Pouvoir de sanctions : l’ARCEP rappelle à l’ordre les opérateurs de communications électroniques
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Virginie Delannoy, 14/02/2012
Le fait est suffisamment rare pour que l’on s’y attarde un instant : usant du pouvoir de sanction qu’elle tient de l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), par sa décision n° 2011-1469 du 20 décembre 2011, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a infligé à Numéricable une sanction de 5 millions € du fait du retard de plus de 10 mois, imputable à Numéricable, pour l’exécution d’une décision de règlement d’un différend l’opposant à France Télécom (FT) et rendue par l’ARCEP le 4 novembre 2010.
La décision de règlement de différend (L. 36-8 du CPCE) est exécutoire immédiatement, nonobstant la formation d’un recours de pleine juridiction contre cette décision, devant la cour d’appel de Paris. Ce recours peut, néanmoins, être assorti d’une demande de sursis à exécution de la décision. L’applicabilité immédiate de ses décisions s’explique par la mission régulatrice de l’ARCEP qui doit intervenir dans des situations d’urgence pour préserver ou rétablir l’équilibre concurrentiel du marché. L’effectivité de son pouvoir d’intervention nécessite une mise en œuvre immédiate de ses décisions.
En l’espèce, au titre de plusieurs contrats dits « de cession », Numéricable a racheté à FT le réseau câblé déployé au titre du plan-câble des années 80. Ce réseau se déploie dans les infrastructures de génie civil qui appartiennent toujours à FT. Cependant, Numéricable dispose d’un droit de passage de longue durée dans ces infrastructures afin d’assurer la maintenance de son réseau câblé et surtout de le moderniser en remplaçant le câble obsolète par de la fibre optique.
L’enjeu actuel est le déploiement de boucles locales en fibre optique dont les caractéristiques techniques permettent d’atteindre des débits de transmission très élevés et constants.
Pour déployer leur boucle locale en fibre optique, les opérateurs doivent accéder aux infrastructures de génie civil de FT car il serait économiquement déraisonnable de dupliquer cette infrastructure. Pour cette raison, l’ARCEP a imposé à FT d’ouvrir son génie civil à ces opérateurs. Pour coordonner leur intervention au sein de cette infrastructure, FT leur demande d’appliquer des règles d’ingénierie et des modalités d’intervention identiques figurant dans son offre d’accès à son génie civil (dite « offre GC Fttx »).
Seule Numéricable n’appliquait pas ces modalités d’intervention mais d’autres modalités fixées par les contrats de cession, à une époque où elle était seule à intervenir dans le génie civil de FT. Dans un souci de cohérence et de non discrimination, FT a souhaité harmoniser les conditions d’intervention de tous les opérateurs, y compris Numéricable. Cette dernière s’y est pourtant refusé ce qui a conduit FT à saisir l’ARCEP en règlement de différend. L’ARCEP a en partie fait droit à cette demande en imposant à Numéricable d’accepter, dans un délai de deux mois, une modification des contrats de cession pour mettre leurs clauses en conformité avec certaines des modalités d’intervention figurant dans l’offre GC Fttx.
Numéricable a contesté cette décision devant la cour d’appel de Paris et a assorti son recours d’une demande de sursis à exécution. Ces deux procédures ont abouti à deux rejets successifs prononcés par la cour (voir pièces jointes ci-dessous). Numéricable s’est alors pourvue en cassation mais ce recours n’est pas non plus suspensif.
Dès le rejet de sa demande de sursis, Numéricable devait négocier de bonne foi avec FT pour modifier les contrats de cession et mettre en conformité les clauses relatives aux modalités opérationnelles d’intervention dans le génie civil de FT. Elle ne l’a pas fait, excipant de prétextes variés pour refuser en bloc les avenants proposés par FT. Finalement, sous la menace de la procédure de sanctions ouverte par l’ARCEP, Numéricable a fini par négocier puis conclure les avenants litigieux.
Cela n’aura pas suffi. L’Autorité punit le retard d’exécution de sa décision de plus de 10 mois imputable uniquement à Numéricable, l’article L. 36-11 du CPCE lui donnant compétence pour sanctionner le fait, pour un opérateur, de ne pas se conformer « dans les délais fixés » à une décision de règlement de différend.
En l’espèce, au titre de plusieurs contrats dits « de cession », Numéricable a racheté à FT le réseau câblé déployé au titre du plan-câble des années 80. Ce réseau se déploie dans les infrastructures de génie civil qui appartiennent toujours à FT. Cependant, Numéricable dispose d’un droit de passage de longue durée dans ces infrastructures afin d’assurer la maintenance de son réseau câblé et surtout de le moderniser en remplaçant le câble obsolète par de la fibre optique.
L’enjeu actuel est le déploiement de boucles locales en fibre optique dont les caractéristiques techniques permettent d’atteindre des débits de transmission très élevés et constants.
Pour déployer leur boucle locale en fibre optique, les opérateurs doivent accéder aux infrastructures de génie civil de FT car il serait économiquement déraisonnable de dupliquer cette infrastructure. Pour cette raison, l’ARCEP a imposé à FT d’ouvrir son génie civil à ces opérateurs. Pour coordonner leur intervention au sein de cette infrastructure, FT leur demande d’appliquer des règles d’ingénierie et des modalités d’intervention identiques figurant dans son offre d’accès à son génie civil (dite « offre GC Fttx »).
Seule Numéricable n’appliquait pas ces modalités d’intervention mais d’autres modalités fixées par les contrats de cession, à une époque où elle était seule à intervenir dans le génie civil de FT. Dans un souci de cohérence et de non discrimination, FT a souhaité harmoniser les conditions d’intervention de tous les opérateurs, y compris Numéricable. Cette dernière s’y est pourtant refusé ce qui a conduit FT à saisir l’ARCEP en règlement de différend. L’ARCEP a en partie fait droit à cette demande en imposant à Numéricable d’accepter, dans un délai de deux mois, une modification des contrats de cession pour mettre leurs clauses en conformité avec certaines des modalités d’intervention figurant dans l’offre GC Fttx.
Numéricable a contesté cette décision devant la cour d’appel de Paris et a assorti son recours d’une demande de sursis à exécution. Ces deux procédures ont abouti à deux rejets successifs prononcés par la cour (voir pièces jointes ci-dessous). Numéricable s’est alors pourvue en cassation mais ce recours n’est pas non plus suspensif.
Dès le rejet de sa demande de sursis, Numéricable devait négocier de bonne foi avec FT pour modifier les contrats de cession et mettre en conformité les clauses relatives aux modalités opérationnelles d’intervention dans le génie civil de FT. Elle ne l’a pas fait, excipant de prétextes variés pour refuser en bloc les avenants proposés par FT. Finalement, sous la menace de la procédure de sanctions ouverte par l’ARCEP, Numéricable a fini par négocier puis conclure les avenants litigieux.
Cela n’aura pas suffi. L’Autorité punit le retard d’exécution de sa décision de plus de 10 mois imputable uniquement à Numéricable, l’article L. 36-11 du CPCE lui donnant compétence pour sanctionner le fait, pour un opérateur, de ne pas se conformer « dans les délais fixés » à une décision de règlement de différend.
Il s’agit, à notre connaissance, du second cas d’une liaison directe entre le pouvoir de règlement de différend de l’ARCEP et son pouvoir de sanction, un précédent de 2002 portant sur la sanction d’un même montant (5 millions €) infligée à l’opérateur historique pour non respect d’une décision de règlement d’un différend qui l’opposait à un opérateur entrant. Aujourd’hui, les rôles sont inversés puisque la sanction est supportée par l’opérateur alternatif dont le comportement dilatoire à l’égard de FT pesait sur l’égalité de la concurrence entre les différents opérateurs souhaitant avoir accès au génie civil de FT pour y déployer leur réseau filaire.
Le pont maintenant établi entre le règlement de différend et le pouvoir de sanction envoie un signal fort aux opérateurs, quels qu’ils soient, puisqu’il leur rappelle que les décisions de l’ARCEP s’imposent, de la même manière que les décisions juridictionnelles. L’avantage incontestable dont dispose l’ARCEP est de pouvoir s’auto-saisir, pour sanctionner directement, dans des délais relativement brefs (trois mois en l’espèce entre l’ouverture de la procédure et le prononcé de la sanction) le non respect de ses décisions, le retard d’exécution pouvant, à lui-seul, justifier la sanction. L’ARCEP montre, ainsi, que la régulation ne relève pas du bon vouloir des opérateurs qui décideraient quand et comment ses décisions doivent être appliquées. De la sorte, l’ARCEP se place dans la lignée de l’Autorité de la concurrence, dont elle relève, à plusieurs reprises, la pratique, bien établie, de sanctions des opérateurs ne se conformant pas à ses injonctions.
Le pont maintenant établi entre le règlement de différend et le pouvoir de sanction envoie un signal fort aux opérateurs, quels qu’ils soient, puisqu’il leur rappelle que les décisions de l’ARCEP s’imposent, de la même manière que les décisions juridictionnelles. L’avantage incontestable dont dispose l’ARCEP est de pouvoir s’auto-saisir, pour sanctionner directement, dans des délais relativement brefs (trois mois en l’espèce entre l’ouverture de la procédure et le prononcé de la sanction) le non respect de ses décisions, le retard d’exécution pouvant, à lui-seul, justifier la sanction. L’ARCEP montre, ainsi, que la régulation ne relève pas du bon vouloir des opérateurs qui décideraient quand et comment ses décisions doivent être appliquées. De la sorte, l’ARCEP se place dans la lignée de l’Autorité de la concurrence, dont elle relève, à plusieurs reprises, la pratique, bien établie, de sanctions des opérateurs ne se conformant pas à ses injonctions.