Sarko : Taubira ne savait rien ? Oh, bichette…
Actualités du droit - Gilles Devers, 10/03/2014
Taubira explique qu’elle n’était pas informée de la mise sous écoute de Sarkozy, de Hortefeux, de Guéant et de Herzog, et Valls joue aussi au grand ignorant. Allons, allons, les z'enfants... L'ancien président de la République et futur ex-candidat sur écoute pendant un an, et seul le juge serait au courant ?
Du travail clandestin à la PJ ?
On peut déjà en rire par déduction. L’audition de ces quatre personnes, qui passent leur temps au téléphone, et sur une période de près d’un an, soyons sérieux, ça représente le travail d’une bonne PME. Il faut un temps fou pour tout écouter, voir avec les collègues ce qu’il faut retenir, et faire les retranscriptions. Tout ceci par des OPJ, qui ont nécessairement un patron, lequel dirige et contrôle leur travail et en réfère nécessairement au directeur général de la police nationale. Qui n’en dit rien à son seul et unique supérieur ? Très drôle.
Mais il y a aussi une autre voie, plus subtile mais plus efficace, car elle gérée par les parquets, à destination du ministère de la Justice, à savoir la très importante direction des affaires criminelles et des grâces (DACG). Les procureurs de la République, par la voie hiérarchique, informe le ministère sur l’avancement des affaires en cours, sensibles ou importantes.
Une belle et bonne circulaire du 31 janvier 2014
Alors Taubira pas au courant ? Il y a un mois, elle a pourtant signé un magnifique circulaire ce 31 janvier pour améliorer le service, circulaire qui comporte de longs développements sur « la transmission hiérarchique de l’information. Alors, Camarade Taubira, la mémoire qui flanche ?
Comment ça marche ? Ça marche d’abord avec le statut du parquet, qui est placé sous la hiérarchie du garde des sceaux (art. 5 du statut de la magistrature). Le but, c’est évidemment d’avoir de bonnes infos et une cohérence d’action. Comment un ministère pourrait-il agir sans savoir ce qui se passe sur le terrain ? C’est bien logique.
Le problème, est que tout ceci ne se fait pas tout seul, et on entre en zone glissante avec la question du « signalement de certaines affaires ». Pour la cuisine – quelles infos, pourquoi, et comment ? – il faut aller voir dans une annexe de la circulaire. Là, commencent les choses sérieuses.
Voici les extraits les plus pertinents, avec quelques petits commentaires en italique.
Les critères de signalement des affaires individuelles
(Sarko, pourquoi tu tousses ?)
« Les procédures devant être signalées répondent aux critères suivants qui peuvent être cumulatifs :
- la gravité intrinsèque des faits ;
- le trouble manifestement grave à l’ordre public ;
- la personnalité de l’auteur ou de la victime (faits impliquant les représentants des corps constitués de l’Etat, notamment ceux relevant du ministère de la justice, les élus, les personnes chargées d’une mission de service public dans l’exercice de leurs fonctions, ou les personnalités de la société civile) ;
- le nombre élevé de victimes (accidents collectifs) ;
- les infractions concernant des faits ciblés comme relevant d’une priorité de politique pénale, ou nécessitant une action coordonnée des pouvoirs publics ;
- les infractions représentant de nouvelles formes de criminalité ou relevant d’une criminalité organisée ;
- toute difficulté juridique ou institutionnelle posant une question dépassant le cadre d’un seul ressort ;
- la dimension internationale de l’affaire ;
- la médiatisation possible ou effective de la procédure.
(Là, c’est sûr que l’affaire Sarko est signalée, mais surtout, lisez bien le paragraphe qui suit, qui donne le moyen de technique de connaissance de la réalité de dossiers par le ministère. Par exemple : comment peut être mis en cause l’avocat, si Sarko n’est pas sur écoute)
Le travail des parquets généraux
« Les parquets généraux doivent informer la Chancellerie régulièrement, de manière complète et en temps utile, des procédures les plus significatives et exercer pleinement leur rôle d’analyse et de synthèse.
« Ils doivent préciser s’ils partagent l’analyse et les orientations du procureur de la République et prendre position sur la conduite des dossiers en indiquant, le cas échéant, les instructions, générales ou individuelles, qu’ils ont été amenés à adresser sur le fondement des articles 35 et 36 du code de procédure pénale ».
(Le texte écarte la transmission des pièces par principe, ce qui laisse toutes les exceptions au principe).
« Le principe, dans le cadre de ces échanges, est celui de la non-transmission de pièces de procédures, exceptions faites des réquisitoires définitifs ou des ordonnances de renvoi, des jugements ainsi que des arrêts ».
Les demandes d'analyse du ministère
(Ce petit paragraphe est très technique, ce qui est entre les lignes comptent autant que ce qui est sur les lignes)
« En cas de demande d’analyse adressée à la DACG, le parquet général aura soin de porter à la connaissance de celle-ci l’ensemble des éléments factuels nécessaires. La DACG sollicitera le cas échéant toute précision utile.
« En tout état de cause, les parquets généraux doivent répondre avec diligence, conformément aux dispositions de l’article 35, aux demandes d’information ponctuelles du garde des sceaux ».
Voilà. Ce qui n’empêche pas notre amie Christiane de déclarer hier sur France Info : «Moi, je ne dispose pas des éléments de la procédure, je ne dispose pas du contenu de la procédure».
Gouverner, c’est compliqué, oki, mais mentir, mentir et mentir, ne savent-ils pas le mal que ça cause ?