La répression du proxénétisme
Actualités du droit - Gilles Devers, 20/12/2012
Une bande de julots la papouille renouée devant le tribunal correctionnel par la chambre d’instruction de la cour d’appel de Douai, qui ne a vu d’autres, et nous voici gratifié de gentilles élucubrations sur les vertus du libertinage et l’ordre moral que voudrait imposer la justice. Non, les juges appliquent la loi, et le proxénète n’est pas seulement le gros méchant qui exploite les prostituées par la menace et la violence.
La France en 1960 a ratifié la Convention de l'ONU de 1949 refusant la pénalisation de la prostitution, et depuis, sa politique pénale repose sur deux principes : elle combat le proxénétisme, elle ne punit pas la prostitution en tant que telle et considère, au contraire, les prostituées comme des victimes.
Le législateur est périodiquement intervenu pour aggraver la répression du proxénétisme, en tenant compte de ses évolutions, et depuis 1994, le Code pénal permet poursuivre les proxénètes pour crime dans certaines circonstances.
Le proxénétisme est réprimé par les articles 225-5 à 225-12 du Code pénal, au chapitre des « atteintes à la dignité de la personne ».
Le proxénetisme
Il est défini (article 225-5) comme le fait :
1° d'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui ;
2° de tirer profit de la prostitution d'autrui, d'en partager les produits ou de recevoir des subsides d'une personne se livrant habituellement à la prostitution ;
3° d'embaucher, d'entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d'exercer sur elle une pression pour qu'elle se prostitue ou continue à le faire.
Il est puni de cinq ans de prison et de 1.000.000 F d'amende.
Lui est assimilé (article 225-6), et est puni des mêmes peines, le fait :
1° de servir d'intermédiaire entre deux personnes, l'une se livrant à la prostitution et l'autre exploitant ou rémunérant la prostitution ;
2° de faciliter à un proxénète la justification de ressources fictives ;
3° de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en vivant avec une personne prostituée ou en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes prostituées ;
4° d'entraver l'action de prévention, de contrôle, d'assistance ou de rééducation des organismes qui œuvrent à l'égard de personnes en danger de prostitution ou qui se livrent à la prostitution.
Le proxénétisme aggravé
Le proxénétisme est puni d'une peine plus lourde – dix ans, avec période de sûreté – dans les circonstances définies par l’article 225-7 :
1° à l'égard d'un mineur ;
2° à l'égard d'une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d'une maladie, infirmité, déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse ;
3° à l'égard de plusieurs personnes ;
4° à l'égard d'une personne incitée à se livrer à la prostitution soit hors du territoire de la République, soit à son arrivée sur le territoire de la République ;
5° par un ascendant de la personne qui se prostitue ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
6° par une personne qui participe, de par ses fonctions, à la lutte contre la prostitution, à la protection de la santé ou au maintien de l'ordre public ;
7° par une personne porteuse d'une arme ;
8° avec l'emploi de la contrainte, de violences ou de manœuvres dolosives ;
9° par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice, sans qu'elles constituent une bande organisée ;
10° grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de télécommunications.
Lorsque le proxénétisme est commis en bande organisée, la peine est portée à vingt ans de réclusion criminelle (article 225-8). Quand il s'accompagne de tortures ou d'actes de barbarie, la réclusion criminelle à perpétuité (avec période de sûreté) et une peine d'amende de 30.000.000 F sont encourues (article 225-9).
Proxenetisme hotelier
L'article 225-10 réprime le proxénétisme « hôtelier » : est puni de dix ans de prison le fait :
1° de détenir, gérer, exploiter, diriger, faire fonctionner, financer ou contribuer à financer un établissement de prostitution ;
2° détenant, gérant, exploitant, dirigeant, faisant fonctionner, finançant ou contribuant à financer un établissement quelconque ouvert au public ou utilisé par le public, d'accepter ou de tolérer habituellement qu'une ou plusieurs personnes se livrent à la prostitution à l'intérieur de l'établissement ;
3° de vendre ou de tenir à la disposition d'une ou de plusieurs personnes des locaux ou emplacements non utilisés par le public, en sachant qu'elles s'y livreront à la prostitution.
Selon une étude du Sénat publiée en 2 000, l'infraction la plus souvent sanctionnée est le proxénétisme par partage du produit de la prostitution d'autrui, avec une moyenne d'emprisonnement de douze mois, et ensuite le proxénétisme par aide, assistance ou protection de la prostitution d'autrui, avec une peine moyenne d'emprisonnement de vingt-et-un mois.