Le marché de l’adoption d’occasion aux USA (574)
Planète Juridique - admin, 5/07/2014
Les Américains n’arrêteront pas de nous surprendre. Avec la meilleure bonne conscience du monde ils acceptent que des enfants adoptés, venant des USA ou de l’étranger, puissent être proposés via des intermédiaires privés à une nouvelle adoption quand la première, pour des raisons x, y ou z , a échoué. Il faut rendre service à ces enfants et soulager les adultes qui se sont fourvoyés!
« Libération » dans sa livraison du 22 juin 2014 (1) raconte comment les parents qui n’en peuvent plus de l’enfant accueilli ou tout simplement de l’adoption recourent à des sites en ligne pour rechercher une famille ou une autre personne susceptible d’accueillir l’enfant qu’un temps ils ont fait leur.
On voit ainsi des enfants qui - ne l’oublions pas - ont déjà été rejetés dans leur vie, être placés sur le marché de l’adoption d’occasion. En langage américain on parle de « rehoming ».
Les caractéristiques de l’enfant, vues par l’adoptant de première main, sont mises en ligne avec s’il est jugé utile un « prix » pour la tractation. Par exemple, à suivre Libé, pour Dylan dont la photo est bien évidemment jointe – bonjour le respect de la vie privée et de la confidentialité – il sera demandé 3 500 dollars de frais d’agence, plus 200 dollars d’enregistrement et 1500 à 2000 dollars pour les avocats.
Faute d’évaluation officielle parles pouvoirs publics les spécialistes américains de l’adoption évaluent ces situations à quelques centaines ou quelques milliers. Une goutte d’eau, somme toute, au regard des quelques 100 000 adoptions qui chaque année sont prononcées aux USA. Pour autant il n’y pas matière à être fiers ou satisfaits.
Le marché semble efficient, mais on aimerait savoir ce que deviennent ces enfants qui ne trouvent pas « acquéreurs ».
On a le sentiment de gens qui, par caprice, avaient décider d’accueillir un enfant pour satisfaire leur désir d’enfant à telle période de leur vie, sans considération pour l’enfant et ce qu’il vit ou a pu vivre, décident de le jeter comme on se sépare d’un objet dont on ne veut plus soit parce qu’il ne vous satisfait plus, soit parce que l’envie première et viscérale est dépassée ou encore parce qu’il présente trop de problèmes à gérer comme ces enfants porteurs de handicaps ou de problème de santé initialement non repérés ou qui prennent une dimension non envisagée.
La pratique du rehoming où l’enfant est chosifié ne surprend pas au pays où de longue date on présente des enfants à adopter lors de défilés organisés dans des supermarchés et où l’on pratique le recours aux mères femmes payées pour porter un enfant pour une autre. Au pays du libre échange l’enfant n’est qu’un objet de commerce parmi d’autres.
Les agences se défendent de faire des bénéfices sur le dos des enfants. Cyndi Peckk, responsable du programme « Secondes chance » de Wasach International Adoptions, agence privée de l’Utah s’en défend : « Ce n’est pas un programme qui nous rapporte de l’argent ». La famille qui cède son enfant ne paie que 950 dollars à l’agence et les nouveaux adoptants sont taxés à 3500 dollars. Il s’agit de couvrir les frais de dossier et les heures passées au téléphone ! On a du mal à croire qu’il en soit toujours ainsi. En vérité les officines pour l’adoption prospèrent aux USA en surfant sur la vague du désir d’enfant exprimé par les adultes. Les enfants nés ou à naître ne sont pas leur préoccupation. Elles font de l’adoption de première main ou de seconde main comme on vend des voitures neuves ou d’occasion. Elles ne sont pas véritablement contrôlées. On fait adopter des enfants comme on en fabrique quand il le faut, à la demande du client. Elles utilisent les moyens modernes de vente comme la toile.
En creux, on mesure combien sont défaillants les services sociaux qui accompagnent les « candidats à l’adoption« dans leur démarche quitte à en dissuader certains en leur montrant combien ils ne sont pas prêts à aller jusqu’au bout de l’exercice de responsabilités parentales qui s’inscrit inéluctablement dans le temps avec des moments de grandes joies mais également des temps plus durs. En leur montrant parfois que leurs problèmes peuvent se résoudre autrement que par un enfant. Régulièrement on dénonce en France le difficile parcours des candidats à l’adoption – conf. les titres des journaux sur ce sujet depuis 40 ans , mais l’exemple américain nous renvoie combien notre dispositif avec ses précautions, ses étapes, sa durée, a du sens et répond aux besoins bien compris des adultes comme des enfants. Il y a très peu d’échecs de l’adoption en France..
On mesure encore la défaillances de services sociaux américains pour venir en aide aux adoptants qui en vérité pour en cas de difficultés majeures n’ont pour solution que de demander à ce que l’enfant soit placé sous la protection de l’Etat en déclarant devant une tribunal qu’ils sont des parents maltraitants. L’Aide sociale à l’enfance à la française et le juge des enfants avec les services éducatifs qu’il peut mobiliser offrent bien plus de portes de sortie à l’enfant et aux adoptants quand l’accroche avec l’enfant adopté ne se fait pas comme il avait été rêvé.
On mesure notre chance de disposer en France d’une puissance publique d’Etat – les lois et le préfet - et territoriale - les conseils généraux et l’aide sociale à l‘enfance - qui encadre la situation des enfants sans famille (2) pour veiller à leur en rechercher une avec l’appui d’un réseau associatif d’Oeuvres d’adoption lui-même très encadré et performant
De fait ici comme aux USA des adoptions peuvent ne pas « tourner » comme on l’imaginait. L’adoption reste l’histoire d’une accroche qui se fait pu ne se fait pas. L’enfant ne doit pas être sanctionné de l’échec d’une première adoption. En France il a fallu attendre la loi Mattei de 1996 pour permettre à un enfant de bénéficier d’une nouvelle famille d’adoption dans l’hypothèse où un premier accueil ait échoué.
En tous cas on est loin de l’idée que nous faisons ici de l’adoption par des personnes qui , en couple ou non, stériles ou déjà parents, s’engagent pour un enfant et satisfont dans cette démarche leur désir d’enfant – qui après tout est tout à faire légitime-, mais apportent en contrepoint un engagement indéfectible à l’enfant, la stabilité et l’affection dont il a besoin, au point où l’on a pu parler d’une deuxième naissance pour l’enfant.
Ne cédons pas un instant sur notre attitude sinon, demain, nous aurons comme aux USA un marché de l’adoption et plus généralement un marché de l’enfance. J’ajoute que s’il venait à des français de recourir à la toile, qui fait disparaitre toutes les frontières, pour se procurer des enfants, il faudrait là encore marquer un net refus, sans hésiter à user du code pénal, même si on l’on nous avançait l’intérêt de l’enfant concerné… Il y va de l’intérêt de tous les enfants mais encore de l’idée que nous faisons de la vie.
(1) Etats-Unis : "cède enfant adopté , 10 ans, 3500 $" par Morraine Millot
(2°) 2300 enfants sont aujourd'hui pupilles de l'Etat pour 150 000 en 1900