Les biens de Tapie saisis grâce à une loi de Sarko !
Actualités du droit - Gilles Devers, 10/07/2013
Qu’il était gros le gros balourd du gros roublard : « Je ne savais pas que je vivais dans un pays où l'on peut exécuter les gens avant d'avoir été condamné ». Notre ami Tapie, qui a fait sa fortune devant les tribunaux de commerce en rachetant un euro des entreprises en faillite, grâce à la loi Badinter (Humaniste de la fin du XX° siècle) et à son avocat Borloo (Humaniste de la fin du XX° siècle) découvre soudain les mesures conservatoires… ce qui lui arrive, c’est de la bonne vieille procédure, rénovée par la loi Sarko (Humaniste de la fin du XX° siècle). Vous vous rappelez… Le p’tit nerveux qui s’excitait contre les malfrats qui roulaient en voiture de luxe…
On essaie de pas tout confondre ? Il y a saisie et saisie…
Biens saisis comme preuves
Quand une affaire pénale commence, et qu’il faut vite récupérer les preuves, le Code de procédure pénale permet d’opérer des saisies : là, on pique, et on met sous scellés.
Biens saisis pour payer les victimes
Ensuite, il y a tout le volet du désintéressement de la victime. Ton adversaire en procédure te doit (peut-être) beaucoup d’argent, et comme tu vois bien le schéma où le mec va dilapider des biens pour se rendre insolvable quand tu auras gagné le procès, tu obtiens, par une procédure adjacente, l’autorisation de geler les biens de ton débiteur. Si tu gagnes le procès, et que le mec ne paie pas, tu pourras faire vendre les biens. Si tu perds, le procès, la saisie est levée, et c’est comme s’il ne s’était rien passé. Comme la mesure est uniquement conservatoire, le juge l’accorde assez bien, d’autant plus que la personne saisie peut revenir devant la juge pour contester cette saisie conservatoire.
Dans l’affaire Tapie, c’est ce qu’aurait dû faire, et depuis belle lurette, le CDR, donc l’Etat, dont Mosco et Hollande. Mais comme ce sont des mouilles colles, ils se sont contentés de faire des discours.
Biens à confisquer, car d’origine frauduleuse
Ce sont donc les juges d’instruction qui ont fait le nécessaire. Ils peuvent, et depuis toujours, agir si le patrimoine parait être le fruit de l’infraction. S’il y a une victime, ça pourra lui servir à être indemnisée. Mais même s’il n’y pas de victime, ça permettra de confisquer les biens à titre de peine principale (Code pénal, art. 131-21). La confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre, et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition. Elle porte également sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime. C’est toute la logique du blanchiment. Le mec a gagné de l’argent avec le trafic de drogue, et il a ensuite achetée une Audi cabriolet chez le concessionnaire. Il n’y a pas de victime, mais le tribunal peut confisquer la belle Audi, pour la revendre, et le fruit de la vente sera pour le Trésor Public.
Là, c’est pile ce qui arrive, mais en phase 1. Les juges, qui ne sont pas des mouilles colles, ont fait des saisies conservatoires. Le patrimoine est ainsi gelé, et la confiscation en pourra intervenir qu’après une condamnation définitive. Dans notre affaire, les juges ont travaillé pour la victime, le CDR.
La belle loi Sarko du 9 juillet 2010
Tapie peut faire appel devant la chambre de l’instruction. Il fait comme s’il avait tout découvert hier, en lisant Le Monde. La saisie a été effectué le 28 juin, juste après sa mise en en examen, et lui a été dénoncée très rapidement. Il espérait que ça ne se saurait pas, mais comme ça a été publié dans la presse, il joue l’outragé. Nul.
Il va pourvoir saisir la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, mais je lui souhaite bien du courage, car une loi inspirée par Sarko, loi du 9 juillet 2010, a blindé le système. Cette loi visait « à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.
Comme on a à faire à des voyous, les saisies sont compliquées à gérer, et la loi Sarko avait créé une Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. Le but de la loi était de permettre « dès le stade de l'enquête et de l’instruction, des possibilités de saisie patrimoniale afin d’assurer la pleine effectivité des peines de confiscation susceptibles d’être prononcées au moment du jugement ». Alors quand Tapie chouigne sur les condamnés avant l’heure, il peut donner un coup de fil à Sarko, qui lui expliquer le pourquoi du comment.
Et cette loi est en fait du droit européen…
Mais Tapie ne pourra pas trop en vouloir à Sarko, car le p’tit nerveux ne faisait en fait que mettre en œuvre un texte européen, la décision-cadre 2006/783/JAI du 6 octobre 2006 relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de confiscation. Ce qui veut dire aussi que les biens planqué en Europe vont se faire ratiboiser de la même manière.