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Outrage aux symboles nationaux en France

- Wikipedia, 4/01/2012

La notion d'outrage aux symboles nationaux englobe, en France, l'ensemble des offenses infligées aux représentations de l'État français ou, au sens plus large, de la nation française. Le délit pénal d'outrage à l'autorité de l'État a longtemps été limité aux personnes physiques des représentants de l'administration. À la suite d'affaires médiatisées, des évolutions législatives ont, dans les années 2000, créé des délits d'outrage aux symboles impersonnels de la République française.

Sommaire

Outrages aux représentants de l'État

Offense au chef de l'État

Le crime de lèse-majesté était puni par le système législatif du Royaume de France, jusqu'à sa disparition en 1832 sous la Monarchie de Juillet. En 1881, sous la troisième République, la loi sur la liberté de la presse réintroduit et codifie le délit d'offense au premier représentant de l'État. Naguère sanctionné par une peine de prison, le délit d'offense au Président de la République française est aujourd'hui puni d'une amende, fixée à 45 000 euros.

Outrage à agent public

Article détaillé : Outrage à agent public en France.

L'article 433-5 du Code pénal définit comme outrage à agent public « les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l'envoi d'objets quelconques adressés à une personne chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie. ». Ce délit est puni de 7 500 euros d'amende.

Outrages aux symboles de la France et évolutions législatives

Longtemps, l'outrage aux symboles nationaux comme le drapeau de la France, ou son hymne national La Marseillaise n'a pas été considéré comme délictueux par la loi française. L'article 440 du Code de justice militaire stipule néanmoins : « Le fait pour tout militaire ou toute personne embarquée de commettre un outrage au drapeau ou à l'armée est puni de cinq ans d'emprisonnement. Si le coupable est officier il encourt, en outre, la destitution ou la perte de son grade. »[1]. Ces dispositions ne mentionnent pas l'hymne national et ne concernent que le personnel des Forces armées françaises.

Des polémiques ont pu voir le jour, comme dans les années 1970 lors de l'interprétation contestée de La Marseillaise par Serge Gainsbourg[2], mais ce n'est qu'à partir de 2003 que l'outrage au drapeau ou à l'hymne national est tombé sous le coup de la loi pour l'ensemble de la population française.

Affaire des outrages à la Marseillaise lors de matchs de football en 2001 et 2002

Le 6 octobre 2001, la France rencontre l'Algérie au Stade de France au cours d'un match amical de football, qui représente la première compétition entre les deux équipes. L'interprétation de La Marseillaise, avant le match, est perturbée par des sifflets venus du public, en présence du premier ministre de l'époque Lionel Jospin et de plusieurs membres du gouvernement, sans que le premier ministre ne réagisse[3]. Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, tente de ramener le calme et reçoit une bouteille d'eau en plein visage[4]. A la soixante-quinzième minute, le match est interrompu à la suite de l'invasion du terrain par plusieurs dizaines de supporters de l'équipe algérienne. Les incidents lors de la rencontre et les outrages contre l'hymne national marquent l'opinion, quelques mois avant la présidentielle de 2002. De nombreux commentateurs s'interrogent sur la signification de l'évènement en matière de civisme, de perte de repères culturels et nationaux, et d'intégration des jeunes Français d'origine étrangère. Une semaine après les faits, 56% des personnes interrogées lors d'un sondage Ipsos jugent que ces incidents « témoignent des difficultés d'intégration d'une partie de la population française d'origine musulmane »[5].

Le 11 mai 2002, avant le début d'une rencontre au Stade de France entre le FC Lorient et le SC Bastia, La Marseillaise est sifflée par une partie des supporters corses. Le président de la République Jacques Chirac, présent à la rencontre, quitte alors momentanément la tribune. Le match a finalement lieu avec 20 minutes de retard, après des excuses du président de la Fédération française de football Claude Simonet[6].

Conséquences législatives

En février 2002, quatre mois après l'affaire du match France-Algérie, des sénateurs déposent un projet de loi visant à punir de 8 000 euros d'amende « les paroles, gestes, écrits ou images de nature à porter volontairement atteinte au respect dû aux symboles de la République que sont le drapeau et l'hymne national », précisant « Il n'est plus acceptable d'entendre « La Marseillaise » outragée et conspuée. Il n'est pas tolérable de voir brûler les drapeaux français. Nos concitoyens sont largement demandeurs de ce que le bien commun de la Nation soit protégé des camouflets et des injures. »[7]. Une proposition de loi similaire est déposée en juillet 2002 à l'Assemblée nationale[8].

En mars 2003, un amendement à la loi pour la sécurité intérieure présentée par le ministre de l'intérieur Nicolas Sarkozy, crée le délit d'outrage au drapeau ou à l'hymne national[9]. L'article 133 de la loi précise : « Le fait, au cours d'une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques, d'outrager publiquement l'hymne national ou le drapeau tricolore est puni de 7 500 euros d'amende. Lorsqu'il est commis en réunion, cet outrage est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende »[10]. Rudy Salles, député UDF auteur de l'amendement, commente : « J'avais déposé une proposition de loi dès 1999 à la demande des anciens combattants, tombée dans l'oubli (...). Il a fallu les sifflets du match France - Algérie en 2001 pour que l'on s'en préoccupe. » Le Conseil constitutionnel modifie la loi en étendant les sanctions aux « manifestations publiques à caractère sportif, récréatif ou culturel », et en précisant que sont exclues des poursuites les « oeuvres de l'esprit »[4].

Affaires en milieu sportif postérieures à 2003

Des affaires d'outrages aux symboles nationaux français ont continué d'avoir lieu lors de rencontres de football après la promulgation en 2003 de la loi pour la sécurité intérieure, y compris hors de France. Le 30 mars 2005, les supporters israéliens sifflent l'hymne national français lors d'une rencontre à Tel-Aviv durant les éliminatoires de la coupe du monde de football de 2006[11]. Le 9 septembre 2007, La Marseillaise est sifflée lors d'un match de football entre la France et l'Italie, apparemment en réaction au coup de tête donné par Zinedine Zidane à Marco Materazzi lors de la finale de la coupe du monde de football de 2006. Le 12 novembre de la même année, l'hymne est sifflé lors d'un match amical entre la France et le Maroc[12].

Le 14 octobre 2008, à l'occasion du match amical entre la France et la Tunisie, la Fédération française de football tente de prévenir toute manifestation d'hostilité envers l'hymne français en conviant deux chanteuses franco-tunisiennes, Lââm et Amina, à chanter respectivement La Marseillaise et l'hymne tunisien Humat Al-Hima[13]. L'interprétation de Lââm est cependant perturbée par des sifflets[14].

Après ce match, et selon les souhaits du Président de la République Nicolas Sarkozy, le gouvernement a annoncé sa décision d'interrompre toute rencontre sportive dès lors que l'hymne national serait sifflé[15]. La ministre des sports Roselyne Bachelot déclare : « Tout match où notre hymne national sera sifflé sera immédiatement arrêté. Les membres du gouvernement quitteront immédiatement l'enceinte sportive où notre hymne national a été sifflé »[13]. Cette nouvelle affaire provoque de nombreuses réactions de la part de la classe politique française. Frédéric Lefebvre, porte parole de l'UMP, a publié un communiqué selon lequel « Il est désolant de voir que des Français aient pu siffler des Français »[16]. Marie-George Buffet, secrétaire générale du parti communiste, estime que ces dérapages sont à mettre sur le compte des gens qui « ne se sentent pas bien chez nous (...) Il y a peut-être à se pencher sur pourquoi ces hommes et ces femmes, et notamment tous ces jeunes (…) éprouvent le besoin de siffler la Marseillaise »[17]. En revanche, Arnaud Montebourg, député PS de Saône-et-Loire, déclare : « Je suis désolé et choqué. Je pense qu'il faudra imaginer maintenant la suspension des matchs parce que ça renvoie une image de la France qui n'est pas celle que nous souhaitons. Rien ne peut justifier qu'on puisse siffler ainsi un hymne national qui est censé rassembler tous les enfants de France, y compris ceux issus de l'immigration »[18]. De son côté, Jean-Marie Le Pen, président du Front National, dénonce « l'échec de la politique d'immigration et d'intégration des différents gouvernements »; il estime qu'une « fois de plus, on entend des petits cris d’indignation, les plaintes de ministres et autres personnalités politiques qui se disent choqués ou se désolent. En revanche on fait silence sur la conclusion qui s’impose : ces Français qui sifflent l’hymne national prouvent qu’ils ne sont que des Français de papier, et que l’intégration de masses étrangères à notre culture est un échec parce que c’est une utopie. Ces scandaleux incidents montrent également que la détermination des autorités sportives à combattre le racisme dans les stades est à sens unique : elle ne s’applique pas au racisme anti-français »[19]. Marine Le Pen, quant à elle, indique que [les sifflets] « venaient non pas de supporters tunisiens venant de Tunisie mais de dizaines de milliers de jeunes maghrébins naturalisés français et communiant dans cette même exécration d’un pays dont ils ne se sentent absolument pas citoyens »[20]. Le secrétaire d'État aux sports Bernard Laporte propose, pour sa part, de ne plus organiser en région parisienne les rencontres sportives entre la France et les pays du Maghreb[21],[17].

Le journaliste Pierre Haski considère qu'il ne faut pas se limiter « au registre de l'indignation et de la sanction ». Il regrette l'absence d'analyse des raisons de cet incident. Pierre Haski considère qu'il existe un lien entre le sifflement de l'hymne national et le « débat faussé sur l'identité nationale ». Selon lui, la stigmatisation et le mépris d'une partie de la population conduit à des réactions sous « la forme extrême d'émeutes, ou celle, soft, de sifflets symboliques. »[22]. Au contraire, Philippe Alexandre signe un article intitulé « Les salauds ! », où il indique que « dans tous les cas, il s'agit de football. N'en déplaise à ses “fans”, ce sport populaire détient la triste exclusivité d'effroyables et souvent sanglantes barbaries, dans les stades ou dans les alentours. Aucun autre sport, si populaire soit-il comme le rugby, ne voit l'enthousiasme dégénérer en sauvagerie. ». Il en indique ce qui est selon lui les causes : « C'est que le football, avec la folie de l'argent, qui l'alimente et l'exploitation qu'en font les politiques, est un terrain tout trouvé pour que s'y déploient librement les plus honteux excès. » Une analyse partagée également par Jean-Thomas Lesueur qui indique « le signe du triomphe d'une puérilité grégaire massivement répandue dans la société, le résultat spectaculaire d'un coup médiatique conçu de longue date par certains, semble-t-il, les « cinq minutes de gloire » de jeunes qui font du bruit mais pas de politique. »[23].

Le 9 septembre 2009, lors d'un match de football entre la France et la Serbie, l'hymne national français est sifflé par des supporters serbes[24].

Autres affaires

En avril 2010, la publication, dans un concours de photographies, de l'image d'un homme s'essuyant le postérieur avec un drapeau français, est l'occasion d'une nouvelle polémique. Des personnalités politiques, notamment à l'UMP, proposent de légiférer pour interdire explicitement ce type d'outrage[25]. Quelques mois plus tard est publié le Décret n° 2010-835 du 21 juillet 2010 relatif à l'incrimination de l'outrage au drapeau tricolore, qui précise : « est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe le fait, lorsqu'il est commis dans des conditions de nature à troubler l'ordre public et dans l'intention d'outrager le drapeau tricolore : 1° De détruire celui-ci, le détériorer ou l'utiliser de manière dégradante, dans un lieu public ou ouvert au public ; 2° Pour l'auteur de tels faits, même commis dans un lieu privé, de diffuser ou faire diffuser l'enregistrement d'images relatives à leur commission »[26]. L'affaire de la photographie est classée sans suite par le procureur de Nice, qui estime que la photo est une « œuvre de l'esprit ». En décembre 2010, un ressortissant algérien, coupable d'avoir brisé la hampe d'un drapeau français, écope de 750 euros d'amende avec sursis et devient la première personne condamnée en vertu du décret de juillet 2010[27].

Notes et références

  1. Section 7 : De l'outrage au drapeau ou à l'armée, Code de justice militaire, Version consolidée au 11 août 2010
  2. Outrage au drapeau : Gainsbourg et la Marseillaise, Le Nouvel observateur, 2 juillet 2010
  3. Les Marseillaises malmenées!, site Les dessous du sport, 15 octobre 2008
  4. a et b Depuis 2003, siffler l'hymne national est passible de poursuites, Le Parisien, 1er novembre 2009
  5. Contre-enquête sur un fiasco, L'Express, 14 février 2002
  6. La Marseillaise sifflée: Chirac quitte la tribune officielle, 12 mai 2002
  7. Proposition de loi tendant à créer un délit d'outrage aux symboles de la République sur senat.fr
  8. PROPOSITION DE LOI tendant à réprimer les atteintes portées au drapeau tricolore et à l'hymne national
  9. Projet de loi pour la sécurité intérieure sur assemblee-nationale.fr
  10. Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure et liens vers les décrets d'application sur legifrance.fr
  11. Les Marseillaises malmenées!
  12. Matches de foot: des incidents à répétition, L'Express, 15 octobre 2008
  13. a et b Marseillaise sifflée: les matches seront arrêtés, L'Express, 15 octobre 2008
  14. Lââm : « J'ai pensé à mon père qui a travaillé pendant quarante ans pour la France », La Voix du Nord, 16 octobre 2008
  15. Le Nouvel Observateur du 18 octobre 2008 : Marseillaise sifflée : une enquête est ouverte
  16. Pour le PS, l'UMP, et le gouvernement, on ne siffle pas la Marseillaise, L'Express, 15 octobre 2008
  17. a et b RÉACTIONS - Laporte : "Ne jouons plus à Paris contre les pays du Maghreb", Le Point, 15 octobre 2008
  18. Le Parisien du 15 octobre 1989 : Marseillaise sifflée : les matchs seront arrêtés
  19. La Marseillaise sifflée : les réactions, Le Nouvel observateur, 18 octobre 2008
  20. Communiqué de presse de Marine Le Pen relayé par Nations-presse.info
  21. Marseillaise sifflée : une enquête est ouverte, Le Figaro, 15 octobre 2008
  22. Rue 89 du 15 octobre 2008 par Pierre Haski : Marseillaise sifflée : le revers de l'identité nationale
  23. Jean-Thomas Lesueur, « Stade de France : des sifflets pour ne rien dire », Institut Thomas-More, 18 octobre 2008.
  24. Football – Serbie-France La Marseillaise sifflée RMC sport, 9 septembre 2009
  25. Outrage au drapeau : l'UMP fait dans la surenchère, Le Nouvel observateur, 24 avril 2010
  26. Décret n° 2010-835 du 21 juillet 2010 relatif à l'incrimination de l'outrage au drapeau tricolore sur legifrance.fr
  27. Un Algérien condamné pour outrage au drapeau français, Le Figaro, 22 décembre 2010

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