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A la cour d'assises, peut-il y avoir le même nombre de jurés en première instance puis en appel ?

Paroles de juge - , 12/12/2012

Par Michel Huyette


  Si les lois nouvelles sont parfois utiles pour faire évoluer notre droit, il n'empêche que la plupart d'entre elles apportent leur lot de nouvelles difficultés, pas toujours prévues par les rédacteurs. Il en va ainsi de la modification du nombre des jurés de la cour d'assises.

  La problématique est en résumé la suivante :

  Jusqu'en janvier 2012, les jurés accompagnant les trois magistrats professionnels étaient 9 en première instance et 12 en appel.  Depuis le 1er janvier de cette année, ils sont 6 en première instance et 9 en appel (cf. ici).

  Cela a pour conséquence que des accusés qui ont été jugés dans les mois précédant 2012, en première instance, par une cour d'assises composée de 12 personnes dont 9 jurés, sont, après avoir fait appel, rejugés après le premier janvier 2012 par une cour s'assises d'appel composée de la même façon, avec toujours 9 jurés.

  Il faut avoir en tête qu'au cours d'une même session, souvent de deux ou trois semaines, sont jugées à la fois des affaires qui viennent pour la première fois et des affaires en appel. Au cours de cette session, ce sont donc les mêmes jurés qui sont appelés à siéger en première instance ou en appel. C'est pourquoi, puisque ce sont les mêmes personnes qui sont tirées au sort, ce qui distingue la première instance de l'appel c'est uniquement un plus grand nombre de jurés dans le second cas.

  Il peut donc être surprenant que, pendant une période transitoire (cela concerne principalement les affaires jugées pour la première fois en 2011), un même accusé soit en première instance puis en appel jugé à chaque fois par 3 juges et 9 jurés. On ne voit plus très bien, alors, ce qui distingue la formation de première instance de celle d'appel.

  C'est pourquoi, logiquement, la problématique a été soumise à la cour de cassation par le biais d'une QPC (cf. la rubrique dédiée) formulée par un accusé contestant sa condamnation par une cour d'assises d'appel et ayant formé un pourvoi contre elle.

  L'argument mis en avant est le suivant :  " Les dispositions de l'article 296 du code de procédure pénale dans leur rédaction modifiée par l'article 13 VI de la loi n° 2010-939 du 10 août 2011, réduisant de 9 à 6 le nombre des jurés siégeant à la cour d'assises en premier ressort, et de 12 à 9 le nombre de ceux qui siègent à la cour d'assises d'appel, ne heurtent-elles pas les articles 7, 8 et 9 de la déclaration des 1789, en ce que le législateur n'a prévu aucune disposition transitoire de nature à assurer aux justiciables que la cour d'assises d'appel soit, dans tous les cas, composée par un nombre de jurés supérieur à celui des jurés ayant siégé devant la cour d'assises de première instance ?"

  La cour de cassation, dans sa décision du 28 novembre 2012 (n° 12-81537) a jugé :

  " La question posée ne présente pas un caractère sérieux dés lors que, d'une part, le principe du double degré de juridiction n'a pas, en lui-même, valeur constitutionnelle et que, d'autre part, les dispositions légales contestées n'affectent pas la règle suivant laquelle toute décision défavorable à l'accusé ne peut être prise, en première instance comme en appel, et, dans ce dernier cas, quelle que soit la date à laquelle il a été jugé en premier ressort, qu'à la majorité qualifiée des deux tiers des votants, de sorte qu'elles ne sont contraires ni au principe d'égalité devant la loi, ni au respect des droits de la défense".

  Elle a donc refusé de transmettre la QPC au Conseil Constitutionnel.

  Si la réalité issue de la loi nouvelle a pu troubler, la question est dorénavant tranchée.

 

 



 


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