Actions sur le document

Réforme du droit des obligations : la revalorisation du consentement au cœur de la réforme (fiche n°4)

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Gratiane Kressmann, 26/06/2015

I. NOTION ET CONTEXTE
1. Le consentement est défini par le Cornu comme l’ « accord de deux ou plusieurs volontés en vue de créer des effets de droits ; rencontre de ces volontés qui est la condition de la formation du contrat » (Vocabulaire juridique, Gérard Cornu, éd. Puf).

Placé en tête des quatre conditions essentielles à la validité d’un contrat, il est hautement protégé tant par le législateur que par les juridictions. Le projet de réforme a souhaité en apparence le redéfinir pour mieux l’appréhender.

II. TRAITEMENT ACTUEL
2. Le code civil de 1804 ne donne aucune définition du consentement. Pour autant il précise, en son article 1109, les cas dans lesquels il n’y a pas de consentement valable :
« Il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol. »
Les vices du consentement sont au nombre de trois : l’erreur, la violence et le dol.

3. La pratique a révélé ces dernières décennies que ces notions étaient incomplètes, et méritaient d'être précisées.
Par conséquent, les juges ont eu la charge d'affiner leur régime.

III. SOLUTIONS PROPOSEES PAR LA REFORME
4. Le projet de réforme a totalement réorganisé la sous-section dédiée au consentement et l’a partiellement complétée conformément à la jurisprudence constante. Cette section se décompose désormais en trois paragraphes :

§1 – L’existence du consentement
§2 – Le devoir d’information
§3 – les vices du consentement

Tout d’abord, il est rappelé que le consentement n’existe que si les cocontractants sont sains d’esprit.

Le projet de réforme a ensuite accolé au consentement le controversé devoir d’information (une fiche y sera consacrée).
Il poursuit ensuite sur les vices du consentement pour lesquels il insiste sur « leur caractère déterminant » en précisant que ce critère « s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances de l’espèce » (article 1130 du projet).

5. En ce qui concerne l’erreur, la notion a été redéfinie. Elle porte désormais « sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant et si elle est excusable », insérant la condition acquise selon laquelle elle doit être « excusable » (article 1131 du projet).

Le projet ajoute que l’erreur sur un simple motif n’est une cause de nullité que dans les cas où les parties en auraient fait expressément un « élément déterminant de leur consentement » (article 1134 du projet) et que la simple erreur sur la valeur « n’est pas en soi une cause de nullité » (article 1135 du projet).

6. En ce qui concerne le dol, le projet élargit le dol : « le dol est également constitué s’il émane du représentant, gérant d’affaires, préposé ou porte-fort du cocontractant. Il l’est encore lorsqu’il émane d’un tiers, si le cocontractant en a eu connaissance et en a tiré avantage » (article 1137 du projet).

7. En ce qui concerne la violence, le projet intègre un nouveau cas de violence, la violence économique : « il y a également violence lorsqu’une partie abuse de l’état de nécessité ou de dépendance dans lequel se trouve l’autre partie pour obtenir un engagement que celle-ci n’aurait pas souscrit si elle ne s’était pas trouvée dans une situation de faiblesse » (article 1142 du projet) (une fiche y sera consacrée).

8. Enfin, le projet spécifie le régime de la prescription en matière de nullité pour vice du consentement : « Le délai de l’action en nullité ne court dans les cas de violence que du jour où elle a cessé. Dans le cas d’erreur ou de dol, ce délai ne court que du jour où ils ont été découverts. Néanmoins, l’action en nullité ne peut être exercée au-delà de vingt ans à compter du jour de la conclusion du contrat. » (article 1143 du projet).

IV. CRITIQUES ET CONSEILS
9. Le projet de réforme a placé le devoir d’information au cœur du consentement. Certes le consentement est revalorisé par cet ajout mais ce devoir d’information a déjà été codifié dans d’autres domaines et notamment en droit de la consommation et en droit des affaires. Il pourrait être considéré comme innovant en droit du travail puisque, par le biais de l’article L1221-1 du code du travail (« Le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun (…)»), il codifie d’une certaine manière, la directive 91/533/CEE du Conseil, du 14 octobre 1991, relative à l'obligation de l'employeur d'informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail. Par cet ajout, la France se conformerait enfin aux exigences communautaires.

10. En matière de vices du consentement, il ressort qu’aucune innovation majeure n’est perceptible. En apparence, le projet revalorise l’importance de chacun des vices (contrairement au code de 1804 qui consacre un seul article à l’erreur et au dol, et 5 articles à la violence, le projet traite de l’erreur en 5 articles, du dol en 3 articles et de la violence en 4 articles) mais en réalité il se limite à la codification de la seule jurisprudence constante, en insistant particulièrement sur le caractère « déterminant » du vice.

Concernant l’erreur, on y retrouve par exemple la jurisprudence du «Verrou de Fragonard » (Civ 1, 24 mars 1987, 85 -15736) : « l’acceptation d’un aléa sur une qualité de la prestation due exclut l’erreur relative à cette qualité » ou encore la jurisprudence abondante relative à l’erreur sur la valeur (Versailles, 7 janvier 1987, n°298-85 « Poussin »).

Pour ce qui est de la violence, le projet a retranscrit la règle posée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 3 avril 2002 sur la violence économique et le déséquilibre contractuel (n°00-12932, bull. civ. I, n°108).
Cet ajout controversé fera l’objet d’une prochaine fiche.


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...