Un livre, quatre jours de prison en moins. Combien pour un livre de poésie ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 2/07/2012
Il paraît qu’il faut mettre des gens en prison, mais moi je pense surtout qu’il faut les en faire sortir. Dans un pays civilisé, tout détenu à vocation à être libéré, alors le plus tôt est le mieux.
Eh eh, c’est bon, ne me tapez pas la tête. Je sais que les jugements sont faits pour être exécutés, et que si la Justice est inséparable de la balance, on lui colle aussi une épée, non pas pour ouvrir le courrier, mais pour trancher. Donc les magistrats appliquent la loi, et comme la loi a prévu la prison, ils ne doivent pas se défiler.
Ouaip,... mais je relativise. A mon humble avis, ce qui compte surtout c’est que les faits soient jugés, et avec la maestria qui va avec la grande justice, pour que toute la société bénéfice de la lumière des juges. La justice s’adresse un peu au condamné, mais surtout à ceux qui seraient tentés de croire que c’est mieux sans la loi.
Ceci dit, personne n’est dupe. Regardez les peintres : ils nous offrent une magnifique série d’allégories de la justice, mais pas une seule de la prison. Il faut respecter les artistes, car nous savons grâce à Dostoïevski que c'est la beauté qui sauvera le monde. Aussi, soyons clair : s’il n’y a pas d’allégorie de la prison, c’est que l’enfermement ne conduit à rien. Seule compte le jour de la sortie, qu’il faut préparer comme les grandes retrouvailles avec la société.
La peine est déterminée par loi, et le juge soit viser entre les clous. Mais la marge légale est énorme, et au regard de l’intérêt que présente la prison, je préfère en rester à soliloquer in peto... Je ne m’aventure pas sur ce terrain, car je serai un si mauvais juge que je ne peux infliger çà à personne.
Quand même,... Prenons par exemple l’ex-préfète de Lozère, condamnée pour avoir embarqué chez elle du mobilier public d’une valeur de 14 000 €, biens depuis restitués, et qui était jugée la semaine dernière par la cour d’appel de Nîmes : à 58 ans, elle est radiée des cadres, avec une carrière cassée, la notoriété en brasse coulée. Et la Cour lui colle, outre 40 000 € d’amende, trois ans de prison dont deux avec sursis. Donc un an ferme. Tout ceci est parfaitement légal, car autorisé par le Code pénal, mais j’invite chacun à se poser la question : qu’est-ce que la société gagne avec ce « un an ferme ». Là dessus, je me la ferme, mais je laisse la question ouverte.
Notre devoir est de défendre en toute situation la liberté de la personne, car être humain c’est être libre, et il faut donner un coup de main à celui qui est dans la panade. C’est le marqueur juridique rappelant que nous avons un cerveau entre les oreilles. Le seul problème de quiconque côtoie un détenu, c’est de le sortir le plus tôt possible, ce qui veut dire de préparer la sortie.
Notre excellente, adorée et géniale sinistre de la justice, qui visiblement a choisi de garder toutes les lois pourries de Sarko, vient de revendiquer 6 000 places de plus en prison. A 7 000, tu es une crapule de Droite, préparant une piste d’atterrissage pour Le Pen ; à 6 000, tu es généreux et soucieux des équilibres sociaux. Elle est pas belle la vie de sinistre de la Gauche molle ?
La seule chose qui compte, c’est de faire que les détenus restent le moins longtemps possible en prison, tellement c’est perdu pour tout le monde. Si vous n’êtes pas convaincu, inscrivez-vous comme visiteur de prison. Et je vous interiouve à la sortie.
En fait, tout çà, c’est pour vous parler de l’excellent Brésil, connu dans le monde entier comme étant le pays de coeur d’Adriana.
On compte là-bas, 470 000 prisonniers, ce qui est too much, et les prisons, c’est le big bazar. Mais l’excellent gouvernement de Dilma Rousseff, parmi tant d’initiatives, vient de proposer pour les prisons fédérales une idée qui devrait se généraliser.
Chaque détenu obtient le droit de présenter une fois par mois une fiche de lecture d’un livre, et un jury décide ensuite, si le travail est sérieux, d’accorder quatre jours de remise de peine. Au rythme de douze 12 livres par an, le système peut accorder 48 jours de liberté. C’est le programme Rembolso a través de la lectura, la rédemption par la lecture.
Un livre lu, librement choisi, une fiche de lecture, et quatre jours de liberté, c’est une mesure vertueuse. On connait le système des remises de peines pour suivi d’études, mais là, pour la simple lecture, je trouve çà classe.
Pour mes amies et mes amis détenus, voici une première trousse d’urgence : L'Astragale, d’Albertine Sarrazin; Cinquante lettres du Marquis de Sade à sa femme ; Le Dernier jour d’un condamné de Victor Hugo ; Le Comte de Monte-Cristo, d’Alexandre Dumas ; Journal et lettres de prison (1941-1942), de Boris Vildé ; Lettres de prison (1926-1934), d'Antonio Gramsci ; Un long chemin vers la liberté, de Nelson Mandela ; Lettres de prison, d’Otto Muehl ; Blood in my eyes, de George Jackson,
Mais il reste deux injustices dans cette loi.
D’abord, les blogs ne sont pas pris en compte, ce qui est un scandale absolu.
Ensuite, il n’est pas prévu de tarif spécial pour les livres de poésie. Or, il est bien évident que la situation du détenu qui a rédigé de bonnes fiches de lectures sur Capitale de la Douleur d’Eluard, Que la blessure se ferme de Tahar Ben Jelloun, Une saison en enfer de Arthur Rimbault, Les poèmes (1836-1846) d’Emily Brontë, Poèmes pour un texte d’Andrée Chedid, J'avoue que j'ai vécu de Pablo Neruda ou Au dernier soir sur cette terre de Mahmoud Darwich, mérite d’être examinée sous l’angle de la libération immédiate, sous réserve du versement d’une caution littéraire, cela va de soi.