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Expulsion d’une famille pour le trafic de drogue d’un enfant ?

Actualités du droit - Gilles Devers, 12/01/2013

« Une première : une famille expulsée de son logement parce qu’un...

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« Une première : une famille expulsée de son logement parce qu’un de ses enfants a été condamné pour trafic de drogue ». C’est bien entendu n’importe quoi. En revanche, une famille peut très bien être expulsée pour les troubles répétés et graves causés au voisinage. C'est une solution acquise, et tout dépend de la qualité des preuves.

Expulsion… suite à un jugement !

homesweethome.jpgPremière précision. « L’office d’HLM expulse une famille… ». Non, rassurez-vous,  la France va mal, mais nous restons un Etat de droit. S’il y a expulsion, c’est qu’il y a eu une décision de justice, en l'occurrence un arrêt de la Cour d’appel de Versailles, et donc un débat contradictoire. L’arrêt de la Cour est-il correct ou critiquable ? S’il est critiquable, il faut faire un pourvoi devant la Cour de cassation… qui connait régulièrement ce genre d’affaire.

Dans la presse, on trouve quelques extraits de l’arrêt, qui énumère de nombreux avertissements à destination des locataires, des rapports de gardiennage et des mains-courantes pour des faits allant de l'usage d'un scooter à une vitesse excessive au sein de la résidence à du trafic de cannabis, en passant par des dégradations. La cour mentionne « les déclarations recueillies par un huissier qui traduisent l'enfer quotidien que constituent pour les riverains l'existence d'un trafic de stupéfiants », et elle conclut « La persistance de ces troubles graves pendant plusieurs années justifie la résiliation du bail sans qu'il soit besoin de rechercher l'implication factuelle des locataires dans les faits ».

Je pense ces extraits sincères… car ils relèvent du droit le plus établi.

Les bases légales bien connues

06.jpgQuand je vois cet arrêt de la Cour de Versailles savamment décrit comme une innovation juridique, je me dis qu’il y a de quoi se poser de sérieuses questions sur le fonctionnement de certaines rédactions…  

La base est l’article 1728 alinéa 1 du Code civil, inchangé depuis la rédaction du Code civil de 1804. La locataire est tenu « d’user de la chose louée en bon père de famille, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail ».

Elle a été reprise, à peine amendée, par la grande loi sur le bail, la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, qui prévoit en son article 6 b) que le locataire est obligé « d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location ». Le bail prévoit nécessairement des clauses explicites à ce sujet, le locataire s’engageant à ne pas nuire à la tranquillité des voisins, et selon le droit commun, le signataire du bal est engagé pour les fautes commises par les occupants, famille ou amis. Tout ceci est extrêmement classique.   

En toile de fond, jouent les bases de la responsabilité. Sur le plan contractuel, donc vis-à-vis du propriétaire, une faute dans l’exécution d’un contrat permet de résiliation ce contrat (Code civil, art. 1184). Mais la responsabilité peut également être engagée vis-à-vis des tiers, pour troubles anormaux de voisinage.

De nombreuses décisions de jurisprudence

home-sweet-home-1973-a03.jpgLa jurisprudence est abondante, et les tribunaux apprécient sur cette base légale incontestable  en fonction des preuves apportées de part et d’autre. Voici quelques exemples.


Cour de cassation, 3° chambre civile, 9 mars 2010, n° 09-12526 

La résiliation du bail a été prononcée pour les « troubles que Mme X... occasionne à ses voisins de la résidence, insultes y compris par courriers (et pour l'un d'entre eux adressé directement à son employeur), inscriptions obscènes sur les boîtes à lettres, dégradations diverses et répétées des parties communes et des véhicules garés sur le parking, harcèlement systématique et très récemment agression à l'encontre d'une personne âgée, résultent de la pétition signée par 17 locataires le 25 octobre 2006, des déclarations de main courante et des procès-verbaux de police, et des multiples attestations produites aux débats »


Cour de cassation, 3° chambre civile, 10 novembre 2009, n°  08-21874

La cour a refusé la résiliation car les faits reprochés à « étaient très anciens, qu'une pétition non datée ne précisait pas le comportement qualifié de " dangereux " du preneur, que ce dernier, sous curatelle, apparaissait être victime des faits du 17 janvier 2006 imputables à un tiers, que les constats d'huissier relataient de façon anonyme les déclarations de locataires, que le preneur produisait pour sa part un courrier signé de quatre autres locataires, et constaté que le locataire était une personne fragile, sérieusement suivie et traitée médicalement, ayant pu être influencée ou utilisée par d'autres ». Pour la cour, ces infractions au bail par le trouble occasionné à la tranquillité et la sécurité des autres locataires, étaient établies, mais ne justifiaient pas le prononcé de la résiliation de ce bail.


Cour de cassation, 3° chambre civile, 14 octobre 2009, n° 08-16955 

La Cour a refusé la résiliation malgré l’existence de condamnations pénales. Motif : absence de lien de causalité. « Les faits, ayant entraîné la condamnation avec d'autres prévenus, du fils des locataires à une peine correctionnelle, avaient été commis dans le hall d'un immeuble appartenant au même ensemble immobilier que celui où se situaient les lieux loués, mais distant de plus d'un kilomètre, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé l'absence de lien entre les troubles constatés et le manquement imputé aux preneurs à leur obligation d'user paisiblement de la chose louée et de ses accessoires ».


Cour d'appel de Versailles, 30 mai 2006, disponible sur Legifrance 

La Cour a prononcé la résiliation. « Il résulte des éléments du dossier et particulièrement des pièces produites par l'appelant, à savoir les mains courantes rédigées par les fonctionnaires de police dont la dernière datée du 5 mars 2004, pour des faits de violences et dégradations volontaires commises par M. X… ainsi que le procès-verbal de constat dressé le 2 mars 2004 par huisser établissant que ‘les personnes rencontrées ont refusé de témoigner, même sous couvert d'anonymat, par peur des représailles’ et que ‘le climat d'insécurité entretenu par les agissements de cette famille paralyse les voisins, qui ont, de ce fait, refusé de témoigner’, démontrent que les faits incriminés troublent la tranquillité et la sécurité de l'immeuble ».

 

*   *  *

Dernière précision, parce que le « ministre » Lamy raconte n’importe quoi en annonçant qu’il va mettre en place un processus pour accompagner les familles. C’est ce que fait la loi depuis belle lurette : le jugement s’expulsion enclenche un processus de relogement. L’expulsion manu militari et les familles à la rue, çà, c’est ce que font les gouvernements (Sarko Hollande kifkif) quand ils détruisent les maisons des Roms. 

logement,droit

Rassurez-vous : les gouvernements réservent ce sort aux Roms


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