Les pouvoirs du maire en droit local alsacien-mosellan :
droit des collectivités territoriales - actualités et miscellane - Luc BARTMANN, 23/04/2015
A l'heure où la fusion des Régions alimente certaines craintes quant à la disparition des particularismes locaux, parmi lesquels le droit local alsacien-mosellan, il peut être intéressant de faire le point sur la teneur de ce droit local dans le domaine en rapport avec le thème dominant de ce blog, le droit des collectivités territoriales.
Voilà donc pour commencer ce qui pourrait donner lieu à une série d'articles, un rappel synthétique des pouvoirs du maire en droit local alsacien-mosellan.
D’une façon générale, il y a une assimilation très large des pouvoirs du maire en Alsace-Moselle au droit général.
Les réels pouvoirs originaux du maire d'Alsace-Moselle concernent des domaines un peu hétéroclites et sont de portée limitée voire anecdotiques :
A. S'agissant des pouvoirs du maire en matière d'actions contentieuses, celui-ci peut, sans l'autorisation du conseil municipal engager des actions contentieuses à condition de rendre compte au conseil dans sa prochaine séance (CGCT, art. L. 2541-25). Ces dispositions locales paraissent plus larges que celles de l'art. L. 2132-3 du Code général des collectivités territoriales. Ce dernier n'exige cependant pas l'urgence comme condition d'action du maire comme l'indique la disposition locale. Mais la disposition correspondante du droit général est désormais également applicable en Alsace et Moselle (V. CGCT, art. L. 2541-22). Selon une réponse ministérielle à M. Denis Jacquat (JOAN Q, 31 juill. 2000,p. 4551 ; RDL n° 30, sept. 2000, p. 50), en vertu du principe selon lequel la loi spéciale déroge à la loi générale, les dispositions des articles L. 2131-1 à L. 2131-7 bien que déclarées introduites dans les trois départements de l'Est par l'article L. 2541-22, n'y seraient applicables que si elles ne contreviennent pas et ne font pas double emploi avec les dispositions spéciales aux départements concernés. L'article L. 2132-3 qui dispose que le maire peut toujours, sur autorisation préalable du conseil municipal faire tous actes conservatoires ou interruptifs de déchéance n'interfère avec aucune disposition du droit local et est donc applicable dans les trois départements. La combinaison de ces deux dispositions autorise dans les trois départements le maire à agir, même hors cas d'urgence pour prendre toutes mesures conservatoires ou faire tout acte interruptif de déchéance ; il n’y a donc pas de véritable particularisme sur ce point ;
B. Le maire a des responsabilités particulières en matière de constatation des dégâts du gibier (notamment la désignation de l’estimateur) :
C. Le maire exerce certaines fonctions en tant que représentant de la commune auprès des autorités cultuelles et le maire est membre permanent et de droit des conseils de fabrique du culte catholique sauf des cathédrales ; il estautorité de surveillance des corporations dans les « grandes communes », c'est-à-dire, en principe, celles qui dépassent 25 000 habitants ;
D. De façon générale, il est reconnu aux maires des communes d'Alsace-Moselle, le pouvoir de prendre toutes mesures d'urgence sous réserve de confirmation ultérieure par le conseil municipal(J. Régula, op. cit., n° 34, p. 49). Cette compétence résulte de l'article L. 2541-25 du Code général des collectivités territoriales (V. supra), qui codifie l'article 19, alinéa 3 de la loi locale de 1895. Contrairement à ce que laisse penser cette codification, cette compétence ne concerne pas les seules actions judiciaires comme pourrait le laisser croire le ministre de l'intérieur (Rép. min. n° 17395 : JO Sénat Q, 24 oct. 1996, p.2786) : l'article 19 de la loi de 1895 autorisait le maire à effectuer toute “action juridique” utile à la préservation des droits de la commune et non seulement des actions contentieuses. Le maire doit cependant rendre compte au conseil municipal lors de sa séance la plus proche (CGCT, art. L. 2541-25, al. 2). L'omission du maire d'informer le conseil municipal n'a cependant pas de sanction juridique quant à la validité de l'action entreprise (Rép. min. n°34664 : JOAN Q, 25 mars 1996, p. 1638).
E. Le maire a des pouvoirs propres en matière de police spéciale(police des constructions, des fermetures journalières ou dominicales des magasins ; police rurale, etc.
1°) En Alsace-Moselle, le droit de la police municipale relève de textes particuliers qui sont toutefois pour la plupart codifiés.
2°) Le droit local du pouvoir de police municipale comporte dans l'ensemble les mêmes prérogatives et les mêmes obligations pour le maire que le droit général : assurer l’ordre public dans ses trois composantes, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques.
3°) Le caractère exécutoire des mesures de police du maire n'est pas subordonné à la transmission au représentant de l'État ; ce particularisme a été maintenu par les lois de décentralisation de 1982.
4°) Les arrêtés pris en matière de police municipale doivent être transmis au tribunal d'instance et au procureur de la République, en plus des formalités de publication du droit général.
5°) Sauf exceptions résultant de dispositions expresses, le préfet ne dispose pas en Alsace-Moselle du « pouvoir de substitution »qui, en droit général, lui permet de se substituer à un ou plusieurs maires dans l'exercice du pouvoir de police.
6°) Le régime de la police d'État est soumis en Alsace et en Moselle à une règle spécifique. La différence avec le droit général concerne la police des rassemblements d'hommes, qui relèvent en Alsace-Moselle du préfet que les rassemblements soient occasionnels ou non. En droit général, le maire est compétent pour les rassemblements non occasionnels.
7°) Dans les communes de plus de 25.000 habitants et assimilées, le maire nomme seul les gardes champêtres sans agrément du procureur de la République et du représentant de l'État.
8°) Le maire dispose du pouvoir d'accorder certaines dérogations à la règle du repos dominical et des jours fériés et fixe les heures journalières de fermeture des commerces.
9°) Concurremment aux règles du droit général fixées dans le Code de l'urbanisme, le maire dispose dans les trois départements de l'Est, en application de la loi locale du 7 novembre 1910, sur la base d'une autorisation du conseil municipal et après une procédure assez sommaire de consultation, du pouvoir de prendre un règlement municipal de construction dans l'intérêt de l'esthétique locale. Ce règlement peut comporter des règles relatives à l'implantation et à l'aspect des constructions. Ce droit local n’est plus pratiqué à Strasbourg depuis les années 1990.
10°) La loi locale sur la police rurale du 9 juillet 1888 reste en vigueur.
11°) Si en Alsace-Moselle les carrés confessionnels sont admis dans les cimetières, le maire y détient le pouvoir de décider de l’interconfessionnalité d’un cimetière (T .A. Strasbourg 2 octobre 1956).