Militant de la Manif pour tous en prison : La Droite découvre le Code Pénal
Actualités du droit - Gilles Devers, 21/06/2013
Nicolas B., 23 ans, étudiant, un actif de La Manif pour tous a été condamné mercredi 19 juin par la 16e chambre correctionnelle de Paris à quatre mois de prison, dont deux avec sursis, pour rébellion et fourniture d'une identité imaginaire, et à une amende de 1 000 euros pour refus de prélèvement de son ADN et de ses empreintes. La condamnation a été assortie d'un mandat de dépôt, et le condamné a été écroué. La Droite est partie dans un de ces délires d’inculte dont elle a le secret,... et très franchement, ça devient vraiment lourdingue. On attend, de toute urgence, que la Manif pour tous devienne le Zen pour tous…
La première affaire
Le jeune a un casier vierge, alors qu’il a déjà été condamné par le tribunal correctionnel de Paris le 28 mai, il y a moins d’un mois. Il était poursuivi, à la suite d'une manifestation non autorisée pour des faits de « non dispersion d'un rassemblement non autorisé », « entrave à la circulation » et « fourniture d'identité imaginaire ». Le tribunal avait fait preuve d’une bienveillance remarquable, en ne prononçant qu’une peine d’amende 200 euros avec sursis. Le parquet a fait appel, estimant cette peine trop clémente, et donc, il n’y a pas de condamnation au casier. Mais il reste néanmoins que le tribunal retrouvait une personne jugée il y a peu pour des faits proches. Le jeune homme n'avait pas fait appel de sa condamnation, ce qui accrédite l’idée que les faits étaient reconnus. Le tribunal ne rejuge pas cette affaire, mais il doit tenir compte de la globalité d’une situation,... et donc les faits antérieurs sont des éléments d’appréciation de la nouvelle affaire.
La seconde affaire
Ce nouveau passage au tribunal, et pour des faits plus graves, montre que la personne n’a eu que fiche du jugement d’apaisement prononcé par le tribunal. Regardons les nouveaux griefs, qui ont peu à voir avec le débat d’idées et beaucoup avec la délinquance de base.
1/ Rébellion
Il participait à une manifestation à l’occasion de la venue de Hollande à M6, et cette manif avait été autorisée. Donc, où est la répression politique ? C'est nul. A la fin, tout le monde se barre, sauf 150 personnes qui vont vers les Champs Elysées, et là ça devient une manif non autorisée. Les mecs brassent un peu, mais la police laisse faire gentiment, et les mecs se séparent. Mais reste une vingtaine de gus, qui continuent et que la police décide d’interpeller. Parmi eux, trois mineurs : une petit tour au commissariat, et tout le monde est relâché. Cool la police.
Oui, mais un – le chef ! – a refusé d’obtempérer, s’opposé physiquement et a pris la fuite, les flics étant obligé de la courser pour l'arreter en faisant usage de la force physique strictement nécesaire. Les faits sont prévus par l’article 433-6 du Code pénal: « constitue une rébellion le fait d'opposer une résistance violente à une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public agissant, dans l'exercice de ses fonctions, pour l'exécution des lois, des ordres de l'autorité publique, des décisions ou mandats de justice ». La rébellion est punie d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende.
Ici, la marge de contestation est faible, surtout quand tu as plusieurs flics comme témoins, et que tous les indices matériels montent la rébellion. Quand un flic s’approche de toi et décline son identité, tu as le devoir d’obtempérer. Si tu n'es pas d’accord, tu le dis, et tu pourras même faire ensuite tous les procès que tu voudras. Mais faire la leçon au flic sur le coin d’une rue, lui expliquer qu’il n’est qu’un guignol, refuser de le suivre et le contraindre à une arrestation physique, c’est une infraction,... et heureusement car sans cela, je ne sais pas comment les flics pourraient faire leur travail.
2/ Dégradations volontaires
Pour se protéger de la course poursuite avec les flics qui tournait à son désavantage, le jeune homme est entré dans une pizzeria, et l’arrestation s’est faite dans un contexte mouvementé au premier étage, avec de la casse. Le tribunal, comme l’explique Le Monde, n’a pas retenu l’infraction, car il n’était pas facile de faire la part entre des dégradations volontaires et les contrecoups de l’arrestation mouvementée. Donc relaxe.
3/ Fourniture d’une identité imaginaire
L’infraction est prévue par l’article 781 du Code de procédure pénale, et la peine encourue est de 7 500 euros d'amende.
4/ Refus de donner son ADN
Ça, c’est le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg) créé sous Guigou pour la délinquance sexuelle, et depuis étendu à toutes sortes d’infractions par Sarko, en dépit du bon sens. Le tarif est de un an de prison et de 15 000 euros d'amende, et le tribunal a fixé la peine à 1000 €. Cette infraction est une plaie pour les militants, mais cette plaie est un cadeau de l’UMP… (que ne songe pas à remettre en cause le PS).
Alors, cette peine, sévère ?
Un jeune homme en prison, pour une courte peine, c’est une décision lourde, mais c’est du quotidien, et surtout, c’est l’application de la loi. Une fin de manif qui part en sucettes, des accrochages avec les flics et des attitudes d’insubordination face aux forces de l’ordre,… un vieux film, et ce n’est pas la première fois que ça se finit avec de la prison ferme. Ce qui est plus inhabituel, c’est le mandat de dépôt immédiat. Mais je subodore que l’attitude à l’audience n’a peut-être pas été au niveau de ce que doivent être les relations dans un Palais de Justice. Le tribunal, expérimenté, doit jauger la situation pour voir où le prévenu en est dans son rapport à la loi, et a priori les réponses ont été un peu décevantes…
Il faut aussi avoir en tête la problématique du juge, qui a pour mission d’appliquer la loi, et la loi prévoit un an ferme. Le juge est invité à prendre en compte tous les circonstances atténuantes, pour réserver le maximum légal aux cas les plus graves. Or, cette affaire est une illustration parfaite de ce qu’est l’infraction de rébellion, rébellion qui est revendiquée. Alors, la peine prononcée de deux mois de prison ferme est loin du maxi… prévu par le législateur.
Aussi, si on peut poser de la question des courtes peines, parler de répression politique est idiot. On n’est pas place Taksim… et la Droite se ridiculise en attaquant – encore une fois – les juges qui appliquent les lois qu’elle a votées.
De même, je ne peux que déplorer les déclarations de mon excellent confrère, Benoît Gruau, l'avocat du condamné, qui a expliqué à la télé : « La juge voulait faire un exemple. Je souhaite une excellente carrière à cette présidente du tribunal. Après cette affaire, elle risque d'être très bien notée par sa hiérarchie ». Mettre en cause un juge, sur des médias grand publics, en lui imputant de vouloir faire un exemple, c’est grave et nul. Ça n’a rien à voir avec ce que doit être la défense, dans un pays libre.
Un peu de calme et de sérénité...