Des parents accusés à tort de maltraitance
Actualités du droit - Gilles Devers, 9/07/2015
Vous avez vu cette histoire des parents accusés de maltraitance, et séparés de leur jeune enfant… alors que les hématomes résultaient d’une maladie génétique rare… mais dont été atteinte la maman…
Le départ de l’histoire,c’est la jeune maman de 22 ans qui est atteinte d’une maladie génétique rare mais bien connue, l’angiœdème héréditaire. Une maladie empoisonnante qui évolue par crise, et qui entraîne alors des gonflements de différentes parties du corps, avec des colorations de la peau.
La maman donne naissance à une petite fille, en octobre 2011. En février 2012, les parent trouvent la petite somnolente et peu réactive. Inquiets, ils se rendent à l’hôpital, où apparaissent des hématomes, dont un recouvrant la moitié du visage. La mère fait le rapprochement avec sa maladie, mais les médecins retiennent une autre option, celle de la maltraitance. Les faits sont dénoncés au procureur, avec les deux décisions attendues dans ce genre de situation : enquête pénale, avec garde-à-vue puis mise en examen par un juge d’instruction et saisine du juge des enfants, qui décide du placement de l’enfant chez une assistante maternelle.
Le juge d’instruction confie une expertise confiée à deux médecins, qui excluent l’hypothèse de la maladie et concluent à des violences. Jusque-là, c’est dur, mais je comprends.
Là où je ne comprends plus, c’est que pour poser le diagnostic, une analyse sanguine dit beaucoup. Or, la presse explique que c’est à l’occasion d’un droit de visite, que, « malgré l’opposition des services sociaux », les parents parviennent à faire réaliser une prise de sang à leur petite fille, qui montre l’angiœdème héréditaire, et un centre national spécialisé confirme le diagnostic ce mois de mai dernier. Et une pédiatre spécialisé conclut que l’enfant n’était pas victime de violences, mais d’une crise d’œdèmes déclenchée par une infection.
Après instruction, le juge a renvoyé les deux parents devant le tribunal correctionnel qui, par un jugement de ce 22 juin, les a relaxés. Il reste maintenant à faire lever la mesure de placement. L’avocate du couple, mon excellente consœur Me Strohmann explique : « Cela n’aurait jamais dû durer aussi longtemps. Le principe de précaution par rapport aux violences sur mineur a montré sa limite dans cette affaire. Cela a débouché sur un massacre familial ».
Poursuite de explications : « Tout au long de l'instruction, la mère va demander à ce que soit pratiqué un examen sanguin sur son enfant, sachant que cette maladie peut provoquer bleus, gonflements et contusions ».
C’est là que ça coince.
L’équipe hospitalière s’est à l’origine trompée sur le diagnostic, rare. Rare mais quand même pas impossible, car la maman était porteuse de cette maladie. C’est un problème très sérieux. La médecine est complexe, mais on peut poser la question d’une faute dans le diagnostic, pour ne pas avoir cherché à éliminer cette piste, qui était quand même consistante.
Les interrogations sont plus considérables s’agissant de la suite, car nous étions alors dans une information judiciaire, qui donne de solides armes aux droits de la défense… Les experts, à leur tour se sont trompés, ce qui est un nouveau problème très sérieux. Mais on perçoit pal pourquoi la défense des parents – et sachant que la mère connait bien la maladie, et donc des médecins avisés – n’a pas pu faire inclure dans la mission des experts la recherche de ce diagnostic, alors qu’une simple prise de sang est évocatrice. De même, la presse ne dit rien d’une contestation de cette expertise, d’une demande de contre-expertise, d’une demande d’actes formalisée auprès du juge (Code de procédure pénale, art. 81, al. 9 et 10), d’un appel devant la chambre de l’instruction en cas de refus…
Bon… Les faits sont-là, mais il manque quelques pièces importantes au puzzle.