Responsable pénalement à 7 ans, pas à 13 ans (570)
Planète Juridique - admin, 10/06/2014
Le drame d'Auvervilliers conduit beaucoup de journalistes sinon de français à commettre une erreur juridique majeure qui peut déboucher sur des réactions inappropriées. Sous prétexte qu'un mineur auteur d'un délit ou d'un crime ne peut pas aller en prison on en déduit qu'il n'est pas responsable pénalement. On se trompe.
Il est de fait que de longue date un mineur de 13 ans ne peut pas se voir infligé une peine (prison, amende, travail d'intérêt général).
Il est tout aussi vrai que depuis 1987 (gouvernement Chirac, ministère Chalandon à la suite d'une campagne initiée par Françoise Dolto et le pr Minkoski) un mineur de 13 ans ne peut plus se voir placé en détention provisoire en matière criminelle c'est-à-dire pour des faits faisant encourir plus de 10 ans de prison.
On a alors eu le souci d'en terminer avec une apparente contradiction qui voulait qu'un enfant criminel - il y en a très peu - puisse être placé en détention provisoire, mais sans au final encourir de peine de prison. Ce qui était facile à comprendre pour un adulte ne l'était pas pour un enfant. Comment lui expliquer que la détention provisoire répond à des questions d'ordre public quand la peine s'inscrit dans le jugement de l'affaire ? Soucieux dans ces années 80 de réduire le recours à la prison pour les enfants qui avait retrouvé le niveau de 1945, soit 6000 mandats de dépôt l'an, le législateur en a profité pour supprimer cette incompréhension.
Reste que si aucune peine n'est encourue avant 13 ans un enfant peut quand même être tenu pour avoir commis un délit ou un crime et condamné par la justice pour ces faits. Cette condamnation sera inscrite à son casier judiciaire.
Encore faut-il que, comme pour tout un chacun , les juges puissent dire que la jeune personne mise en cause avait conscience au moment des faits de commettre une faute pénalement répréhensible c'est-à-dire de poser un interdit au risque d'une sanction pénale. Dans notre culture le fou ne peut pas être traduit devant la justice pénale.
L'enfant est censé petit à petit acquérir le sens du permis et de l'interdit, du bien et du mal. Bref avoir le discernement suffisant pour qu'on lui reproche à juste titre d'avoir franchie une ligne qui ne devait pas l'être.
Si certains pays fixent des seuils intangibles - ex. 16 ans pour la Belgique - le législateur français ne fixe pas d'âge à partir duquel on est censé avoir acquis le discernement. Pas plus ne dit-il à quel âge on le perd. Au cas par cas les magistrats du parquet et du siège, après les policiers, se feront une opinion éventuellement en faisant appel à des spécialistes. Comme les parents quand ils doivent décider si leur enfant rentrera seul de l'école avec la clé de la maison.
On estime généralement que l'enfant acquiert le discernement vers 7 ou 8 ans. Certains sont plus précoces, d'autres prennent plus de temps.
Un enfant qui n'aurait pas le discernement pourrait commettre un fait qualifié délit ou crime - par exemple crever involontairement l'oeil d'un camarade de jeu- , ne pas être poursuivi pénalement, mais engager sa responsabilité civile pour le dommage causé. Généralement ses parents seront alors tenus pour civilement responsables et devront indemniser la victime, quitte à bénéficier de leur assurance chef de famille.
Par ailleurs un enfant non tenu pour responsable qui commettrait plusieurs faits préoccupant comme de voler dans un magasin pourrait bénéficier de mesures de protection civiles : le fait que ses parents le laissent en situation de commettre de tels faits délictueux étant tenu pour révélateur d'une situation de danger au sens de l'article 375 du code civil justifiant des mesures d'assistance éducative.
Le discernement retenu la justice pourra estimer que l'acte posé par l'enfant lui est imputable et peut donc lui être reproché.
C'est ici qu'intervient un deuxième registre de réflexion, jusqu'à 13 ans , seules des mesures éducatives peuvent être imposées la personne tenue pour coupable. Un enfant doit être éduqué plus que puni ce qui ne signifie pas que les mesures éducative n'intégrent pas comme toute démarche éducative une contrainte: l'enfant sera suivi par une équipe éducative, il pourra être confié à une institution ou une famille d'accueil.
Le législateur de 2002 a innové en introduisant à partir de 10 ans - l'âge étant toujours celui au moment des faits - la possibilité de prononcer à l'encontre du jeune des sanctions éducatives. Ah la richesse de la langue française.
Quelles sont ces mesures désormais au nombre d'une douzaine ? Des interdictions de paraitre dans tel lieu, de fréquenter telle personne, complice ou victime, de posséder tel bien. Ce sera aussi l'ordre d'effectuer un stage d'éducation civique ou une mesure de réparation.
Le législateur français estime qu'à 13 ans sans s'interdire les mesures éducatives, - il en fait même une priorité- on peut entrer dans le registre des peines. Il pose alors le principe de l'excuse atténuante de minorité qui veut que la peine encourue soit la moitié de celle encouru pour des faits analogues par un majeur. Ainsi l'incendie volontaire ayant entrainé la mort sans intention de la donner fait encourir 10 ans à un adulte, 5 ans à un enfant de 13 ans
Cette excuse de minorité est absolue jusqu'à 16 ans. A 16 ans elle devient relative; le juge quand ce n'est pas le législateur peut la retirer. Lejeune peut alors être condamné comme un adulte quoiqu'il ne soit pas majeur au moment des faits. C'est ainsi que le jeune violeur et tueur du Chambon sur Lignon a été condamné à la prison perpétuité.
On voit ainsi que notre droit dessine une gradation dans l'engagement de la responsabilité pénale des individus avec des seuils - 7/8 ans, 10 ans, 13 ans, 16 ans et bien évidemment 18 ans avec la pleine responsabilité pénale. On a dit par ailleurs qu'il serait souhaitable que la même échelle existe en matière civile et que la loi qui sait venir chercher les responsabilités consacre la capacité de faire progressive des jeunes. En l'état, en encore récemment, les politiques s'y sont refusés.
Notre droit est conforme à nos engagements internationaux. Il affirme haut et fort, quand certains auraient tendance à l'oublier, qu'une personne de 12 ans n'est pas un délinquant chevronné mais un enfant - se rappeler ici la réaction de bon sens du premier ministre François Fillon devant les préconisations de Rachida Dati - et doit, dans l'idée qu'un pays démocratique comme le notre se fait, être sanctionné comme un enfant. ll permet de garder le sens et la mesure des choses. Bref de rendre justice dans tous les sens du terme.
On retiendra qu'un enfant peut engagé très tôt sa responsabilité pénale même si ce n'est qu'à 13 ans qu'il encourt une peine.
J'ajoute pour boucler le sujet sur le plan juridique qu'après les mesures provisoires qui sont prises par le juge des enfants ou le juge d'instruction sur avis des éducateurs du tribunal dont des mesures d'éloignement à travers un accueil par un membre de la famille ou une institution spécialisée. Outre le fait de désigner une équipe éducative ou des experts psychiatres ou psychologues le temps du jugement viendra. Dans ce moment si l'enfant mis en cause avait moins de 13 ans le juge des enfants ou le tribunal pour enfants prononceront si la culpabilité est retenue des mesures ou des sanctions éducatives comme le maintien sous le régime de la liberté surveillée ou le placement en institution si cela s'impose.
Il faut ici rappeler qu'un jeune est jugé sur trois éléments : ce qu'il a fait ou pas fait, ce qu'il était au moment des faits mais aussi sur ce qu'il est devenu depuis les faits.
Bien évidemment, le moment du jugement sera aussi l'occasion de répondre aux enjeux civils posés par la victime ou ses proches, mais bien au-delà de leur rendre justice également.
Le droit n'est pas tout, mais il n'est pas toujours inutile de se remettre une planche commune sous les pieds avant d'entonner trop rapidement l'hymne à la reforme législative.
PS Qu'on me pardonne les fautes de frappe mais journée a été rude pour le claviste qui écrit aussi le texte .