Mariage gay : L’UMP ne reviendra pas sur la loi
Actualités du droit - Gilles Devers, 24/04/2013
Alors que par les temps qui courent, on est bien placé pour mesurer ce que coûtent les promesses électorales non tenues, l’UMP annonce gaillardement qu’elle remettra en cause la loi sur le mariage gay, et même par référendum ! Eh bien, je prends les paris : elle n’en fera rien.
Dans l’analyse, il faut distinguer : pour le passé, donc rétroactivement, ou seulement pour l’avenir ?
Effet rétroactif ?
Les gros (boni)menteurs de l’UMP savent déjà qu’ils n’annuleront pas, et pour préparer ce premier recul, ils invoquent le principe de non-rétroactivité de la loi. Ouaip,… sauf que l’argument ne vaut pas tripette.
Le texte en cause, c’est l’article 2 du Code civil, inchangé depuis la promulgation du Code, en 1803 : « La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n’a point d'effet rétroactif ».
Certes. Mais attention aux erreurs d’interprétation. Le texte dit que la loi votée n’a d’effet que pour l’avenir… mais il n’interdit pas de voter une loi ayant des effets rétroactifs. Ça change tout.
Le principe constitutionnel de non-rétroactivité de la loi résulte de l’article 8 de la Déclaration de 1789, et ne joue qu’au pénal : « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».
Le Conseil constitutionnel a reconnu que les lois civiles pouvaient être rétroactives, mais il a encadré cette possibilité (Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010) :
« Si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; en outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d’intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle ; enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie. »
La remise en cause n’est pas impossible, mais pour qu’elle soit valable, il faudrait notamment justifier de « poursuivre un but d’intérêt général suffisant ». C’est là que les cris du genre « on assassine la famille » montrent leur limite.
En effet, si tel est bien cas, alors l’intérêt général impose d’annuler. Sauf que pour remettre en cause des liens consacrés et des filiations établies, avec des vies de couples qui se passeront aussi bien qu’ailleurs, il ne suffira plus des slogans. Il faudra prouver,… et là, on attendra longtemps. La France rejoint nombre de pays qui connaissent le mariage gay… et qui ne se sont pas effondrés !
Donc, out l'effet rétroactif, car le but ne serait pas d’un intérêt général suffisant.
De « mariage » à « union civile » ?
Valérie Pécresse avait cru trouver la parade. On laisse les mêmes droits, mais on retire la qualification de « mariage » pour « union civile ». Faux cul en diable… et pas si simple. Matériellement, il faudrait porter des mentions rectificatives dans tous les actes d’Etat civil de mariage et de filiation, les documents d’identité, et tous les actes de la vie administrative et sociale…
Et puis les mots ont un sens, et « mariage », ce n’est pas qu’un statut… La Gauche n’a pas assumé le bouleversement qu’induit cette rupture avec le mariage ouvert vers la reproduction, se bloquant sur le principe d’égalité, comme si on était dans une logique de continuation. Le débat va maintenant s’ouvrir sur l’adoption et la filiation, et là il faudra bien assumer le débat, et ne pas se réfugier derrière le slogan de « l’égalité des sexualités ».
Non, avec la loi nouvelle, on invente une nouvelle famille par un nouveau mariage. Aussi, revenir sur ce mot, priver du « mariage », poserait le même problème : quel intérêt général suffisant pour imposer ce recul, même dans la symbolique ?
Aussi, il n’y aura pas d’annulation rétroactive. Non qu’elle soit impossible. Mais car elle remettrait en cause trop de droits pour un intérêt que l’on ne parviendrait pas à prouver.
Effet pour l’avenir ?
Là, c’est plus simple. On ne touche pas aux droits acquis, mais on interdit l’acquisition de nouveaux droits. Il y aurait ainsi les mariages consacrés pendant quelques années, et les filiations, puis plus rien. Retour au seul mariage hétéro.
Juridiquement, le problème est très différent, et il existe maints exemples de statuts reconnus pendant un temps, puis modifiés.
Le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 janvier 2011, en réponse à une QPC portant sur le droit au mariage pour les personnes de même sexe, a jugé qu' « il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle du législateur en cette matière ». Ce qui, par parenthèse, laisse peu de chance au recours de l’UMP. La CEDH est dans la même analyse : c’est un choix de société, et c’est au législateur de se prononcer.
Sauf qu’il faudrait assumer dans la société deux statuts : mariage gay entre 2013 et … , et puis rien après. Une Droite vengeresse et bornée en est capable. Mais, politiquement, pourrait-elle assumer une régression des droits, y compris sur la filiation ? En clair, reviendrait-elle à l’état du doit antérieur à 2013 ou laisserait-elle les mêmes droits, mais en remplaçant « mariage » par « union civile » ?
Au point de vue constitutionnel, cette évolution du droit poserait problème, car elle créerait des statuts discriminatoires, au sein des familles. Attendons sur ce point ce qui sera voté en matière de filiation, peut-être de PMA et peut-être de GPA… Vous avez cru l'affaire terminée ? Non, on va enfin aborder le volet filiation....
A ce stade, je constate que les manifs et leurs slogans ringards n’ont pas fait avancer le débat d’un centimètre. Rien n’est prêt pour dire que l’UMP, divisée et incohérente, reviendra sur la loi.
La boîte à idées de l'UMP