Chsnâtiments corporels, excisions, circoncision, protection de la planète, même combat (541)
Droits des enfants - jprosen, 12/10/2013
Le point commun des deux débats proposés hier soir sur France 2 par Dominique Taddei dans « Ce soir ou jamais », l’un sur la fessée et la gifle, l’autre sur la circoncision, est bien l’idée ou la représentation que l’on se fait de l’enfant : personne ou objet d’appropriation, objet privé ou objet public
Une nouvelle fois on a pu réaliser combien nous sommes encore loin en France de partager communément la position de Françoise Dolto pour qui l’enfant est une personne, idée qui sous-tend la Convention internationale sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989 ratifiée par quasiment tous les Etats du monde.
L’enfant est bien la chose de ses parents (ou de sa communauté). Non seulement elle a autorité sur lui et le moyen de le corriger quitte à ne pas le maltraiter. Elle aussi est en droit de marquer son appartenance sur son corps à travers notemment la circoncision, mais bien évidemment à travers, de par la planète, bien d’autres pratiques héritées de la coutume ou de la religion, comme l’excision, l’infibulation, l’arrachage de dents, l’étirage du cou, etc.
Il ne s’agit pas de mettre sur le même pied toutes ces pratiques quand à leur conséquences, spécialement lorsque l’on évoque la circoncision et l’ablation du clitoris, mais simplement de s’interroger sur le droit reconnu des parents d’imposer des atteintes au corps de leur enfant au nom de leurs convictions personnelles, religieuses ou autres. (1) Il va de soi que seules ces hypothèses sont visées. Ainsi la circoncision a pu et peut encore s’imposer pour des raisons médicales. J’ajoute que s’il était véritablement démontré comme l’avance l’OMS que la circoncision est porteuse de plein de bienfaits – je ne vise que la santé physique – il conviendrait au nom d’une politique de santé publique de veiller à la rendre obligatoire non seulement pour les nouveaux-nés, mais encore pour les hommes en état d’avoir des rapports sexuels. Je doute qu’on puisse apporter cette preuve au niveau souhaité et que des politiques osent enfourcher cette cause devant leur opinion publique. (2)
En d’autres termes, ce que le Conseil de l’Europe nous renvoie tant sur les châtiments corporels que sur la mise en cause de ces pratiques en lien avec une religion, c’est bien que l’enfant comme toute personne doit être respecté dans son corps : on ne peut pas le frapper, on ne peut pas l’humilier, on ne peut plus l’amputer d’une partie de lui-même. On doit combattre ces pratiques comme on les refuse sur des adultes.
Il est essentiel déjà passage de relever devant les cris d’orfraie jetés par des responsables mulsulmans ou juifs que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dans sa résolution du 1er octobre dernier ne tombe pas dans les amalgames. Elle introduit les nuances qui s’imposent en portant une condamnation ferme à l’égard des mutilations génitales féminines et en appelant à un encadrement juridique et médical des pratiques religieuses (3). Elle souhaite notamment que l’enfant soit en âge de donner son accord.
Et il est hors de question de laisser croire que la position largement majoritaire de l’Assemblée parlementaire s’inscrit dans la condamnation d’une démarche religieuse comme l’affirme Abdellah Zekri, un des dirigeants du Conseil français du culte musulman (CFCM) a dénonçant le vote et le silence des dirigeants musulmans rappelle que la circoncision est «un rite religieux millénaire dont les bienfaits sont scientifiquement démontrés et non atteinte à l’intégrité physique des garçons, à distinguer de l’excision des jeunes filles qui constitue effectivement une mutilation».
De même, le ministre israélien des Affaires étrangères a déclaré, dans un communiqué, que «toute comparaison de cette tradition avec la pratique barbare et condamnable de la mutilation génitale féminine relève au mieux d’une ignorance profonde et au pire de la diffamation et de la haine anti-religieuse»..
Il est intéressant que le conseil de l’Europe s’engage plus que ne l’avait fait la convention internationale sur les droits de l’enfant qui se contentait d’avancer dans son article 243 – 3 : « Les Etats parties prennent toutes les dispositions appropriées en vue d’abolir les pratiques traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants. »
Sujet parmi les plus contreversés lors de la rédaction de la Convention, on sait qu’il avait fallu rechercher un compromis pour franchir les oppositions croisées. D’où la rédaction finalement retenue en 1989.
La religion ou la coutume doivent céder devant la règle commune adoptée par la puissance publique au nom du respect de la personne, en l’espèce l’enfant.
Et c’est ici que l’on touche à une deuxième problématique infiniment politique qui ressortait bien en plein ou en creux des échanges sur le plateau de Dominique Taddei, à savoir : la puissance publique, nationale ou internationale est-elle légitime à légiférer dans le champ privé que ce soit pour interdire les châtiments corporels ou les atteintes à l’intégrité physique des enfants pour des raisons non médicales ? Pour certains la réponse est nettement non. Tout au plus tolèrent-ils une démarche de sensibilisation et de conviction, mais pas question de loi. Il est intéressant de relever que le Conseil de l’Europe a été présenté sur le plateau comme liberticide par ce qu’il propose : il porte atteinte à la liberté des familles !
On est à peine entendu lorsque l’on rappelle que la loi, souvent après les juges, et surtout à la suites de nombreux drames et de multiples luttes, est venue dans l’histoire, donner l’égalité aux femmes et les protéger contre les violences familiales, spécialement récemment (2005) contre le viol par leur époux ! La conviction à elle seule n’y aurait pas suffit. Fallait-il attendre que les pères portés à l’être cessent spontanément d’être incestueux ? On multiplierait les exemples pour démontrer que l’ordre public ne se joue pas que dans la rue, mais dans l’univers privé, dans la famille, dans l’entreprise ou à l’école par exemple.
Bien évidemment il nous faut respecter la famille comme lieu d’intimité auquel chacun a droit, mais l’enfant, comme la femme, la personne âgée ou le domestique, doit être protégé dans sa personne physique et morale. Ce qui suppose de reconnaitre la femme, la personne âgée, l’enfant ou le domestique comme des personnes. Tout se tient.
Oui il est temps que la France s’engage dans la condamnation des châtiments corporels. 27 pays membres du conseil de l’Europe l’ont fait (4). La patrie auto proclamée des droits de l’homme qui tire tant de gloire de ses discours enflammés au Conseil de sécurité en serait incapable ?
Il ne suffit pas de répondre qu’elle dispose d’une législation condamnant les violences à enfants. Là n’est pas la question posée. Il s’agit de dire qu’est interdite toute violence physique faite à un enfant par ceux qui l’élèvent pour des raisons prétendument éducatives. Bref, d’affirmer, lors d’un débat public qui doit être mené sérieusement et être sanctionné par la loi qu’il ne faut plus confondre autorité et violence. On n’a pas besoin de le frapper pour être reconnu comme légitime par son enfant dans ce qu’on lui demande ou lui explique. Certains parents doutent de l’efficacité de la méthode ; d’autres sont nostalgiques de leur enfance. Apportons leur la démonstration que l’on peut pratiquer autrement, que cela se fait ailleurs et s’il faut accompagnons ceux en ont le besoin. Immédiatement certains proposeront de sanctionner la violation de l’interdit, y compris par des sanctions très faible sou symboliques. Je ne suis même pas sur que cela soit nécessaire. Il suffit que la loi pose la norme sociale. Les français généralement légalistes la respecteront. Il ne s’agit pas comme certaines le craignent de faire des magistrats les juges de la pédagogie familiale. Je rappellerai que certaines règles sociales majeures depuis des siècles ne sont sanctionnées par aucune peine. Ainsi quand il est affirmé par l'article 371 du code civil : « A tout âge l’enfant doit honneur et respect à ses parents « (5)
Ajoutons que les adultes ne sont pas légitimes à se prodiguer entre eux des violences légères, à la maison, au travail ou dans la rue. Les enfants seraient les seuls à «bénéficier« de ce traitement ? Pourquoi pas demain les vieillards qui refuseront de boire ou de se soigner ? Dans leur intérêt, une bonne claque ou une bonne fessée!
Une loi s’impose condamnant les châtiments corporels qui nous fasse rejoindre le peloton européen.
S’agissant de la circoncision il est temps d’ouvrir le débat public. Pas question de voter une loi demain matin. Trop seraient sincèrement et viscéralement heurtés de plein fouet dans leurs convictions. Il n’en reste pas qu’il est temps de dire que les enfants de France avant d’être catholiques, musulmans ou juifs sont français. Conformément à l’article 14 al 2 Convention internationale des droits de l’enfant, les parents doivent pouvoir leur donner l’éducation religieuse ou non qu’ils souhaitent, l’Education nationale devant être laïque, mais l’enfant s’est vu reconnaître par l’alinéa 1 de ce même article 14 de la CIDE « la liberté de pensée, de conscience et de religion », de croire ou de ne pas croire. Il fera ses choix à son heure et à son rythme. Là encore il faut lui reconnaître ici le droit d’exercer ses droits en fonction de sa construction.
La société française sera-t-elle faire preuve de maturité ? Sera-t-elle sortir des postures alibis pour refuser la cohérence avec ce qu’elle affirme par ailleurs avec ostentation, à savoir que l’enfant a des droits. Si l’on veut qu’il respecte ses obligations familiales et sociales ne piétinons pas ses droits.
Menons aussi le débat le rôle de nos structures publiques : la loi n’est pas nécessairement une atteinte aux libertés ; elle garantit les libertés des plus faibles. Il est intéressant, mais inquiétant que dans le temps où l’on conteste l’Europe pour sa capacité à répondre aux besoins économiques de ses habitants, on la présente aussi comme liberticide. On convoque la religion, la liberté individuelle, le capitalisme sauvage, bref tout ce qui, pour porteur, a aussi montré ses limites, pour être dans une posture conservatrice des pouvoirs établis.
Décidément, à y réfléchir, les plateaux offerts par D. Taddei avaient une forte cohérence et étaient infiniment politiques autour du rôle de la loi et des juges quand déjà dans le premier débat certains revendiquaient la reconnaissance d’une clause de conscience pour les maires qui refusent d’unir des couples du même sexe alors même qu’ils ne sont pas les représentants de l’Etat sur une fonction qu’ils ont demandé à exercer.
De même quand Sebastiao Salgado avec ses photos sur tous ces communautés non encore vraiment approchées par notre civilisation lançait un cri d’alerte sur la dégradation à la vitesse grand V de la planète, je me disais que là encore la bataille était engagée entre ceux qui pensent qu’une gouvernance mondiale pourrait tenter de sauver le bien commun et les droits de chacun et ceux qui au contraire veulent préserver à court terme leur pré carré en refusant toute politique publique commune.
Il est temps de rappeler que la gouvernance publique peut défendre les libertés et le bien commun.
(1) On sait que le 26 juin 2012 tribunal de Cologne n’avait pas hésité a condamné des parents musulmans pour violences et blessures volontaires sur l’enfant. Très vite le parlement allemand légiféra sur cette question afin d’éviter de nouvelles condamnation. Le 12 décembre 2012, le parlement a adopté une loi donnant un cadre légal à la circoncision rituelle outre-Rhin. Ce texte impose de «respecter les règles de la médecine», de «traiter efficacement la douleur» et d’informer les parents des risques associés à l’opération, et l’interdit si elle met la vie de l’enfant en danger.
(2) Plusieurs études auraient montré que la circoncision offrait une meilleure protection contre les MST, le sida notamment. Les résultats de recherches, menées par une équipe de l’Université de Washington en avril 2013, qui ont comparé le microbiome d’hommes circoncis et celui d’hommes qui n’étaient pas circoncis un an après les prélèvements, ont montré que la charge bactérienne chez tous les hommes circoncis a fortement diminué. Chez les hommes non circoncis, les bactéries accumulées activent des cellules dans le prépuce les empêchant de mener à bien leur rôle antiviral normal.
(3) Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
Résolution 1952 (2013) du 1er octobre 2013 (…)
7. L’Assemblée invite donc les Etats membres:
7.5. à prendre les mesures suivantes en fonction des catégories de violations de l’intégrité physique des enfants:
7.5.1. condamner publiquement les pratiques les plus préjudiciables, comme les mutilations génitales féminines, et adopter la législation les interdisant, afin de doter les pouvoirs publics des mécanismes de prévention et de lutte effective contre ces pratiques, y compris en appliquant «les mesures législatives ou autres nécessaires pour établir leur compétence» extraterritoriale si des ressortissantes du pays ont été soumises à des mutilations génitales féminines, tel que stipulé par l’article 44 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210);
7.5.2. définir clairement les conditions médicales, sanitaires et autres à respecter s’agissant des pratiques qui sont aujourd’hui largement répandues dans certaines communautés religieuses, telles que la circoncision médicalement non justifiée des jeunes garçons . (…)
(4) Voir mon blog 540
(5) On pourrait dans l’esprit que je développe le réécrire ainsi : « Ascendants et descendants se doivent réciproquement respect et solidarité »