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Le travail carcéral devant le Conseil constitutionnel

Actualités du droit - Gilles Devers, 14/09/2015

Nicolas, détenu au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne, avait trouvé...

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Nicolas, détenu au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne, avait trouvé un job via le pôle emploi du coin, comme opérateur au sein des ateliers de production de la prison. Un vrai boulot, mais pas une vraie paie et aucun des droits reconnus par le Code du travail. Le 30 janvier 2013, il reçoit une décision de « déclassement » par le directeur de la prison. Pourquoi ? Parce que le texte permet de prendre ce genre de mesure arbitraire et non motivée, laissant la personne concernée à sec.

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Pas d’accord, Nicolas, soutenu par l’OIP, saisit le tribunal administratif de Poitiers d'un recours en annulation contre cette décision, et en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, il soulève une question prioritaire de constitutionnalité, estimant que la situation de non-droit du travail imposée aux détenus par la loi ne respecte pas les vaillants principes du Préambule de la Constitution de 1946.

Et ça marche. Le 7 avril 2015, le tribunal administratif a transmis au Conseil d'Etat cette bien jolie QPC : « L'article 33 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 est-il conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution ».

Que dit cet article 33 ? « La participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l'établissement d'un acte d'engagement par l'administration pénitentiaire. Cet acte, signé par le chef d'établissement et la personne détenue, énonce les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération ».

C’est la loi pénitentiaire Sarko – Dati, mais c’est surtout l’état du droit depuis belle lurette. Le travail en prison est essentiel dans la vie des détenus, souvent un premier seuil de re-socialisation. C’est aussi l’occasion de mettre un peu d’argent de côté pour préparer la sortie ou indemniser les victimes. Oui mais voilà, le droit du travail ne s’applique pas dans les prisons de la République. La rémunération est entre 20 à 50 % du tarif, le paiement à la pièce reste d’actualité, et on se fait virer du jour au lendemain sans motif. En outre, question retraite, syndicat ou organisation collective,… un autre monde !

Par arrêt du 6 juillet 2015, le Conseil d’État a admis que la question était sérieuse. Le fait savoir si l’article 33 de la loi pénitentiaire porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, à savoir le droit à l'emploi, la liberté syndicale, le droit de grève et le principe de participation des travailleurs (Préambule de la Constitution de 1946, alinéas 5, 6, 7 et 8) soulève une question présentant un caractère sérieux.

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Notre toujours aussi distrayant Conseil constitutionnel avait rejeté une première QPC le 14 juin 2013. La QPC était calée sur le troisième alinéa de l'article 717-3 du Code de procédure pénale : « Les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail ». Le Conseil avait rejeté la QPC en jugeant que ce texte se borne à prévoir que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail, et qu’ainsi il ne porte pas en lui-même atteinte aux principes énoncés par le Préambule de 1946. La grosse ruse… Ce que dit le Conseil constitutionnel : la loi pénitentiaire est tellement adorable qu’elle peut accorder aux détenus encore plus de garanties que ne le ferait le Code du travail ! Donc pas de contrat de travail,… mais le droit à un contrat de travail quand on travaille, ce n’est pas constitutionnel ! Ah ces comiques,… ils sont imbattables !

La QPC, cette fois-ci, vise l’absence de garantie des droits dans le régime « d’engagement » institué par l’article 33, et comme Nicolas a été viré comme un malpropre, on est en plein dans le sujet. Tout est en place pour faire tomber cette grotesque discrimination.

Mais le Conseil constitutionnel peut encore nous inventer un truc du genre : l’article 33 prévoit que l’acte d’engagement doit définir les droits et obligations des parties, et si cela n’est pas fait, ce n’est pas le fait de l’article 33, mais de l’acte lui-même. Ils en sont capables…

En réalité, cette affaire ne devrait pas relever du Conseil constitutionnel mais du Législateur. Nos impénitents encravatés, qui se gargarisent des « valeurs de la République » et du principe d’égalité, auraient dû s’en occuper de longue date, mais Dupont-Droite et Dupont-Gauche se retrouvent là aussi comme des frères pour dire que le détenu est un citoyen de seconde zone.

Bien sûr, cela ne remet pas en cause le fait que Taubira est l'icône de la Gauche... Bande de farceurs...

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Le poing et la rose, tendance sociale-libérale (Début du XXI°)


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