L’employeur peut, sous certaines conditions, consulter les SMS de ses salariés
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Stéphane Bloch, Hélène Negro-Duval, 2/03/2015
« Les messages écrits ("Short message service" ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l'employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l'intéressé, sauf s'ils sont identifiés comme étant personnels; » : Cass. com., 10 février 2015 n° 13-14779
Dans ce récent arrêt, la Cour de cassation a, dans les termes suivants, apporté un élément nouveau à sa jurisprudence relative aux fichiers et messages électroniques des salariés :
"(...) Les messages écrits ("Short message service" ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l'employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l'intéressé, sauf s'ils sont identifiés comme étant personnels;
Il en résulte que la production en justice des messages n'ayant pas été identifiés comme étant personnels par le salarié ne constitue pas un procédé déloyal au sens des articles 9 du code civil et 66, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales rendant irrecevable ce mode de preuve; "
"(...) Les messages écrits ("Short message service" ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l'employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l'intéressé, sauf s'ils sont identifiés comme étant personnels;
Il en résulte que la production en justice des messages n'ayant pas été identifiés comme étant personnels par le salarié ne constitue pas un procédé déloyal au sens des articles 9 du code civil et 66, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales rendant irrecevable ce mode de preuve; "
Le contexte de l'arrêt
Les communications électroniques, que l’on parle des courriels, de l’intranet ou encore des Short Message System (SMS), ont investi ou, selon certains, envahi le champ de nos relations privées et professionnelles.
Ce phénomène, de toute évidence inexorable, est l’un de facteurs, peut-être même LE facteur, qui a conduit à estomper les frontières entre le temps privé et le temps professionnel.
Il est ainsi admis qu’un salarié puisse, de façon modérée et raisonnable, sans que cela porte atteinte à l’accomplissement de ses tâches professionnelles, communiquer à titre personnel à partir des terminaux mis à sa disposition par son employeur, comme il doit être toléré par le cercle familial que « le bureau » s’invite parfois dans la sphère privée…
Cette confusion des genres a du rapidement être appréhendée par le droit à l’occasion des litiges consécutifs au contrôle par l’employeur des documents et messages électroniques stockés ou diffusés à partir d’outils de communication mis à disposition des salariés pour l’exercice de leurs activités professionnelles.
Consacrant la possibilité pour le salarié de se ménager un espace personnel dans les documents stockés sur son ordinateur professionnel, la Cour de cassation précise que, « sauf risque ou évènement particulier, l’employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition qu’en présence de ce dernier ou de celui-ci dûment appelé » (Cass soc 17 mai 2005 n°03-40.017, dans le même sens Cass soc 30 mai 2007 n°05-43.102).
La protection accordée aux courriels émis ou reçus sur l’ordinateur portable professionnel va plus loin que celle des documents stockés sur ordinateur. En effet, selon le célèbre arrêt Nikon « l’employeur ne peut, sans violation du secret des correspondances, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à l’outil informatique mis à sa disposition pour son travail, et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur » (Cassation sociale 2 octobre 2001 n°99-42.942).
Le sort des SMS n’avait quant à lui jamais été tranché jusqu’à l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 10 février 2015 dans les circonstances de fait suivantes.
Ce phénomène, de toute évidence inexorable, est l’un de facteurs, peut-être même LE facteur, qui a conduit à estomper les frontières entre le temps privé et le temps professionnel.
Il est ainsi admis qu’un salarié puisse, de façon modérée et raisonnable, sans que cela porte atteinte à l’accomplissement de ses tâches professionnelles, communiquer à titre personnel à partir des terminaux mis à sa disposition par son employeur, comme il doit être toléré par le cercle familial que « le bureau » s’invite parfois dans la sphère privée…
Cette confusion des genres a du rapidement être appréhendée par le droit à l’occasion des litiges consécutifs au contrôle par l’employeur des documents et messages électroniques stockés ou diffusés à partir d’outils de communication mis à disposition des salariés pour l’exercice de leurs activités professionnelles.
Consacrant la possibilité pour le salarié de se ménager un espace personnel dans les documents stockés sur son ordinateur professionnel, la Cour de cassation précise que, « sauf risque ou évènement particulier, l’employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition qu’en présence de ce dernier ou de celui-ci dûment appelé » (Cass soc 17 mai 2005 n°03-40.017, dans le même sens Cass soc 30 mai 2007 n°05-43.102).
La protection accordée aux courriels émis ou reçus sur l’ordinateur portable professionnel va plus loin que celle des documents stockés sur ordinateur. En effet, selon le célèbre arrêt Nikon « l’employeur ne peut, sans violation du secret des correspondances, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à l’outil informatique mis à sa disposition pour son travail, et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur » (Cassation sociale 2 octobre 2001 n°99-42.942).
Le sort des SMS n’avait quant à lui jamais été tranché jusqu’à l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 10 février 2015 dans les circonstances de fait suivantes.
Les faits
La société NG, courtier en instruments financiers reprochait à l’un de ses concurrents, la société GFI, d’avoir désorganisé son activité en débauchant un grand nombre de ses salariés.
Elle a donc décidé d’engager une action en concurrence déloyale à son encontre et pour établir la preuve des agissements de GFI a obtenu sur requête (article 145 du CPC) par ordonnance du 16 novembre 2011 du Président du Tribunal de commerce de Paris, l’autorisation de faire procéder par huissier à un constat au siège social de GFI mais aussi sur les outils de communication (ordinateurs et téléphones portables) mis à disposition de ses anciens salariés.
Contestant cette mesure, GFI a saisi le juge des référés qui a refusé de rétracter cette autorisation ce qu’a confirmé la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 10 janvier 2013 déféré à la censure de la Cour de cassation.
L’on comprend des termes de l’arrêt de la chambre commerciale ici commenté que le juge des référés puis la Cour d ‘appel de Paris ont validé le fait que l’huissier pouvait à bon droit avoir été autorisé à consulter et à conserver pour les besoins de l’action en justice de NG non seulement les courriels des anciens salariés mais aussi des SMS envoyés ou reçus par ceux-ci au moyen de leur téléphone portable mis à leur disposition par leur employeur pour les besoins de leur activité professionnelle.
L’objet essentiel du pourvoi formé par GFI à l’encontre de cet arrêt portait sur l’assimilation abusive, selon elle, d’un SMS à un courriel.
GFI faisait, en substance, notamment valoir au soutien de son pourvoi :
• Que la charte d’utilisation des moyens de communication électronique de NG ne couvrait que la messagerie électronique, les services d’accès internet et les outils de travail en commun sur intranet ; qu’en considérant que les dispositions de cette charte s’appliquaient aux SMS, la Cour leur a conféré un champ d’application qu’elle n’avait pas
• Qu’il était techniquement impossible d’identifier comme « personnel » un SMS, de tels messages ne comportant pas le champ « objet » alors que c’est bien le cas des courriels
• Qu’en disant licite la production dans le cadre d’un procès de SMS échangés et enregistrés à l’insu des salariés y compris en dehors des lieux et horaires de travail, la Cour d’appel avait notamment violé la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La Cour de cassation a écarté ces arguments dans les termes suivants : « qu’ayant retenu que les SMS à caractère non marqué « personnel » émis et reçus sur du matériel appartenant à la société [NG] étaient susceptibles de faire l’objet de recherches pour des motifs légitimes et que l’utilisation de tels messages ne pouvait être assimilée à l’enregistrement d’une communication téléphonique privée effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués, la Cour d’appel qui n’était pas tenue de procéder à la recherche inopérante invoquée à la deuxième branche, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche a légalement justifié sa décision »
Elle a donc décidé d’engager une action en concurrence déloyale à son encontre et pour établir la preuve des agissements de GFI a obtenu sur requête (article 145 du CPC) par ordonnance du 16 novembre 2011 du Président du Tribunal de commerce de Paris, l’autorisation de faire procéder par huissier à un constat au siège social de GFI mais aussi sur les outils de communication (ordinateurs et téléphones portables) mis à disposition de ses anciens salariés.
Contestant cette mesure, GFI a saisi le juge des référés qui a refusé de rétracter cette autorisation ce qu’a confirmé la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 10 janvier 2013 déféré à la censure de la Cour de cassation.
L’on comprend des termes de l’arrêt de la chambre commerciale ici commenté que le juge des référés puis la Cour d ‘appel de Paris ont validé le fait que l’huissier pouvait à bon droit avoir été autorisé à consulter et à conserver pour les besoins de l’action en justice de NG non seulement les courriels des anciens salariés mais aussi des SMS envoyés ou reçus par ceux-ci au moyen de leur téléphone portable mis à leur disposition par leur employeur pour les besoins de leur activité professionnelle.
L’objet essentiel du pourvoi formé par GFI à l’encontre de cet arrêt portait sur l’assimilation abusive, selon elle, d’un SMS à un courriel.
GFI faisait, en substance, notamment valoir au soutien de son pourvoi :
• Que la charte d’utilisation des moyens de communication électronique de NG ne couvrait que la messagerie électronique, les services d’accès internet et les outils de travail en commun sur intranet ; qu’en considérant que les dispositions de cette charte s’appliquaient aux SMS, la Cour leur a conféré un champ d’application qu’elle n’avait pas
• Qu’il était techniquement impossible d’identifier comme « personnel » un SMS, de tels messages ne comportant pas le champ « objet » alors que c’est bien le cas des courriels
• Qu’en disant licite la production dans le cadre d’un procès de SMS échangés et enregistrés à l’insu des salariés y compris en dehors des lieux et horaires de travail, la Cour d’appel avait notamment violé la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La Cour de cassation a écarté ces arguments dans les termes suivants : « qu’ayant retenu que les SMS à caractère non marqué « personnel » émis et reçus sur du matériel appartenant à la société [NG] étaient susceptibles de faire l’objet de recherches pour des motifs légitimes et que l’utilisation de tels messages ne pouvait être assimilée à l’enregistrement d’une communication téléphonique privée effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués, la Cour d’appel qui n’était pas tenue de procéder à la recherche inopérante invoquée à la deuxième branche, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche a légalement justifié sa décision »
La portée de l'arrêt
Il résulte de l'arrêt du 10 février 2015 que la Cour de cassation applique aux SMS envoyés ou reçus via le téléphone portable professionnel du salarié, d'une part sa jurisprudence élaborée au sujet du droit de libre accès de l'employeur aux fichiers et messages électroniques, présumés professionnels, créés, stockés, envoyés ou reçus par le salarié grâce aux outils informatiques mis à sa disposition par l'employeur et d'autre part de sa jurisprudence relative à l'utilisation du SMS comme moyen de preuve, le SMS n'étant pas assimilable à l'enregistrement d'une conversation téléphonique mais étant un message écrit téléphoniquement dont personne ne peut ignorer qu'il est enregistré par l'appareil récepteur.
En effet, aux termes de la jurisprudence de la Cour de cassation, les dossiers et fichiers créés par un salarié, comme les courriers adressés par el salarié, grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence.
Cass. soc. 18 octobre 2006 n° 04-48025
Cass. soc. 15 décembre 2010 n° 08-42486
En matière de SMS, la Cour de cassation a, par ailleurs, dans un arrêt remarqué du 23 mai 2007 n°06-43209, dont elle a elle-même souligné l'importance en publiant un communiqué sur son site, jugé, dans les termes suivants, de la possibilité d'utiliser ce mode de preuve :
"Si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur."
Depuis l'arrêt du 10 février 2015, le sort du SMS suit celui du courriel : un SMS non identifié par son auteur comme revêtant un caractère personnel et émis ou reçu à partir d’un terminal appartenant à l’employeur, est donc présumé professionnel, et peut être librement consulté par ce dernier.
Sur le principe, cette position de la chambre commerciale, qui est aussi celle de la chambre sociale dont l’avis a été sollicité, est compréhensible : les messages SMS peuvent avoir un objet professionnel et il est probable qu’en l’occurrence la société NG a trouvé dans les SMS échangés entre son concurrent et ses anciens salariés matière à nourrir son procès en concurrence déloyale.
En écartant l’argument du demandeur au pourvoi qui faisait valoir qu’il était techniquement impossible, en l'absence d'un champ "objet" sur le téléphone, d’identifier comme personnel un SMS avant d’en prendre connaissance, ce qui conduisait à une violation éventuelle de la vie privée de salarié, la Cour de cassation a clairement affirmé sa volonté d'étendre la présomption du caractère professionnel à tous les fichiers, courriers et messages à défaut d'une identification personnelle émanant du salarié, quelque soit la configuration des outils sur lesquels sont créés ou stockés ces documents écrits
En effet, aux termes de la jurisprudence de la Cour de cassation, les dossiers et fichiers créés par un salarié, comme les courriers adressés par el salarié, grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence.
Cass. soc. 18 octobre 2006 n° 04-48025
Cass. soc. 15 décembre 2010 n° 08-42486
En matière de SMS, la Cour de cassation a, par ailleurs, dans un arrêt remarqué du 23 mai 2007 n°06-43209, dont elle a elle-même souligné l'importance en publiant un communiqué sur son site, jugé, dans les termes suivants, de la possibilité d'utiliser ce mode de preuve :
"Si l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu de l'auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n'en est pas de même de l'utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, dont l'auteur ne peut ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur."
Depuis l'arrêt du 10 février 2015, le sort du SMS suit celui du courriel : un SMS non identifié par son auteur comme revêtant un caractère personnel et émis ou reçu à partir d’un terminal appartenant à l’employeur, est donc présumé professionnel, et peut être librement consulté par ce dernier.
Sur le principe, cette position de la chambre commerciale, qui est aussi celle de la chambre sociale dont l’avis a été sollicité, est compréhensible : les messages SMS peuvent avoir un objet professionnel et il est probable qu’en l’occurrence la société NG a trouvé dans les SMS échangés entre son concurrent et ses anciens salariés matière à nourrir son procès en concurrence déloyale.
En écartant l’argument du demandeur au pourvoi qui faisait valoir qu’il était techniquement impossible, en l'absence d'un champ "objet" sur le téléphone, d’identifier comme personnel un SMS avant d’en prendre connaissance, ce qui conduisait à une violation éventuelle de la vie privée de salarié, la Cour de cassation a clairement affirmé sa volonté d'étendre la présomption du caractère professionnel à tous les fichiers, courriers et messages à défaut d'une identification personnelle émanant du salarié, quelque soit la configuration des outils sur lesquels sont créés ou stockés ces documents écrits