Pompiers de Paris : La loi du silence ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 13/05/2012
Que se passe-t-il chez les pompiers de Paris ? Un viol collectif, un pompier en prison, douze mises en examen, et le général Gilles Glin, commandant de la brigade, qui interrompt un déplacement en Chine pour nous dire ce lundi que tout va bien…
L’histoire se passe au sein de l’équipe des gymnastes de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP). Un groupe qui est un corps d’élite, peu sur le terrain et beaucoup dans les manifestations publiques pour l’image de marque. Dans le genre, c’est réussi.
Le 6 mai, l’équipe est allée à Colmar pour une compétition, et c’est au retour dans le car que les faits ont eu lieu. La victime décrit une scène de viol, à savoir une sodomie avec une bouteille alors qu’il était immobilisé par quatre « soldats du feu ». Un autre pompier a été frappé. C’est la thèse sur laquelle travaille la justice, comme cela ressort des mises en examen : quatre mises en examen pour viol en réunion et neuf pour violences aggravées, ce en conformité avec les réquisitions du parquet.
L’avocat de la victime explique que ces dérives étaient connues du commandement. Il dénonce « la loi du silence » et engage un recours devant le tribunal administratif contre la Brigade, donc en fait contre le ministère de la Défense. Les avocats du pompier placé en détention décrivent une histoire qui a dérapé, mais ils contestent la qualification de viol et disent que cette plainte est une sorte de règlement de compte.
Le lieutenant-colonel Pascal Le Testu, porte parole de la Brigade, joue la musique bien connue des dysfonctionnements individuels. Il dément « formellement toute complaisance du commandement vis-à-vis du bizutage, des actes humiliants et dégradants » et ajoute : « Le bizutage est contraire à nos valeurs, il est strictement interdit par le commandement et tout manquement est lourdement sanctionné ». Et suit le couplet : pas d’amalgame, la brigade comprend 8.500 hommes et femmes nickel, et en plus ils sauvent des vies humaines. Oui, sauf que.
Sauf que l’agression s’est passée dans le car, et que dans le car il y a forcément des gradés. Ca correspondrait aux deux mises en examen pour « non empêchement de délit ou de crime ».
Sauf que l’agression a eu lieu à l’occasion de ce qui s’appelle là bas le rituel de « la fessée, qui consiste à mordre les fesses, puis à les badigeonner de crème ». C’est dans le règlement intérieur ce rituel ? Moi, je ne connaissais pas, et je ne sais pas chez vous, mais nous au bureau, on ne pratique pas ce genre de rituel. Sur le plan pénal, la liberté sexuelle permet beaucoup… si tout le monde est d’accord. Mais à quatre pour coincer la victime, ça laisse peu de marge au consentement. Et puis sur le plan disciplinaire, des actes aussi dégradants et puants l’homophobie n’ont pas de place,… même avec consentement.
L’armée veut que toute la lumière soit faite,... et elle a commencé par interdire les déclarations publiques et les forums de discussion. Ca va aider à libérer la parole, pas de doute !
Je rappelle quand même à nos amies et amis pompiers de Paris que selon l’article 40 alinéa 2 du Code de procédure pénale « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».
Pour écrire au procureur, c’est très simple : une lettre, avec votre identité, la description des faits dont vous avez eu connaissance (pas besoin d’être témoin direct). Vous dénoncez les faits, mais n’accusez pas les personnes, surtout si vous n’êtes pas témoin direct. Ce serait de la délation, et comptez sur le procureur pour trouver les auteurs à partir des faits que vous rapportez. Si les faits sont assez précis, vous serez convoqués par les enquêteurs, et alors vous répondrez aux questions. Chaque chose en son temps. Il vous reste à dater, signer et poster à « Monsieur le procureur de la République, Palais de Justice, 14, quai des Orfèvres 75059 Paris Cedex 01 ».