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Affaire Hazout : A quoi sert le Conseil de l’Ordre des Médecins ?

Actualités du droit - Gilles Devers, 19/02/2014

Que dira la Cour d’assises de Paris dans l’affaire Hazout, ce praticien...

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Que dira la Cour d’assises de Paris dans l’affaire Hazout, ce praticien gynécologue renommé, accusé de viols ? Nous verrons bien, et ça ne tardera pas. La Cour est saisie de faits, et elle doit juger en fonction des définitions strictes du Code pénal, avec chaque fois cette question : les éléments constitutifs de l’infraction sont-ils réunis ? Je ne m’aventure pas sur ce débat.homme-sans-qualites2.jpg

Tout autre est la question déontologique. Le baiser ou la caresse étaient-ils en fait des agressions, au sens pénal, ce qui inclut l’intention délinquante ? C’est le débat de la Cour d’assises. Mais, sur le plan déontologique l’approche est bien différente, car le médecin, en toutes circonstances, doit garder une attitude professionnelle, et savoir observer la distance nécessaire. S’il passe la limite, pour venir du temps de l’examen, le pote, l’amant ou le violeur, il transgresse l’impératif déontologique. C’est à ce titre que l’ordre des médecins se trouve impliqué.

La loi

Selon l’article L. 4121-2 du Code de la Santé publique, l'ordre des médecins veille « au maintien des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine » et à l'observation, par tous ses membres « des devoirs professionnels, ainsi que des règles édictées par le code de déontologie ».

Selon l’article L. 4123-1, « lorsqu'une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l'auteur, en informe le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme mis en cause et les convoque dans un délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte en vue d'une conciliation. En cas d'échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l'avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte, en s'y associant le cas échéant ».

Les règles ont été un peu modifiées au fil du temps, mais le principe est intangible : les patients qui entendent dénoncer les comportements de praticiens s’adressent au conseil départemental. Celui gère la plainte, et cherche à vérifier ce que veut le plaignant et qu’en dit le médecin. Mais si la plainte du patient a un contenu disciplinaire le conseil départemental, est obligé de la transmettre au juge ordinal, le conseil régional. Si le conseil départemental, qui en délibère, estime que la plainte du patient est fondée, il décide alors lui aussi de porter plainte, et le conseil régional est saisi des deux plaintes.

Pour la loi, tout est simple, mais cette mission est en réalité complexe à gérer. Le conseil départemental reçoit nombre de doléances plus ou moins incertaines, avec des patients qui veulent témoigner de dysfonctionnements, réels ou ressentis, mais ne souhaitent pas être eux-mêmes embarqués dans une procédure.

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S’agissant du Docteur Hazout, le problème n’était pas difficile, en droit, pour le conseil départemental de l’ordre de Paris. Les plaintes des patientes – plus d’une dizaine d renoncées et combien d’autres égarées – mettaient explicitement en cause le comportement professionnel du médecin, et le conseil départemental se devait de transmette les plaintes, qu’il s’y associe ou non. Il ne devait car il n’a pas à se prononcer sur les qualifications pénales, mais sur l’attitude d’un médecin. Le médecin gynécologue qui, à l’occasion de l’examen, drague, embrasse, papouille, caresse, pratique des actes sexuels est en faute, même avec le consentement de la patiente. Sa faute, c’est de ne pas tenir la distance, de n’être plus le thérapeute, de confondre les genres. Un médecin et la patiente peuvent tomber amoureux, mais c’est en dehors du cabinet, pour une relation de la vraie vie.

Les comptes-rendus de l’audience d’hier sont catastrophiques pour l’ordre, empêtré dans ses salades confraternelles et sa suffisance. Je vous laisse lire, c’est accablant. Le conseil départemental exerce une fonction administrative, à la différence du conseil régional, qui est une juridiction, et il engage à ce titre sa responsabilité pour faute. De fait, la Cour administrative de Paris a reconnu que le Conseil départemental avait engagé sa responsabilité pour faute.

A l’audience, le docteur Jean-Louis Thomas, qui, au nom de l'instance ordinale, a présenté ses « excuses » aux plaignantes : « Je suis personnellement effondré de voir un dossier comme celui-là. Je ne peux pas comprendre ce qui s'est passé. Ce que je peux vous dire, c'est que depuis 2008, nous avons tout mis en ordre pour que de tels faits ne se reproduisent pas ». On va faire semblant d’y croire… de la part d’un conseil départemental qui est allé jusqu’à la cour administrative d’appel de Paris pour soutenir qu’il n’avait commis aucune faute, et de la part d’un ordre dont les instances sont encore massivement masculines.

Une structure dépassée. Le Conseil d'Etat, expert en fin de vie, devrait s'en préoccuper. 

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