Droit en France : qualification pénale d'un refus volontaire de payer une station-service
- wikinews:fr, 9/04/2011
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4 juillet 2010. – La Cour de cassation a rendu un avis concernant l'acte consistant à ne pas payer son carburant dans une station-service. Un individu, en Franche-Comté s'était servi à quatre reprises dans la même station-service et s'était dispensé de payer. À chaque passe, il avait lancé « je reviens » au gérant. Ce dernier a déposé une plainte à deux reprises et l'automobiliste a pu être identifié et poursuivi.
Lors de l'audience devant le TGI de Belfort, le prévenu avait contesté la qualification pénale des poursuites, arguant qu'il ne s'agissait non pas d'un vol, mais d'une filouterie. La différence est non négligeable : le vol est plus sévèrement réprimé en droit français. Le vol est puni de 3 ans de prison et de 45 000 € d'amende tandis que, pour la seconde infraction, la peine est de 6 mois de prison et 4 500 € d'amende.
Le prévenu s'appuie sur l'article 313-5 du code pénal assimilant à la filouterie le fait « de se faire servir des carburants ou lubrifiants dont elle fait remplir tout ou partie des réservoirs d'un véhicule par des professionnels de la distribution. ». L'incrimination de filouterie a été introduite par le Parlement en 1966 à l'époque où les stations en libre-service n'existaient pas.
Devant les solutions contradictoires données par les différentes cours d'appel, le tribunal a donc saisi pour avis la Cour de cassation. Deux questions étaient posées : les faits reprochés constituaient-ils une infraction pénale ? Dans l'affirmative s'agit-il d'un vol ou d'une filouterie.
Dans son exposé, Mme Labrousse, Conseiller rapporteur, estime : « Alors que l’infraction de vol a pour objet de sanctionner l’atteinte à la propriété d’autrui, le délit de filouterie tend à protéger certains professionnels qui ne peuvent se faire payer à l’avance pour se garantir de l’insolvabilité de leurs clients. La doctrine souligne que, bien que présentées comme voisines de l’escroquerie, les différentes filouteries se consomment en l’absence de manœuvre ou de mensonge, l’infraction se caractérisant exclusivement par la psychologie de l’auteur, qui se présente sous l’apparence d’un client anodin qui se sait dans l’impossibilité de payer ou qui est déterminé à ne pas le faire. »
La Cour de cassation a répondu qu'il n'y avait lieu à avis, la question n'étant pas nouvelle sur la qualification pénale. La Cour rappelle, en outre, que le vol est constitué « lorsque cette appréhension est frauduleuse. » Il convient au juge de rechercher les intentions du prévenu avant d'en apprécier l'incrimination.
Sources
- ((fr)) – « I. Avis de la Cour de cassation ». Bulletin d'information de la Cour de cassation, page 9, n° 725, 1er juillet 2010.
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