeurs supérieures comme la protection due à la personne humaine. En vérité, l’autorité parentale est en liberté surveillée.
Déjà la société peut imposer des obligations au nom de considérations de santé publique. Par exemple elle rend certaines vaccinations obligatoires, mais elle laisse aux parents le choix du thérapeute. Comme elle rend l’instruction obligatoire, quitte à laisser les parents libres, sous certains contrôles, du choix des modalités de la scolarisation.
Elle s’est aussi reconnue le droit- de contrôler la manière dont les parents exercent l’autorité parentale. L’autorité parentale –on devrait enfin parler de la responsabilité parentale ! - est finalisée. Elle est reconnue aux parents pour veiller à sa sécurité, sa santé, sa moralité et assurer son éducation à l’éducation des enfants (article 371-1 du code civil). En d’autres termes si elle ne tient pas ses objectifs il peut y être porté atteinte. Le mot clé dans l’article 371-1 du code civil1 du code civil est le mot pour.
Article 371-1 Code cvil
« L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant.
Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. »
Les parents associent l'enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. »
En l’espèce s’il y a un enjeu vital pour l’enfant – et tel semble être le cas pour ce petit bonhomme anglais – peu importe les raisons – idéologiques, religieuses, ou autres – qui veulent que les parents refusent les soins, la justice française est en droit d’intervenir (art. 375 et s. code civil).
Article 375375 code civil
« Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil général, il s'assure que la situation du mineur entre dans le champ d'application de l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles. Le juge peut se saisir d'office à titre exceptionnel.
Mieux c’est le parquet lui-même qui pourra prendre une ordonnance (OPP) confiant l’enfant à l’hôpital ou au président du Conseil général via son service de l’Aide sociale à l’enfance pour être hospitalisé. Tout se fera par téléphone. La décision est exécutoire immédiatement ; elle n’a pas à être spécialement motivée même s’il est chaudement recommandé qu’elle le soit pour éviter l’accusation d’arbitraire car on frise la lettre de cachet. Et de fait, suivant ce conseil, les procureurs motivent plus que par le passé. En tous cas les parents ne sont pas reçus au tribunal et leur opinion n’est retranscrite au procureur que par les services de police ou les services sociaux. L’OPP du parquet ne leur est même pas notifiée.
Si le juge des enfants n’est pas saisi dans les 8 jours par le parquet la décision de celui-ci perd de ses effets et n’est plus opposable aux parents. En théorie ils peuvent se présenter au foyer ou à l’hôpital pour reprendre leur enfant. En pratique une, nouvelle décision judicaire sera recherchée.
Aucun recours n’est ouvert contre cette décision du parquet. Tout au plus depuis 2002 exige-t-on que le juge pour enfants saisi se prononce dans les 15 jours après avoir reçu les parents, sauf empêchement.
Le juge des enfants qui sera ensuite saisi pourra habiliter l’Aide sociale p l’enfance a exercer en lieu et place des parents défaillants les attributs de l’autorité parentale spécialement pour faire prodiguer tel soins dès lors que la preuve sera rapportée que les parents y oint fait obstacle (article 375-7 du code civil). Le procureur de la république en cas d’urgence dispose des mêmes pouvoirs que le juge des enfants : il peut donc prendre cette décision. «
Article 375-7 code civil
(…)
« Sans préjudice de l'article 373-4 et des dispositions particulières autorisant un tiers à accomplir un acte non usuel sans l'accord des détenteurs de l'autorité parentale, le juge des enfants peut exceptionnellement, dans tous les cas où l'intérêt de l'enfant le justifie, autoriser la personne, le service ou l'établissement à qui est confié l'enfant à exercer un acte relevant de l'autorité parentale en cas de refus abusif ou injustifié ou en cas de négligence des détenteurs de l'autorité parentale, à charge pour le demandeur de rapporter la preuve de la nécessité de cette mesure. (…) ».
Mais en pratique il n‘aura pas à le faire car la loi elle-même fait injonction aux médecins auxquels l’enfant est confié directement ou indirectement via l’ASE de prendre toutes les initiatives qui s’imposent s’il y a un enjeu vital, donc urgence.
S’il y a urgence les médecins n’ont besoin d’aucune autorisation, parentale ou judiciaire. Ils engageraient leur responsabilité pénale en ne prodiguant pas les soins qui s’imposent et risqueraient 5 ans d’emprisonnement (art. 223-6 C. pénal).
Ce dispositif ne date pas d’hier. Il avait notemment été élaboré pour faire face aux parents Témoins de Jéhovah qui refusaient- des transfusions sanguine. Il avait comme base juridique un décret du 14 janvier 1974 autorisant à habiliter l’ASE ou l’hôpital à intervenir aux lieu et place des parents défaillants ou hostiles.[1]
Peu importe que l’enfant soit anglais. Il est sur le territoire français. Il suffit qu’il ait moins de 18 ans – âge de la majorité civile en France – et ne soit pas émancipé. On est dans les clous.
Cette solution s’explique non seulement parce qu’il y a un danger en l’espèce vital, mais aussi parce que les parents font un mauvais usage de leur autorité parentale. Au nom de convictions religieuses respectables certes - liberté d’opinion oblige – ils dénient le recours à un traitement qui peut soigner et peut être sauver leur enfant. Ils ne proposent rien de scientifiquement positif.
Le cas serait différent s’il y avait un conflit entre thérapies et les parents privilégiant l’une sur l’autre.
Ainsi on a vu une mère de famille être soutenue par la cour de d’appel de Nancy contre le juge des enfants dans son refus de suivre un traitement médical alors que le diagnostic vital était engagé.
En l’espèce une adolescente était condamnée à bref par la faculté qui n’arrivait pas à mettre au point le traitement nécessaire pour survivre. Qui plus est, les effets secondaires des médicaments qu’elle prenait lui étaient insupportables. Sa mère consulte en vain. Elle ne trouve finalement que des personnes qui se proposent d’accompagner la fin de vie de la jeune fille dans les moindres souffrances. La mère avec l’accord de sa fille s’y résous et renonce à retourner à l’hôpital pour devoir y supporter un traitement qualifié sans conteste d’inefficace et tenu pour douloureux. Le juge des enfants saisi en assistance éducative – qui pouvait contester le danger ? - par le procureur de la République lui-même informé par le médecin traitant ordonne le maintien à domicile de la jeune fille à condition de reprendre le traitement classique. Mère et fille refusent alors et ne démordent pas de leur choix. Elles font appel. La cour désavoue le juge en lui faisant relevant deux arguments majeurs. D’abord qu’il avait passé outre à la volonté de la jeune malade ! C e point de vue est d’autant plus important que l’arrêt se situe 6 ans avant l’entrée en vigueur de la convention internationale relative aux droits de l’enfant. 2) Mais qu’en plus, fondamentalement, il était juridiquement incompétent sur le fond car la mère exerçait correctement, c’était le moins qu’on pouvait dire, ses responsabilités. Ajoutons que l’on ne peut pas souhaiter à une mère de se trouver dans ce type de situation.
Dans son arrêt [2], la cour d’appel de Nancy est claire et nette et doit être approuvée. Les parents doivent être respectés quand ilx exercent correctement leurs responsabilités. :
« Il est constant et non contesté que l’état de santé de la jeune V. B. présente un caractère de gravité tel qu’une issue fatale n’est pas à écarter ; que le très grand danger couru par la vie de la mineure a été particulièrement mis en évidence et signalé par les experts et le professeur O. ; mais attendu, cela étant, que la compétence du juge des enfants ne saurait être admise, à défaut d’établir que par leur carence et leur défaillance les parents, investis de l’autorité parentale, ont commis une faute susceptible de mettre en péril la vie de leur enfant ; Attendu que ni les débats ni les éléments du dossier ne permettent de dire que madame B. a commis une telle faute ; que bien au contraire il est prouvé qu’en consultant successivement le professeur O. puis divers médecins, elle a suivi de façon constante et attentive l’évolution de l’état de santé de sa fille V. ;
il convient de souligner que la mère et la fille n’ont jamais divergé sur le choix d’une thérapeutique, qu’elles ont toujours agi de concert et pris les risques que pouvait comporter tel traitement en toute connaissance de cause ;
Attendu en définitive qu’il est établi que la mineure a toujours été soumise à un traitement médical ; qu’elle en suit un de façon régulière mais que le traitement n’est pas celui préconisé par le professeur O. ; qu’il s’ensuit dans le cas d’espèce que la saisine du juge des enfants revient, en l’absence de défaillance du milieu familial, à laisser à ce magistrat le choix d’une thérapeutique qui, de toute évidence, doit être laissé à la famille, d’autant qu’il n’est pas démontré que la mineure soit en danger immédiat ; Attendu que dès lors les dispositions de l’article 375 du Code civil ne sauraient recevoir application [...]. »
On a vu également il y a quelques années des parents s’opposer à un établissement médical de la région parisienne qui voulait poursuivre un traitement pour leur enfant. La famille n’avait plus confiance, pour des raisons personnelles, dans cette équipe et se proposait de mobiliser un magistrat du sud de la France. Là encore la justice leur a donné raison.
En d’autres termes dès lors que les parents exercent normalement leurs responsabilités – on dirait comme un bon père de famille si l’expression n‘avait pas été récemment supprimée du droit - même s’il y a un pronostic vital, ils sont maîtres des orientaitons médicvales à prendre. En revanche s’ils mettent objectivement leur enfant hors d’état de bénéficie d’un traitement la société peut intervenir et se substituer à eux.
On laissera de côté, car le sujet mériterait d’être traité en soi –la situation où l’enfant – doué du discernement – se prononce contre les soins quel que soit le positionnement des parents.