Cour de cassation - 07-80.045
- wikisource:fr, 5/02/2009
Visas
La Cour de cassation, Chambre criminelle, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trois octobre deux mille sept, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Labrousse, les observations de Me Haas, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général Mouton ;
Rejet du pourvoi formé par X… Eric, contre le jugement de la juridiction de proximité de Nîmes, en date du 4 octobre 2006, qui, pour refus de recevoir un billet ayant cours légal, l’a condamné à 100 euros d’amende ;
Vu le mémoire produit ;
Motifs
- Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, R. 642-3 du code pénal, L. 112-5 du code monétaire et financier, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
en ce que le jugement attaqué a déclaré Eric X… coupable d’avoir refusé de recevoir, selon leur valeur, monnaie ou billet ayant cours légal en France et, en répression, l’a condamné à une amende de 100 euros ;
- aux motifs que pour que la contravention consistant en un refus de recevoir des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France soit constituée, encore faut-il que le débiteur de la somme d’argent s’acquitte de son obligation de faire l’appoint, par application de l’article L. 112-5 du code monétaire et financier ; qu’il ressort de l’enquête préliminaire que la société TNT n’accepte aucun paiement en liquide ; qu’ainsi, le plaignant n’était-il pas en mesure d’effectuer un quelconque paiement en billets et pièces, et par là-même, n’était pas en mesure de respecter son obligation de faire l’appoint, lequel aurait été en tout état de cause refusé par le prévenu, la société TNT « n’étant pas dotée de moyens permettant de stocker le liquide et de le transporter et n’acceptant que les paiements par chèques » ; que l’obligation imposée au créancier de recevoir les espèces et monnaies nationales cesse si ces espèces ou monnaies sont fausses ou altérées ; qu’il ressort de l’audition du salarié de la société TNT que le paiement en espèces du plaignant a été refusé, non pas du fait d’un doute sur la légalité des pièces et billets mais du fait de la nature même du paiement, « le paiement en liquide n’étant plus accepté, la société n’étant pas dotée de moyens rendus nécessaires par ce mode de versement » ; que la pratique consistant à interdire le paiement des prestations en espèces ne peut être justifiée par l’absence d’équipement nécessaire auquel il peut être aisément remédié et contrevient à la réglementation en vigueur, dès lors que le créancier ne propose pas au choix du client d’autres moyens de paiement et ne lui permet pas de s’honorer de sa dette en espèces, selon des modalités particulières dont la définition peut relever de sa politique commerciale ; que seul le paiement en chèque est autorisé par la société TNT, aucun choix n’étant ouvert au débiteur, cette pratique pouvant être jugée discriminatoire pour avoir pour effet d’écarter tout débiteur frappé d’interdit bancaire ;
- alors, premièrement, qu’en cas de paiement en billets et pièces, il appartient au débiteur de faire l’appoint ; que, par suite, l’infraction visée à l’article R. 642-3 du code pénal ne peut être constituée que si, le débiteur ayant fait l’appoint, le créancier refuse le paiement de sa créance en billets et pièces ; qu’en retenant, pour déclarer le prévenu coupable de cette contravention, que la société TNT "n’accepte aucun paiement en liquide », sans constater que le client avait été en mesure de faire l’appoint, ce qui était, du reste, expressément contesté, le juge de proximité, qui n’a pas caractérisé l’élément matériel de l’infraction, a fait à Eric X… un procès d’intention ;
- alors, deuxièmement, que n’est pas pénalement punissable le refus de recevoir un paiement par monnaie ou billet, dès lors qu’est proposé au débiteur un autre mode de paiement ; que le juge de proximité, qui constatait que la société TNT acceptait les règlements par chèque, ne pouvait pas légalement entrer en voie de condamnation ;
- alors, troisièmement, que la contravention prévue par l’article R. 642-3 du code pénal a seulement pour objet de réprimer les atteintes portées à la Nation ou à l’État au travers de sa monnaie et non de punir les atteintes à la dignité de la personne ; qu’en considérant, pour retenir le prévenu dans les liens de la prévention, que l’acceptation du chèque comme seul mode de paiement pouvait avoir un effet discriminatoire à l’égard des clients frappés d’interdit bancaire, le juge de proximité a statué par un motif inopérant ;
- alors, quatrièmement, qu’en toute hypothèse, dans ses conclusions (p. 5, § 7), Eric X… faisait valoir que la société TNT accepte les paiements par chèque ou par carte de crédit et que Jacques Y… n’avait pas laissé la possibilité au préposé de la société de lui proposer un autre moyen de paiement que celui en espèces ; qu’en retenant que le chèque était le seul mode de paiement accepté par la société TNT, sans préciser sur quelle pièce il se fondait pour procéder à une telle affirmation, le juge de proximité n’a pas donné de base légale à sa décision ;
Attendu qu’il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure qu’Eric X…, gérant de la société TNT Express national ayant pour objet le transport de marchandises, est poursuivi pour avoir refusé de recevoir d’un client un règlement en espèces pour l’expédition d’un colis ;
Attendu que, pour le déclarer coupable de la contravention prévue par l’article R. 642-3 du code pénal, le jugement énonce, notamment, que la société créancière n’acceptant aucun règlement en numéraire, le débiteur n’était donc pas en mesure d’effectuer un paiement en billets et pièces ni même de s’acquitter de l’obligation de faire l’appoint ;
Attendu qu’en l’état de ces seuls motifs, procédant de son pouvoir souverain d’appréciation des faits et circonstances de la cause, le jugement n’encourt pas les griefs allégués ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que le jugement est régulier en la forme ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Labrousse conseiller rapporteur, M. Dulin, Mmes Thin, Desgrange, M. Rognon, Mmes Nocquet, Ract-Madoux, MM. Bayet, Straehli conseillers de la chambre, M. Soulard, Mmes Slove, Degorce conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;