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Le faux procès fait à la circulaire Taubira (513)

Droits des enfants - jprosen, 31/01/2013

On peut s'interroger sur l'opportunité de la circulaire de la ministre de la justice recommandant aux magistrats de faciliter l'accès à la nationalité française aux enfants nés à l'étranger du recours à une mère porteuse, mais la politique a un … Continuer la lecture

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On peut s'interroger sur l'opportunité de la circulaire de la ministre de la justice recommandant aux magistrats de faciliter l'accès à la nationalité française aux enfants nés à l'étranger du recours à une mère porteuse, mais la politique a un agenda que le simple commun des mortels ne possède pas nécessairement  Ce n'est pas pour autant qu'on doit y voir un premier pas pour la légalisation de cette pratique.

Je suis le premier à être extrêmement  choqué que des français qui ont ostensiblement violé la loi de la République en ayant recours à ce qu'on  appelle la gestation pour autrui (GPA), condamnée par nos lois, revenant ensuite en France,  revendiquent la reconnaissance de la filiation maternelle de l'enfant et la nationalité française sachant que pour ceux nés aux USA ils sont déjà américains.

Des couples de français ont tenté via les tribunaux de forcer la voie en s'efforçant d'obtenir des juges ce que les politiques leur avaient refusé.  Ils ont jusqu'ici échoué. En 2011 la  Cour de cassation saisie de plusieurs procédures a une nouvelle fois  admis la filiation de l'homme donneur du sperme nécessaire à la conception de l'enfant; en revanche elle a  été inflexible sur la filiation maternelle estimant que l'enfant ne pouvait pas en droit français avoir deux mères (Cass. civ. 1, 06/04/11. pourvoi 09-66486). (1) Concrètement la Cour de cassation a refuse la transcription sur l'état-civil français de la filiation établie à l'étranger, en l'espèce aux USA :

.                  "est justifié le refus de transcription d’un acte de naissance établi en exécution d’une décision étrangère, fondé sur la contrariété à l’ordre public international françaisde cette décision, lorsque celle-ci comporte des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français ; qu’en l’état du droit positif, il est contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-77 et 16-9 du code civil" ;
qu’une telle annulation,
qui ne prive pas les enfants de la filiation maternelle et paternelle que le droit californien leur reconnaît ni ne les empêche de vivre avec les époux X... en France, ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de ces enfants au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, non plus qu’à leur intérêt supérieur garanti par l’article 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l’enfant ; que le moyen n’est pas fondé"

On sait que le législateur aura à se prononcer sur la légalisation de cette pratique autour de la loi Famille  promise pour avril. Le président de la République, le premier ministre et la Garde des Sceaux se sont explicitement déclarés hostiles; beaucoup de parlementaires parmi ceux qui sont favorables au mariage homosexuel et à l'adoption y sont opposés. Pour autant des parlementaires relaient cette revendication.

Le débat devra être mené au grand jour. Il est inéluctable tellement il est évident que l'accès au droit à l'adoption pour les couples homosexuels n'est pas en mesure de répondre à leur attente d'enfants. Il n'y a pas d'enfants adoptables en France : 2300 pupilles de l'Etat pour en l'état 15 à 20 000 demandes. Et encore ces enfants ne répondent pas aux "désirs" exprimés par les "candidats à l'adoption" (bébés, plutôt européens, en bonne santé, ...). L'adoption transnationale n'est pas une voie plus aisée. Il faudra donc aller vers la conception d'enfants.

Si l'on reconnaît le droit d'accéder à l'enfant aux lesbiennes via l’insémination artificielle avec donneur, au nom de l'égalité, tout naturellement, on songera au recours à la gestation pour autrui pour les gays. Comment supporter une inégalité devant l'accès au droit à l'enfant?

L'insémination avec donneur et la GPA posent en commun la question de la filiation biologique : comment éviter de consacrer la paternité de l'homme qui a donné le sperme pour les candidates à la maternité ? qui est la mère ? faut-il gommer la maternité de la femme qui a porté l'enfant voire donné ses ovules. Sperme ou ovule ne sont-ils que de la matière ou des éléments de vie avec les gènes qu'ils contiennent ? La gestation pour autrui renvoie en outre la femme à l'image réductrice d'un utérus. Quelle régression ! La vie intra utérine serait-elle aujourd'hui tenue à ce point pour neutre quand psychiatres et autres spécialistes nous bassinaient il y a 20 ans sur les enjeux pour la construction de l'enfant de cette période ?

Et puis soyons lucides quelles sont les femmes qui vont accepter de porter un enfant pour autrui sinon celles qui ont un fort  besoin de l'argent comme ces femmes ukrainiennes que nous voyions hier sur France 2 qui avec les 15 000 euros perçus gagnent l'équivalent de 15 ans de salaire. Veut-on se souvenir en France de l'impact de la prime de 10 000 francs pour le troisième enfant instaurée par Valery Giscard d'Estaing ?

Tout simplement comment admettre qu'un enfant soit objet d'un contrat de conception. La matière humaine quelle qu'elle soit est hors le champ du contrat et doit le rester. L'enfant n'est pas un bien de consommation comme un autre qu'on pourrait commander sur catalogue, avec ou sans rémunération dans la mesure où on a vu des projet de portage entre membres d'une même famille . Par exemple, une femme qui propose à sa soeur stérile de lui porter un enfant conçu avec le sperme du beau-frère de l'une et du mari de l'autre). (2)

Il ne s'agit nullement de négliger la souffrance de ceux qui ne peuvent pas être parents à la hauteur de leur désir. Reste que la société en facilitant l'accès  à la paternité ou la maternité doit aussi  mettre des limites à travers des valeurs supérieures : la conception que l'on  se fait de la femme ou de l'humanité.

En tout cas, la circulaire Taubira ne change rien au statut d 'enfant à l'égard des deux personnes qui l'ont commandé et qui l'élèvent; elle vient simplement dire conformément à la convention internationale sur les droits de l'enfant que tout enfant a le droit à une nationalité. Elle ne veut pas sanctionner plus les enfants concernés des conditions de leur conception qui leur échappent. Ils sont nés à l'étranger d'un parent français qui à un lien juridique avec eux : ils peuvent être français. Aurait-on voulu, en plus, dans ce contexte délicat de leur conception qu'ils soient apatrides?

On le voit bien on ne pourra pas rester éternellement dans cette situation intermédiaire : soit on légalise, soit on punit pénalement réellement ceux qui violent la loi française.(3)

J'entends que le débat sur le mariage civil homosexuel est tendu. Je suis personnellement hostile à ce qu'on aborde par le petit bout la question de la filiation. J'aspire depuis 20 ans - à un débat de fond où l'on aborde le sujet sous l'angle certes du droit des adultes, mais aussi du droit des enfants à naître et en prenant en compte les enjeux sociaux d'ordre public qui dépassent les uns et les autres.

Légalisons aujourd'hui l'union civile par mariage - pourquoi pas ? - des couples homosexuels qui y aspirent, mais renonçons dans cet  texte à l'adoption car un enfant ne peut pas avoir deux filiations masculines ou féminines de plein exercice en même  temps;  je suis opposé aux PMA sans permettre à l'enfant ainsi conçu d'accéder à ses origines; je   suis très opposé à la GPA au regard de l'idée que je me fais de l'enfant et de la femme, mais pour autant  je ne fais pas dire à la circulaire Taubira ce qu'elle ne dit pas. Il s'agit d'instructions ministérielles pragmatiques ne touchant qu'à la nationalité.

PS Sur ce dossier délicat de la filiation voire mes blogs 507, 509 et 510 et ceux sur l'adoption

(1) A l'égard du refus d'adoption plénière par l'épouse de l'enfant issu de la GPA la Cour de cassation avance : "la maternité pour autrui, dont le caractère illicite se déduit des principes généraux du Code civil et, aujourd’hui, de son article 16-7, réalise un détournement de l’institution de l’adoption que les juges du fond ont donc, à bon droit, refusé de prononcer sans violer aucun des textes invoqués"  (Cass. civ. 1, 09/12/03, N° de pourvoi: 01-03927 ). Dans cette affaire, la cour d'appel et la cour de cassation n'ont pas remis en cause la paternité de l'enfant.

(2) Au passage, dans cette histoire (vraie),  l'enfant issu de ce dispositif devra-t-il appeler cette femme  Tata ou Maman?

(3) Art. 227-12 CP : "Est puni des peines prévues au deuxième alinéa [d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende] le fait de s'entremettre entre une personne ou un couple désireux d'accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre. Lorsque ces faits ont été commis à titre habituel ou dans un but lucratif, les peines sont portées au double."

Attention : les infractions susceptibles d’être commises en cas de recours à la gestation pour autrui étant de nature délictuelles, elles s’appliquent naturellement en France, mais ne peuvent permettre d’engager des poursuites à l’encontre de ressortissants français lorsque l’infraction a été commise à l’étranger que si les faits sont également punis dans la législation de ce pays.

 


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