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Le cumul des infractions de favoritisme et de prise illégale d’intérêts pour un même marché est possible

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Marc Sénac de Monsembernard, Etienne de Castelbajac, 11/07/2019

La Cour de cassation a rappelé, le 17 avril 2019, que le cumul des infractions de favoritisme et de prise illégale d’intérêts pour la passation d’un seul et même marché était possible.
Il est de jurisprudence constante que des faits, qui procèdent de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable, ne peuvent donner lieu à deux déclarations de culpabilité de nature pénale (Cass., Crim., 26 octobre 2016, n° 15-84552. (1)

Le cumul d’infraction pour des mêmes faits est toutefois possible dès lors que les infractions protègent des intérêts distincts.

A titre d’exemple, dans une affaire concernant la pollution d’un cours d’eau, la Cour de cassation a validé le cumul des deux délits de déversement et de rejet de substances nuisibles au motif que l’article L. 216-6 du code de l’environnement excluait la protection du poisson alors que l’article L. 432-2 même du code tendait spécifiquement à la protection du poisson (Cass., Crim., 16 avril 2019, n° 18-84.073).

Au cas d’espèce, la Cour d’appel a déclaré le prévenu coupable des délits d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics (délit de favoritisme) et de prise illégale d’intérêts. Pour la Cour, le prévenu avait une pleine conscience de la violation des règles de la commande publique à l’occasion de la procédure de passation du marché et le choix de la société attributaire du marché était dicté par l’intérêt moral à faire travailler un proche.

A l’appui du pourvoi en cassation, la défense a fait valoir que l’attribution irrégulière du marché constituait une action unique caractérisée par une seule intention coupable et ne pouvait donc pas donner lieu à deux déclarations de culpabilité de nature pénale.

La Cour de cassation ne fait pas droit au moyen et juge que : « les déclarations de culpabilité des chefs d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics et de prise illégale d’intérêt sont fondées sur des faits dissociables, la première infraction étant constituée par les irrégularités commises en connaissance de cause par le maire durant la procédure de marché tandis que la seconde est caractérisée par la seule décision prise par celui-ci, de faire signer à l’attributaire du marché, l’acte d’engagement des travaux et de publier l’avis d’attribution du marché, la cour d’appel a justifié sa décision ».

La Cour semble distinguer deux temps : celui de l’attribution du marché et du choix de la société attributaire et celui qui vient après le choix de la société attributaire. En somme, pour la Cour de passation, il serait possible de scinder en deux la procédure de passation d’un marché.

En tout état de cause, la Cour a déjà jugé que les infractions de prise illégale d’intérêts et de favoritisme sont cumulables car ils protègent des intérêts distincts (Cass., Crim., 8 mars 2006, n° 05-85.276).

Certes, cette règle n’est pas reprise dans l’arrêt du 17 avril 2019 et une lecture rapide laisserait penser que la Cour entend revenir sur le cumul des délits de favoritisme et de prise illégale d’intérêts. Mais qu’on ne s’y trompe pas, ce moyen ne semble tout seulement pas avoir été développé par la défense.

(1) Conformément à l’article 132-3 du code pénal, lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu’une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé.


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