Suite et fin de la réforme de l’exonération du versement transport
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Eve Derouesné, Simon Tapie, 1/09/2014
Quelles sont les structures qui peuvent être exonérées du versement transport ? La loi de finances rectificative définitivement adoptée le 23 juillet dernier et publiée au Journal Officiel le 9 août est venue modifier les conditions à remplir pour être exonéré de cette contribution due par les employeurs qui emploient plus de neuf salariés dans une zone où est institué ce versement.
Longtemps, de nombreuses associations et fondations des secteurs social et médico-social ont bénéficié de l’exonération du versement transport prévue aux articles L.2333-64 et L.2531-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT).
En vertu de ces articles, étaient dispensées de la taxe (i) les fondations et associations reconnues d’utilité publique (ii) à but non lucratif, (iii) dont l’activité est de caractère social.
Récemment, toutefois, nombre de ces organismes ont vu leur droit à exonération remis en cause, à la faveur d’une interprétation de plus en plus restrictive du critère du « caractère social » de l’activité. En effet, ce critère a donné lieu à des appréciations multiples, contradictoires et de plus en plus strictes, générant un contentieux volumineux devant les tribunaux des affaires de la sécurité sociale. Deux questions se trouvaient plus particulièrement au cœur des débats :
- Le recours à une majorité de bénévoles doit-il constituer une condition sine qua non du caractère social de l’activité, à l’heure où le secteur social connaît une professionnalisation croissante ?
- Dans quelle mesure le financement public de l’activité (notamment sous la forme d’un prix de journée) est-il un indice de son caractère social ou, au contraire, contribue-t-il à démontrer la réalisation d’une prestation remplie à titre onéreux ?
Saisi de cette question, le législateur a pris l’initiative d’expliciter et de clarifier les conditions d’exonération de certains organismes du versement transport.
A cette fin, a été prévue, dans le projet de loi relative à l’économie sociale et solidaire adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 20 mai 2014, la suppression des trois critères cumulatifs et leur substitution par le critère unique de la détention de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » de l’article L.3332-17 du code du travail, dont les conditions de délivrance ont d’ailleurs été profondément remaniées par le texte.
Cette solution a néanmoins été abandonnée le 3 juillet par la chambre basse en deuxième lecture au profit de l’insertion, dans le projet de loi de finances rectificative, d’un article 17 I. qui modifie les articles L.2333-64L.2333-64 et L.2531-2L.2531-2 du CGCT. La loi de finances rectificative (1) a ensuite été définitivement adoptée le 23 juillet validée par le Conseil constitutionnel le 6 août puis publiée au Journal Officiel le 9 août.
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En vertu de ces articles, étaient dispensées de la taxe (i) les fondations et associations reconnues d’utilité publique (ii) à but non lucratif, (iii) dont l’activité est de caractère social.
Récemment, toutefois, nombre de ces organismes ont vu leur droit à exonération remis en cause, à la faveur d’une interprétation de plus en plus restrictive du critère du « caractère social » de l’activité. En effet, ce critère a donné lieu à des appréciations multiples, contradictoires et de plus en plus strictes, générant un contentieux volumineux devant les tribunaux des affaires de la sécurité sociale. Deux questions se trouvaient plus particulièrement au cœur des débats :
- Le recours à une majorité de bénévoles doit-il constituer une condition sine qua non du caractère social de l’activité, à l’heure où le secteur social connaît une professionnalisation croissante ?
- Dans quelle mesure le financement public de l’activité (notamment sous la forme d’un prix de journée) est-il un indice de son caractère social ou, au contraire, contribue-t-il à démontrer la réalisation d’une prestation remplie à titre onéreux ?
Saisi de cette question, le législateur a pris l’initiative d’expliciter et de clarifier les conditions d’exonération de certains organismes du versement transport.
A cette fin, a été prévue, dans le projet de loi relative à l’économie sociale et solidaire adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 20 mai 2014, la suppression des trois critères cumulatifs et leur substitution par le critère unique de la détention de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » de l’article L.3332-17 du code du travail, dont les conditions de délivrance ont d’ailleurs été profondément remaniées par le texte.
Cette solution a néanmoins été abandonnée le 3 juillet par la chambre basse en deuxième lecture au profit de l’insertion, dans le projet de loi de finances rectificative, d’un article 17 I. qui modifie les articles L.2333-64L.2333-64 et L.2531-2L.2531-2 du CGCT. La loi de finances rectificative (1) a ensuite été définitivement adoptée le 23 juillet validée par le Conseil constitutionnel le 6 août puis publiée au Journal Officiel le 9 août.
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Au-delà du changement de texte, c’est un bouleversement de la logique d’exonération qui se dessine. La règle sera donc la suivante :
« II. Par dérogation au premier alinéa du I, sont exonérées, de droit, les fondations et les associations reconnues d’utilité publique à but non lucratif dont l’activité principale :
1° A pour objectif soit d'apporter un soutien à des personnes en situation de fragilité, du fait de leur situation économique ou sociale, du fait de leur situation personnelle et particulièrement de leur état de santé ou du fait de leurs besoins en matière d'accompagnement social ou médico-social, soit de contribuer à l'éducation à la citoyenneté et à la lutte contre les inégalités sociales par l'éducation populaire ;
2° Satisfait à l'une au moins des conditions suivantes :
a) Les prestations sont assurées à titre gratuit ou contre une participation des bénéficiaires sans rapport avec le coût du service rendu, sans contrepartie légale acquise à l'association ou à la fondation à ce titre, notamment au titre de l'article L. 314-1 du code de l'action sociale et des familles ;
b) L'équilibre financier de l'activité est assuré au moyen d'une ou de plusieurs subventions, au sens de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
c) Elle est exercée de manière prépondérante par des bénévoles et des volontaires.
(…) »
Cette nouvelle rédaction semble s’inspirer des critères déjà dégagés par la Cour de cassation (2) pour l’identification d’une activité de caractère social tout en précisant leur portée et leur articulation. L’on peut se réjouir du fait que le législateur n’ait pas érigé la prépondérance des bénévoles dans l’exercice de l’activité en condition indispensable de son caractère social, puisqu’il s’agit d’un critère alternatif, adoptant ainsi une solution en phase avec la réalité actuelle du secteur social.
On doit toutefois regretter que le nouveau texte, en créant une restriction injustifiée, conduise à l’exclusion du champ de l’exonération de nombreuses associations et fondations du secteur social. Parmi les critiques susceptibles d’être formulées contre le nouveau dispositif, il faut au premier chef relever la différence de traitement opérée entre les acteurs qui assurent leur équilibre économique au moyen de subventions publiques et ceux qui recourent à des contributions privées comme des dons ou legs .
Seuls les premiers entrent expressément dans le champ de l’exonération. Cette distinction ne repose sur aucune rationalité. L’exonération du versement transport vise à favoriser l’équilibre économique et le développement d’organisations qui sont fortement pourvoyeuses de bien-être économique et social en raison de l’objet de leurs activités, du prix des prestations fournies et d’un mode de gestion ne relevant pas de la logique marchande. Or, les acteurs financés par la générosité privée sont autant pourvoyeurs de bien-être économique et social que ceux ayant recours à des subventions dès lors que leur activité est identique et que leurs prestations sont assurées dans les mêmes conditions économiques.
Certes, faute de bénéficier de droit de l’exonération, certains acteurs pourront en théorie encore éventuellement espérer échapper au versement transport en application du IV des articles L.2333-64 et L.2531-2 du CGCT selon lequel :
" IV.- L'organe délibérant de l'autorité organisatrice de transport, au sens de l'article L. 1221-1 du code des transports, peut exonérer, par délibération prise avant le 1er octobre en vue d'une application à compter du 1er janvier de l'année suivante, les fondations et les associations reconnues d'utilité publique à but non lucratif dont l'activité principale a pour objectif de contribuer à la lutte contre les exclusions et les inégalités sanitaires, sociales, économiques et culturelles, à l'éducation à la citoyenneté, à la préservation et au développement du lien social ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale et satisfait à l'une au moins des conditions mentionnées au 2° du II du présent article.
Il peut également exonérer, par délibération prise avant le 1er octobre en vue d'une application à compter du 1er janvier de l'année suivante, les associations à but non lucratif directement affiliées à une association reconnue d'utilité publique lorsque l'activité principale de ces associations poursuit les objectifs mentionnés au 1° du II ou au premier alinéa du présent IV et satisfait à l'une au moins des conditions mentionnées au 2° du II.
Les délibérations prévues aux deux premiers alinéas du présent IV sont transmises par l'autorité organisatrice de transport aux organismes de recouvrement avant le 1er novembre de chaque année. Elles sont prises pour une durée de trois ans. "
Reste que l’on peut douter de l’effectivité d’une telle disposition à l’heure où les autorités organisatrices de transport sont à la recherche de recettes.
Quoiqu’il en soit, souhaitons que la situation ne soit pas définitive. La précipitation entourant l’adoption de ce texte a eu pour conséquence une rédaction perfectible et l’absence d’étude d’impact concernant les effets de celle-ci. Si les acteurs des secteurs social et médico-social n’ont pas obtenu un report de l’adoption du texte, ils ont au moins acquis la remise par le Gouvernement au Parlement, avant le 1er octobre 2014, d’un rapport évaluant son impact financier sur les fondations et associations à but non lucratif dont l’activité est de caractère social (article 17 III. de la loi de finances rectificative pour 2014).
(1) : Loi n° 2014-891 du 8 août 2014
(2) : Cass, 2ème Civ., 28 mai 2009, n° 08-17553 ; Cass., 2ème Civ., 22 février 2007, n° 05-17316 ; Cass., Soc., 31 janvier 2002, n° 00-13010 ; Cass., Soc., 27 juin 2002, n° 01-20467
pour voir notre article précédent sur le même thème :
Vers une clarification du périmètre des associations et fondations exonérées du versement transport (kpratique 10 juin 2014)
1° A pour objectif soit d'apporter un soutien à des personnes en situation de fragilité, du fait de leur situation économique ou sociale, du fait de leur situation personnelle et particulièrement de leur état de santé ou du fait de leurs besoins en matière d'accompagnement social ou médico-social, soit de contribuer à l'éducation à la citoyenneté et à la lutte contre les inégalités sociales par l'éducation populaire ;
2° Satisfait à l'une au moins des conditions suivantes :
a) Les prestations sont assurées à titre gratuit ou contre une participation des bénéficiaires sans rapport avec le coût du service rendu, sans contrepartie légale acquise à l'association ou à la fondation à ce titre, notamment au titre de l'article L. 314-1 du code de l'action sociale et des familles ;
b) L'équilibre financier de l'activité est assuré au moyen d'une ou de plusieurs subventions, au sens de l'article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
c) Elle est exercée de manière prépondérante par des bénévoles et des volontaires.
(…) »
Cette nouvelle rédaction semble s’inspirer des critères déjà dégagés par la Cour de cassation (2) pour l’identification d’une activité de caractère social tout en précisant leur portée et leur articulation. L’on peut se réjouir du fait que le législateur n’ait pas érigé la prépondérance des bénévoles dans l’exercice de l’activité en condition indispensable de son caractère social, puisqu’il s’agit d’un critère alternatif, adoptant ainsi une solution en phase avec la réalité actuelle du secteur social.
On doit toutefois regretter que le nouveau texte, en créant une restriction injustifiée, conduise à l’exclusion du champ de l’exonération de nombreuses associations et fondations du secteur social. Parmi les critiques susceptibles d’être formulées contre le nouveau dispositif, il faut au premier chef relever la différence de traitement opérée entre les acteurs qui assurent leur équilibre économique au moyen de subventions publiques et ceux qui recourent à des contributions privées comme des dons ou legs .
Seuls les premiers entrent expressément dans le champ de l’exonération. Cette distinction ne repose sur aucune rationalité. L’exonération du versement transport vise à favoriser l’équilibre économique et le développement d’organisations qui sont fortement pourvoyeuses de bien-être économique et social en raison de l’objet de leurs activités, du prix des prestations fournies et d’un mode de gestion ne relevant pas de la logique marchande. Or, les acteurs financés par la générosité privée sont autant pourvoyeurs de bien-être économique et social que ceux ayant recours à des subventions dès lors que leur activité est identique et que leurs prestations sont assurées dans les mêmes conditions économiques.
Certes, faute de bénéficier de droit de l’exonération, certains acteurs pourront en théorie encore éventuellement espérer échapper au versement transport en application du IV des articles L.2333-64 et L.2531-2 du CGCT selon lequel :
" IV.- L'organe délibérant de l'autorité organisatrice de transport, au sens de l'article L. 1221-1 du code des transports, peut exonérer, par délibération prise avant le 1er octobre en vue d'une application à compter du 1er janvier de l'année suivante, les fondations et les associations reconnues d'utilité publique à but non lucratif dont l'activité principale a pour objectif de contribuer à la lutte contre les exclusions et les inégalités sanitaires, sociales, économiques et culturelles, à l'éducation à la citoyenneté, à la préservation et au développement du lien social ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale et satisfait à l'une au moins des conditions mentionnées au 2° du II du présent article.
Il peut également exonérer, par délibération prise avant le 1er octobre en vue d'une application à compter du 1er janvier de l'année suivante, les associations à but non lucratif directement affiliées à une association reconnue d'utilité publique lorsque l'activité principale de ces associations poursuit les objectifs mentionnés au 1° du II ou au premier alinéa du présent IV et satisfait à l'une au moins des conditions mentionnées au 2° du II.
Les délibérations prévues aux deux premiers alinéas du présent IV sont transmises par l'autorité organisatrice de transport aux organismes de recouvrement avant le 1er novembre de chaque année. Elles sont prises pour une durée de trois ans. "
Reste que l’on peut douter de l’effectivité d’une telle disposition à l’heure où les autorités organisatrices de transport sont à la recherche de recettes.
Quoiqu’il en soit, souhaitons que la situation ne soit pas définitive. La précipitation entourant l’adoption de ce texte a eu pour conséquence une rédaction perfectible et l’absence d’étude d’impact concernant les effets de celle-ci. Si les acteurs des secteurs social et médico-social n’ont pas obtenu un report de l’adoption du texte, ils ont au moins acquis la remise par le Gouvernement au Parlement, avant le 1er octobre 2014, d’un rapport évaluant son impact financier sur les fondations et associations à but non lucratif dont l’activité est de caractère social (article 17 III. de la loi de finances rectificative pour 2014).
(1) : Loi n° 2014-891 du 8 août 2014
(2) : Cass, 2ème Civ., 28 mai 2009, n° 08-17553 ; Cass., 2ème Civ., 22 février 2007, n° 05-17316 ; Cass., Soc., 31 janvier 2002, n° 00-13010 ; Cass., Soc., 27 juin 2002, n° 01-20467
pour voir notre article précédent sur le même thème :
Vers une clarification du périmètre des associations et fondations exonérées du versement transport (kpratique 10 juin 2014)