Avocat ? En droit pénal bien sûr…
Actualités du droit - Gilles Devers, 12/02/2012
Allô, est-elle toujours là mon élève avocate adorée chérie ? Je n’en doute pas, car elle a le cœur, l’âme et l’esprit pour devenir une grande avocate, portée par la confiance de ses clients. Elle observe, se pose, dit des choses, s’acrroche, réplique, et se fait entendre.
Bon, et bien je t’ai déjà dit l’essentiel : la confiance de tes clients. Je sais, tu n’as pas encore de clients, mais prépare-toi en faisant comme si. Le jury, c’est le sésame, et il faut le passer, mais regarde juste derrière : il n’y a pas un mur, mais le pays de tes rêves. En fait, c’est le combat du douanier, le jury – vite prisonnier de ses petites cases – et du passeur que tu veux être. Pour l’inspiration, puise dans tout ce que tu as appris. Mais surtout, plonge-toi dans l’aventure de demain : une personne te demande de passer la voir en prison, elle te donne un peu d’argent, et te dit qu’elle te fait confiance pour la sortir de là. Attention, rappelle-toi bien que tu ne la défends pas elle – car tu n’es pas son amie – mais que tu défends ses droits, qui sont notre bien commun. Fais le test,… et tu vas ressentir un petit truc collé dans le cerveau, te montrant ce que tu ne voyais pas une heure plus tôt.
Le droit pénal, ce sont des lois, des traités, de la jurisprudence. Mais c’est d’abord un paradoxe fondamental : la sanction d’une personne pour la protection de l’ordre social. Il n’y a pas plus doux que le droit pénal. Il protège tout ce que tout ce que tu as de plus cher : l’intégrité corporelle, l’amour, ton chez toi… Mais il n’y a pas plus dur que ce maudit droit pénal qui accuse, soumet à enquête, et emprisonne. Quand tu retournes voir ton client, après l’arrêt d’assises qui lui a collé quinze ans, trouve les arguments pour lui expliquer ce que ces années de prison vont apporter à la société. Car la défense ne peut pas conduire à remettre en cause l’ordre public ou le respect dû à la justice, n'est-ce pas ?
Bon, autant dire que si tu essaies de comprendre çà à travers les plus empoussiérés des profs qui squattent chez les éditeurs, tu es mal barrée. Le droit pénal attire les pénibles, c’est ainsi. Aussi, puise d’abord et avant tout dans le meilleur de la littérature. L’étude du droit pénal produit les effets d’un lavement si on en reste aux profs de droit réacs, qui pullulent. Non, s’il te plait, commence par du sérieux : Victor Hugo, avec une prime pour Les Misérables ; le tome 1 de Paul Eluard dans La Pléiade ; Dostoïevski, Crimes et Châtiments ; Lautréamont, Les Chants de Maldoror ; Antonin Artaud, L’Ombilic des Limbes ; Aki Shimakazi, Mitsuba ; Boris Vian, L’automne à Pékin… Dévore toute la littérature, et ne me dis pas que les livres sont chers : tu les trouves à 2 euros chez les bouquinistes.
Une fois, les bases posées, il te faut étudier la matière. Trouve une méthode, et progresse à ton rythme. Privilégie trois sources : Beccaria, Le Traité des Délits et des Peines, le Code pénal Dalloz, et la jurisprudence à partir de Légifrance. A ce stade, le reste est superflu. Mais tu dois par contre apprendre à jongler avec les trois : un travail sans fin, mais ça passe par là. Pour Legifrance, ne te perds pas dans le luxe maladif du dernier arrêt de la Cour de cass’. Privilégie les classiques, et ne travaille qu’avec les arrêts de la Cour publiés au bulletin et ceux de la CEDH. Faits toi une short list de 100 arrêts publiés, et tires-en toute la science jusqu’à ce qu’ils deviennent des intimes : tu pourras alors passer le Cap de Bonne Espérance.
Tu vas m’en vouloir, car tu préférerais peut être que je te cite deux ou trois bouquins, bien faits à apprendre dans le bonheur et la bonne humeur. Mais ça, c’est le travers des facs qui se prennent pour des fermes piscicoles. Non, jette-toi, pars de la source pour construire ta connaissance et ta pensée. Paul Eluard te le dit dans le creux de l’oreille : « Il n’y a pas de grandeur pour qui veut grandir ; il n’y a pas de modèle pour qui cherche ce qu’il n’a jamais vu ».
Et après ? Après fais chaque jour la preuve par neuf en scrutant dans l’actualité tout ce qui parle ce que tu étudies. Croise les infos, décrypte les fausses nouvelles ou les présentations inexactes, et rétablis les faits, neutres, chronologiques. Attention, tu ne peux rien faire de valable en droit si tu n’as pas identifié le fait. Ensuite, cherche les règles de droit applicables, toujours collées à la jurisprudence, et transforme-les en argumentaire. Très bien. Mais ici, commencent les choses sérieuses : tu dois déclamer. Classe les documents, prépare des notes succinctes, et lâche-toi : tu as la parole.
Jean Valjean t'a écrit pour te confier sa défense. Tu es prête?