Droits sur l’enfant, droits de l’enfant, droit à l’enfant (517)
Droits des enfants - jprosen, 13/02/2013
Comme nous l'avions prévu dans les années 85-90 quand beaucoup se réjouissaient trop vite de la ratification de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, le droit à l'enfant revient aujourd'hui de manière fracassante sur le devant du débat public. Plus que jamais il y a lieu de marquer des limites : la société ne peut pas et ne doit pas affirmer un tel droit. D'ailleurs comment pourrait-elle le gager ?
Très longtemps - trop longtemps dirait-on - on admettait que l'enfant était la chose de ses parents ; ces derniers avaient jusqu'au IV° siècle un droit de vie et de mort sur leur descendance. Il a fallu attendre pour que que l'autorité centrale - le roi au nom de l'Etat en construction - interfère avec la puissance paternelle. Un édit royal du milieu du XVII° proposait ainsi une sorte de "contrat" aux parents en difficulté avec leur descendance, étant rappelé que jusqu'à la Révolution la majorité était fixée à 25 ans pour les filles et 30 ans pour les hommes. Soucieux d'asseoir sa propre autorite le roi s'occuperait des enfants en crise en autorisant les nobles à faire interner leurs filles au couvent et embastiller leurs garçons ; les bourgeois se voyaient proposer d'envoyer leurs enfants aux colonies tandis qu'il offrait ses galères aux fils du peuple.
Des droits sur l'enfant ...
remière révolution industrielle a permis, grâce au docteur Guillermé, de prendre en compte les enfants maltraités, spécialement ceux exploités au travail. Au lendemain de la défaite devant les prussiens on a rendu l'école obligatoire (1882) et dès lors repéré les enfants en difficulté. Cette prise de conscience a permis de faire de la minorité une circonstance aggravante de la maltraitance. On a eu alors le souci des carences dont souffraient les enfants comme des coups reçus.
Depuis, généralement sous l'impulsion de la société civile, les pouvoirs publics n'ont eu de cesse que d'améliorer le dispositif de prise en compte des violences à enfants, étant observé qu'il a fallu attendre la loi du 10 juillet 1989 pour que, pour la première fois, on parle de maltraitance à enfants. Un temps en effet, les pouvoirs publics ont pu croire que la bataille était gagnée et se sont assoupis. Sous l'impulsion du docteur Pierre Strauss et de la fondation pour l'Enfance, ils se sont réveillés à l'orée des années 80. Ils ont alors découverts que par-delà les violences physiques, il fallait prendre en compte les violences sexuelles et les violences psychologiques. Il fallut également intégrer que toutes les violences n'étaient pas familiales , mais que même dans les institutions de protection de l'enfance il pouvait y avoir de la violence.
Plus que de sanctionner pénalement - notamment par la prison - ou civilement - notamment par le retrait de l'autorité parentale - les parents mal-traitants ou défaillants, le souci a été été de les soutenirà travers le dispositif d'assistance éducative (articles 375 et s . du code civil). Sur un siècle - le XX° - il fallut, dans l'intérêt de l’enfant , apprendre à ne pas rompre systématiquement le lien d'autorité parentale, mais travailler à permettre aux parents d'exercer leurs responsabilités.
Les droits de l'enfant...
Reste que la révolution est venue de la démarche portée par la Convention internationale relative aux droit de l'enfant (CIDE) qui identifie clairement l'enfant comme une personne. Comme toute personne l'enfant a une sensibilité, une capacité à apprécier le bien et le mal, il pense, il s'exprime, il décide. Il fallait donc consacrer sa liberté de pensée et d'opinion, sa liberté d'expression individuelle et collective. C'est le coeur de la CIDE et de ses articles 12 à 15.
La personne de moins de 18 ans a des droits, mais puisqu'elle est tenue pour incapable, ses droits sont exercés par ses parents ou tuteur.
Notre droit admet qu'exceptionnellement l'enfant puisse être l'acteur premier de ses droits. par exemple les actes usuels de la vie comme de petits achats ; il peut accéder à la contraception d'une manière libre, gratuite et anonyme ; il peut porter plainte et déclencher une procédure de protection de l'enfance en danger en saisissant un juge des enfants. Il peut même venir devant ce juge assisté d'un avocat qu'il aura lui-même choisi. Son avis va devoir être recueilli par ses parents ou par un juge sur les questions qui le concerne ; parfois même les adultes doivent avoir son accord pour agir, par exemple à partir de 13 ans pour une adoption.
En contre-point il peut engager sa responsabilité civile et bien sûr sa responsabilité pénale. Dès 7-8 ans - l'âge de raison - il peut être tenu pour capable de commettre des délits ou des crimes et donc pour coupable, même s'il faut attendre qu'il ait 13 ans pour pouvoir prononcer des peines. Avant il encourt des mesures éducatives civiles ou pénales ou des sanctions éducatives.
En tant que personne, il doit bien évidemment être protégé contre les violences et les agressions. On aura même le souci de recueillir mieux que par le passé son témoignage et de faire en sorte que l'audience où son agresseur sera jugé lui soit utile comme elle doit l'être à toute victime.
Droit de l'enfant, notamment à être respecté dans son corps et ses besoins élémentaires mais pas droit à l'enfant.
Par l'adoption, ouverte aux enfants en 1923 au lendemain de la Première Guerre mondiale en France comme en Grande-Bretagne et aux USA, on a voulu éviter aux enfants orphelins des soldats morts au combat le statut à vie de pupille de l'Etat et les orphelinats auxquels étaient voués les enfants abandonnés. On a recherché des familles, parfois en vain, pour les adopter. Encore fallait-il qu'ils soient en bonne santé. Petit à petit le "stock" des enfants adoptables s'est restreint et on doit s'en réjouir : 40 000 dans les années 60, 20 000 en 1980, 2300 aujourd'hui. Il était relativement facile de faire adopter les enfants en bas-âge, de type européen et en bonne santé ; plus délicat, mais pas impossible, était de trouver des personnes acceptant d'adopter des enfants plus âgés, porteurs de handicap, en fratrie ou de couleur.
Aujourd'hui 15 à 20 000 personnes souhaitent être parents plus que les circonstances naturelles de la vie le leur permettent. Les enfants recherchés n'existent pas. Au fur et à mesure du temps la question de l'adoption est donc devenue - médiatiquement parlant - celle de ces personnes en couple ou célibataires qui souhaitent s'ouvrir à un enfant plus que la question des enfants sans famille pour lesquels la puissance publique d'Etat et départementale doit avoir la préoccupation de trouver une famille d'accueil.
Les développements des sciences de la vie dans les années 80 ont ouvert de nouveaux espoirs avec la maîtrise de la chaîne du froid. On a multiplié les recours aux procréations médicalement assistées avec donneur. D'entrée de jeu, des règles éthiques ont émergé dans le cadre de la vingtaine de Centres de recueil et de conservation du sperme qui ont vu le jour sous le regard prudent des politiques qui s'interrogeaient sur leur compétence à intervenir et sur le sens possible de leur intervention. Il n' a pas été aisé de les convaincre de leur légitimité à fixer des règles du jeu, quitte éviter de les graver dans le marbre.
S'est très rapidement posée la question de l'accès de tous aux procréations médicalement assistées. Les CECOS, puis le législateur, ont fait le choix de les réserver à la lutte contre la stérilité. La médecine est là pour soigner, en l'espèce l'infertilité, pas pour fabriquer des enfant à la demande. D'où l'exigence d'un projet formé par un couple hétérosexuel, marié ou non. Bien évidemment on en est arrivé à condamner civilement et pénalement le recours au portage pour autrui et la commande d'un enfant. La personne humaine ne peut pas être objet d'une convention onéreuse ou gracieuse. L'Etat surveille déjà de très près les délégations d'autorité parentale ; a fortiori, la fabrication d'un enfant pour autrui est interdite.
La difficulté moderne, outre la pression très forte exercée sur les médecins, tient à ce que la même attitude n'a pas été tenue dans tous les pays. Profitant de cette mosaïque des pratiques et des législations, on voit donc nombre de français franchir nos frontières pour obtenir ce qu'ils attendent de la science. Au passage certaines officines médicales font fortune. Faut-il pour autant abdiquer et nous aligner sur le plus offrant ?
... mais pas de droit à l'enfant.
Jusqu'ici le législateur a tenu bon. Il s'est positionné du côté de l'enfant diront certains, du côté d'un certain ordre moral penseront d'autres.
Il estime qu'un enfant ne peut pas avoir plus d'un père et d'un mère sur le plan juridique. S'il y a lieu à adoption plénière ce lien de droit se substitue totalement au premier et est irréversible ; avec l'adoption simple, parce que l'enfant a un certain âge et la mémoire de sa famille biologique, on sera sur un lien de droit qui s'ajoute au premier sans l'effacer. le père et la mère biologiques restent parents, mais l'adoptant ou les adoptants exercent pleinement l'autorité parentale.
Est-il opportun qu'un enfant ait un lien de filiation avec tout ce que cela induit avec deux hommes ou deux femmes ? Et demain pourquoi pas plus de deux hommes ou deux femmes ? Je maintiens qu'on peut reconnaître l'homoparentalité, c'est-à dire le fait qu'un enfant soit au quotidien élevé par deux hommes ou deux femmes, sans créer pour autant un lien de filiation, mais en reconnaissant à l'adulte non parent biologique des droits sur cet enfant pour le protéger et l'éduquer. Un million d'enfants vivant dans des couples hétéro ou homosexuels sont concernés ! Là encore pensons à eux.
Je reconnais qu'alors on ne satisfait pas la revendication de ce parent social d'être à l'égal de l'autre dans un lien de filiation, mais telle est la conséquence du principe sur lequel on ne doit pas céder : une filiation paternelle, une filiation maternelle (1). Sinon on risque de basculer dans un système dont on ne maîtrise pas pour demain les développements. Quoiqu'on en pense des limites doivent être posées aux pratiques humaines. Il n'est pas interdit d'interdire ! Des repères clairs s'imposent. Ce ne peut pas être "Je veux un enfant quand je veux, de qui je veux, où je veux!."
En tout cas, s'il faut consacrer plus que jamais la relation sociale ou affective - et dans la loi du 6 juin 1984 nous l'avons fait pour la relation enfant / famille d'accueil - à travers le statut du tiers, je ne crois pas qu'il faille aller jusqu'à permettre à un enfant d'être adopté par le mari de son père ou la femme de sa mère ! Il a déjà un père et une mère ; trois parents cela fait beaucoup, et même trop. Si le parent biologique et juridique décède notre droit permet, et il peut être amélioré, de garantir que l'enfant restera élevé par le conjoint ou compagnon survivant.
Notre droit ne permet pas à l'enfant qui a été adopté plénièrement d'accéder à la connaissance de ses origines. Mieux on a mis en place en 1942 un dispositif qui permet à une femme d'accoucher d'une manière anonyme, l'enfant étant alors privé de filiation maternelle. La prise en compte de la filiation paternelle n'est pas interdite , mais n'est pas facile. Bref, la loi met des freins à la reconnaissance du biologique. Elle doit évoluer et encore plus si on admettait l'adoption par des couples homosexuels.
L'accès à la PMA reste réservé à la lutte contre la stérilité et n'est pas une pratique de convenance permettant de s'abstraire de relations sexuelles pour procréer. Il me semble qu'il ne faut pas céder sur cette ligne. Si certains violent la loi française en se rendant à l'étranger afin de concevoir un enfant avec donneur ils en assumeront les conséquences sachant qu'à terme l'enfant n'en sera pas sanctionné : la règle de la possession d 'état veut que quelqu'un qui se comporte comme parent peut être tenu comme tel par les tribunaux.
En d'autres termes ce n'est parce que des français violent la loi qu'il faut que le législateur s'aligne sur leur revendication et cède sur les principes auxquels il croit.
S'il reconnaît la filiation il ne doit pas nier les origines biologiques de tout individu.
Il doit se situer délibérément dans le camp des enfants, destinés demain à être des adultes qui éventuellement demanderont des comptes sur leur histoire et leur conception.
Il doit adopter des repères clairs et de bon sens reconnus par le fond de l'opinion française.
Il faut parler précisément en permanence. Ainsi il faut constamment dire de quelle maternité et de quelle paternité on parle : biologique, gestatrice, sociale, affective ou juridique. A défaut on risque de tout embrouiller, notamment dans la tête des enfants.
(1) Je rappelle - voir blog 516 "Moderniser encore le droit de la famille" - que je propose que l'Etat veille à ce que tout enfant ait un père et une mère quand trop de parents hétérosexuels négligent ce "détail" et lui accorde l'accès à la connaissance de ses origines s'il le souhaite.