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DSK : A Lille, on pêche le maquereau

Actualités du droit - Gilles Devers, 26/03/2012

Proxénétisme…   ce n’est pas l’infraction que je croise tous les...

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prostituee_service_public.jpgProxénétisme…  ce n’est pas l’infraction que je croise tous les jours, alors je suis parti aux renseignements. Comment la loi asticote-t-elle les maquereaux ?

J’ai commencé par mon vénérable « Droit pénal spécial » de Merle et Vitu, précieusement gardé de mes douces années universitaires, voici plus d’un quart de siècle. A l’époque, le Législateur ne souffrait pas d’incontinence et la lecture du droit pénal reposait sur des principes structurants, très proches de l’humanisme. S’agissant des julots, mes amis Merle et Vitu n’étaient pas trop élogieux : « Plus que la prostituée, le proxénète est un individu dangereux, paresseux, débauché, participant à toutes les formes de la délinquance : trafic de stupéfiants, de publications obscènes ou d'armes, escroqueries, vols, faux-monnayage, meurtres, etc. »

Je me suis dit qu’ils étaient peut-être un peu grognons quand ils ont écrit cette page, et je suis allé cherché le texte international de référence, la Convention ONU pour la répression de la traite des être humains et de l’exploitation de la prostitution du 2 décembre 1949. Mais là non plus, l’air n’est pas bon pour les harengs : « Considérant que la prostitution et le mal qui l'accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine et mettent en danger le bien-être de l'individu, de la famille et de la communauté ».Le_Plaisir.jpg

Pas fameux... Voyons du côté de la loi.

Le Code pénal fixe le tarif de base à 7 ans, avec l’article 225-5.  Pour constituer l'infraction de proxénétisme, il nous faut une petite valse avec la prostitution,  la facilitation ou le profit de cette prostitution, et l’intention de participer à cette valse des marloux.  

« Le proxénétisme est le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit :

« 1° D'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui ;

« 2° De tirer profit de la prostitution d'autrui, d'en partager les produits ou de recevoir des subsides d'une personne se livrant habituellement à la prostitution ;

« 3° D'embaucher, d'entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d'exercer sur elle une pression pour qu'elle se prostitue ou continue à le faire.

Mais le Législateur s'est aussi préoccupé des petits malins qui passent leur temps à se cacher.

L’article 225-6 sanctionne au titre du proxénétisme celui qui « de quelque manière que ce soit fait office d'intermédiaire entre deux personnes dont l'une se livre à la prostitution et rémunère la prostitution d'autrui ».

Dedee_dAnvers.jpgLe client d’une prostituée majeure et consentante n’est pas poursuivi pénalement. Ribery l’a été car la dame était mineure. Donc, conseil d’ami : demandez la CNI de la dame, et vous serez tranquille. Mais si vous êtes content du service, et que vous recommandez la dame à un ami, client comme vous, vous devenez proxénète. Pas besoin de demander une commission : le simple de fait de jouer l’intermédiaire vous fait passer du statut de client à celui de barbillon.

Si ce petit cinéma libidineux est organisé dans le cadre d’un réseau, vous tombez sous le coup de l’article 225-8 qui fait encourir une peine de vingt ans de réclusion criminelle pour proxénétisme en « bande organisée ». L’expression n’est pas de moi, mais du Code pénal, que l'on sait volontiers facétieux.

L’argument en défense pourrait être la relance de l’économie par le développement des échanges, la liberté d’entreprendre étant un droit constitutionnel défini par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789. Et je trouve au soutien du souteneur la décision du Conseil constitutionnel n° 81-132 du 16 janvier 1982 : « La liberté qui, aux termes de l'article 4 de la Déclaration,  consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre ». Or, dans notre affaire de barbillon, la restriction est arbitraire : il recommande à un ami les services d’un dame, qu’il a appréciés, et la dame, qui est d’accord, sera rémunérée.

Alors une petite QPC ? Grand13.jpg

Loin d’être évident, car une autre décision du Conseil (n° 2000-439 du 16 janvier 2011) laisse au législateur la possibilité d'apporter à la liberté d'entreprendre  « des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ».

Et bing, je me retrouve avec le principe de dignité, mis en avant par Merle et Vitu et la Convention de l’ONU,... et consacré par le Conseil constitutionnel (n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994).

D’ailleurs, le très moral Parti socialiste ne rigole pas avec la prostitution.

Dans le programme socialiste pour les présidentielles 2007, « Refonder la République », qui était la bible des présidentiables, on lisait : « Au rang de la lutte contre toutes les formes d’exploitation commerciale de la personne humaine en général et des plus faibles en particulier, nous considérons que la prostitution et son organisation à travers des réseaux mafieux doivent être sévèrement combattues en mettant en cause, notamment, la responsabilité des clients ».

Il reste à souhaiter que les juges lillois soient moins sévères que le Parti socialiste.

 

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