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Comment les forces de l’ordre utilisent-elles les grenades offensives ?

Actualités du droit - Gilles Devers, 29/10/2014

L’autopsie concluait à une mort immédiate, suite à une explosion. Les...

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L’autopsie concluait à une mort immédiate, suite à une explosion. Les premières conclusions de la police scientifique ont permis d’identifier des traces de TNT, principale composante des grenades offensives utilisées par les gendarmes. Il reste encore beaucoup à comprendre sur les causes mêmes de la mort, car il est peu compréhensible qu’une grenade offensive ait pu causer d’elle-même la large blessure découverte dans le dos de Remi Fresse.

Le procureur, qui était lundi plus que prudent, a été hier mardi très net : « Ces résultats même partiels orientent l’enquête de façon significative puisque la mise en œuvre d’un explosif militaire de type grenade offensive semble acquise ».

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On arrive donc aux « grenades offensives ».

Lundi, on ne parlait que des grenades de désencerclement ou assourdissantes, composées de petites billes en plastique, qui explosent au moment de la fragmentation. Elles peuvent blesser, et l’ont déjà fait, mais – attendons que les spécialités des armes s’expriment – elles ne peuvent pas être la cause grande blessure au dos. Elles sont aujourd’hui écartées par le procureur.

L’enquête s’oriente donc vers les « grenades offensives », d’abord car elles contiennent essentiellement du TNT. Ensuite, ces grenades dites offensives ne cherchent pas la violence de l’explosion, comme les grenades défensives, qui sont couvertes d’un matériel dur, qui vont péter en faisant des dégâts. La grenade offensive est couverte d’une enveloppe moins rigide, car c’est l’effet de souffle qui est recherché. Si l’explosion a lieu à distance, ça va. Mais si l’explosion a lieu à proximité du corps humain, cela peut blesser, et sévèrement. L’hypothèse redoutée, c’est la personne qui saisit la grenade rouant vers ses pieds, pour s’en saisir et la relancer. Si l’explosion a lieu à ce moment-là, le souffle peut arracher la main ou un membre.

Est-ce que cet effet de souffle d’une grenade offensive explosant à proximité a pu causer la blessure au dos ? Le décès est-il dû à l’explosion de la grenade ou, secondairement, à une autre explosion causée par l’effet de souffle ? Les enquêteurs font fuiter l’idée d’un produit, genre aérosol, qui aurait pu être porté dans un sac à dos. Trois jours plus tard, il parait illusoire de retrouver ce sac. Il faut donc attendre d’autres examens médicaux de cette plaie, d’autres recherches de traces de produits…

Cela dit, Bernard Cazeneuve a accrédité l’implication d’une grenade explosive, en annonçant la suspension de l’utilisation des grenades offensives par les forces de l’ordre. Il reste donc les grenades lacrymogènes et celles de « désencerclement ».

Quel cadre juridique ? 

Selon les textes, il ne fait pas de doute que le recours à ces armes est licite lorsque les forces de l’ordre doivent disperser un attroupement qui trouble l’ordre public (Code pénal art. 431-3, et Code de la défense, art. L. 211-9). Les autorisations sont listées par le décret n° 2011-794 du 30 juin 2011 relatif à l’emploi de la force pour le maintien de l’ordre public. Ce texte établit la liste des catégories d’armements susceptibles d’être utilisées pour le maintien de l’ordre public : lanceurs de grenades de 56 mm et leurs munitions, les lanceurs de grenade de 40 mm et leurs munitions, les lanceurs de grenades et de balles de défense de 40 × 46 mm et leurs munitions, les lanceurs de balles de défense de 44 mm et leurs munitions, ainsi que le fusil à répétition de précision de calibre 7,62 × 51 mm et ses munitions, ce dernier étant censé être utilisé seulement à titre de riposte en cas d’ouverture du feu sur les représentants de la force publique.

Oki pour la liste, mais quid des conditions d’utilisation ?

Le ministre n’a pas pu suspendre le décret, qui est de la compétence du Premier ministre. Ce sont les modalités qui sont concernées. Mais quelles sont-elles ?

Le cadre général de ce recours aux armes est défini par l’art.  R. 431-3 : « L’emploi de la force par les représentants de la force publique n’est possible que si les circonstances le rendent absolument nécessaire au maintien de l’ordre public. La force déployée doit être proportionnée au trouble à faire cesser et doit prendre fin lorsque celui-ci a cessé. » Et le recours aux armes ne peut avoir lieu que sur ordre exprès des autorités de commandement.

Quelles modalités? 

On imagine bien que les modalités d’usage de ces armes sont précisément définies… mais je dois confesser que je n’ai pas retrouvé le texte idoine s’agissant des grenades offensives. Merci à qui nous mettra sur la piste.

En revanche, j’ai retrouvé un texte très récent, l’instruction du 2 septembre 2014 relative « à l’emploi du pistolet à impulsions électriques (PIE), des lanceurs de balles de défense (LBD) de calibre 40 et 44 mm et de la grenade à main de désencerclement (GMD) en dotation dans les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale ». Ca nous intéresse, et c’est pile notre sujet,… sauf que les grenades offensives ne sont pas mentionnées dans ce descriptif des « armes de force intermédiaire (AFI) ».

Comme le mentionne l’introduction de ce texte :

« La présente instruction définit les règles, les modalités et les recommandations d’emploi relatives au pistolet à impulsions électriques (PIE), aux lanceurs de balles de défense (LBD) et à la grenade à  main de désencerclement (GMD).

« Son objectif est d’apporter aux policiers et aux militaires de la gendarmerie habilités et formés à l’emploi de ces armes, ainsi qu’à leur hiérarchie, une information claire et détaillée permettant une utilisation efficace en intervention dans des conditions optimales de sécurité.

« Les annexes jointes détaillent le cadre légal et la doctrine d’emploi pour chacune de ces AFI »

Faut-il en déduire que les grenades offensives ne sont pas « armes de force intermédiaire ». Donc de vraies armes, à utiliser contre des civils ?


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