RER Surfing : Quelle est l’infraction ?
Actualités du droit - Gilles Devers, 13/11/2014
Madame RATP est toute fâchée, et elle a raison : le RER Surfing est un truc débile et trop dangereux, mais dangereux XXL, donc la mort. Le truc est parti avec la vidéo d’un mec qui s’accroche à la barre extérieure d’un RER A, hilare, pendant que son pote, qui a fait la même chose, le filme. Bilan : les deux RER surfeurs sont sains et saufs, et la vidéo a été vue 500 000 fois sur Youtube. D’après notre service investigation culinaire et politique, Hollande envisage de faire la même chose pour retrouver un peu d’audience sur le web. Le problème est sérieux.
Se faire des sensations pour le fun, on aime tous, comme me le rappelait encore mon ami Jouyet lors de notre (délicieux et gratuit) repas de midi à la popote Ledoyen. Mais deux minutes accroché à un RER en risquant la mort ou un corps cassé, souffrant toute la vie… franchement, c’est débile et trop dangereux. Pensant à ceux qui, victimes d’accidents, ont été fracassés pour la vie, je dis que c’est bafouer la pensée.
Aussi, ayant quitté mon ami Jouyet, je suis allé prendre le café avec Madame RATP au Pavillon Elysée Café Lenôtre. Quelle belle journée… Et là, que ne m’annonce pas Madame RATP: « Le lascar est en garde-à-vue ». Je pensais qu’il avait été conduit chez le psy, ou à un concert de Lizz Wright, histoire de lui remettre les pieds sur terre, mais non, le rencard, c’était à la maison Poulaga. D’où ma question : quelle est l’infraction, et cette infraction est-elle assez grave pour autoriser cette mesure moyen-âgeuse qu’est la garde-à-vue ? Notre ami surfeur a-t-il resquillé ? Ce n’est pas évoqué, et ça n’autorise pas la garde-à-vue. Existe-t-il une infraction spéciale à la police des chemins de fer pour sanctionner le fait de voyager accroché à la porte, et non assis dans le train ? Je n’écarte rien, mais je n’ai pas trouvé trace d’une telle infraction, et je doute qu’elle soit sanctionnée de manière assez grave pour autoriser une garde-à-vue, donc par une peine d’emprisonnement.
Je doute d’autant plus que ma copine Madame SNCF me parle de mise en danger de la vie d’autrui, infraction définie par l’article par article 223-1 du Code pénal : « Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». Certes. Mais où est l’autrui ? Si cet inconscient lâche prise, il va mourir pulvériser, mais comment décrire, et avec la certitude du pénal, le risque pour autrui ?
Il faudrait créer une nouvelle infraction, soit le fait de mettre sa vie en danger, et ça, ça va être coton, car si l’aide au suicide est punissable, l’acte suicidaire ne l’est pas. Les actes irréfléchis et dangereux pour soi-même, c’est un problème sérieux. Le droit n’a pas à qualifier les choix de vie, et si la loi sanctionne la clope en public ou l’ivresse au volant, on peut, en toute légalité, elle n’a rien à dire à propos de celui qui se flingue gentiment chez lui en grillant chaque jour trois paquets de Marlboro-KKK et trois flacons de Jacks Daniel.
Pas facile… Aussi, quand je serai président de la République, j’interdirais, au nom du principe de précaution, les Marlboro-KKK, le Jacks Daniel et le RER A.