Accouchement sous X : Le silence n’est plus tenable
Actualités du droit - Gilles Devers, 27/05/2012
Enfant né sous X, tu vis un refus d’accéder à ton identité : tu veux savoir qui est ta mère, mais la loi te l’interdit et c’est à vie. Tu passeras donc ta vie sans pouvoir réponde à cette question, et tu sauras simplement que tu es né dans un contexte parental si difficile que l’on reporte les conséquences sur toi, à vie, et tant pis pour ta peine. Le matin dans le bus, tu es assis en face d’une femme plus âgée que toi : c’est peut-être ta mère. La jeune fille assise à côté de toi, et de ta génération, est peut être ta sœur : tu es là aussi privé de savoir. Le type là-bas, c’est peut-être ton père. Impossible aussi de la savoir... Et c’est comme çà tous les jours.
La loi du 22 janvier 2002
Le Conseil constitutionnel (16 mai 2012, n° 2012-248) vient de rejeter une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) formée contre les articles L. 147-6 et L. 222-6 du Code de l'action sociale et des familles, issus de la loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'État, qui maintient le système en faisant semblant de l’aménager.
Cette loi du 22 janvier 2002 se trouve aux articles L. 222-6 du code de l'action sociale et des familles. Elle reconnait à toute femme le droit de demander, lors de l'accouchement, la préservation du secret de son identité et de son admission. Toutes les dépenses sont assumées par la collectivité publique pour ne laisser aucune trace.
Le but de la loi ?
Le Conseil doit d’abord rechercher si le but de la loi respecte les objectifs de la Constitution, et sa réponse ne fait pas un pli : « en garantissant ainsi un droit à l'anonymat et la gratuité de la prise en charge lors de l'accouchement dans un établissement sanitaire, le législateur a entendu éviter le déroulement de grossesses et d'accouchements dans des conditions susceptibles de mettre en danger la santé tant de la mère que de l'enfant et prévenir les infanticides ou des abandons d'enfants » Conclusion sur ce point : « la loi a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé ». C’est le grand argument : sans cela, des femmes préféreraient perdre l’enfant. La grande majorité des pays ne connaissent pas ce système, et ne connaissent pas de drame pour autant. Mais le présupposé est tenace. L’Académie de médecine est contre l’évolution de la loi, et c’est en soi un argument pour militer pour l’évolution.
Les modalités de la mise au secret
Ensuite, on examine le processus de la mise au secret de la filiation (Art. L. 147-6 et L. 222-6).
- Les femmes qui accouchent en demandant le secret de leur identité doivent être informées des conséquences juridiques qui en résultent pour l'enfant ainsi que de l'importance, pour ce dernier, de connaître ses origines.
- Elles sont incitées à laisser des renseignements sur leur santé, celle du père, les origines de l'enfant et les circonstances de sa naissance.
- Le secret de cette identité peut être levé qu’avec l'accord de la mère de naissance.
- L’enfant qui a grandi peut demander au Conseil national pour l'accès aux origines personnelles de rechercher la mère de naissance, mais si la mère peut toujours s’opposer.
Bref, l’esprit de la loi est clair : la mère peut s'opposer à la révélation de son identité, et sa volonté peut jouer même après son décès.
Que nous répondent les papys ?
Réponse du Conseil... Je vous lire tel que cette puissante analyse :
« Considérant qu'il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, de substituer son appréciation à celle du législateur sur l'équilibre ainsi défini entre les intérêts de la mère de naissance et ceux de l'enfant ; que les dispositions contestées n'ont pas privé de garanties légales les exigences constitutionnelles de protection de la santé ; qu'elles n'ont pas davantage porté atteinte au respect dû à la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale ».
Donc, circulez, il n’y a rien à voir.
« Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, de substituer son appréciation à celle du législateur sur l'équilibre ainsi défini entre les intérêts de la mère de naissance et ceux de l'enfant ».
Je suis bien d’accord pour dire qu’il ne faut pas tout constitutionnaliser, et que c’est au Parlement de faire la loi, pas aux juges du Conseil constitutionnel. Toutes les lois injustes, imbéciles ou bien pensantes ne violent par pour autant la Constitution. Le Conseil ne peut censurer que si la Constitution a été violée. Certes.
L'identité, ça vous parle ?
Mais là quand même, le génial Conseil nous amuse, car les deux plateaux de sa balance ne se valent pas : d’un côté, une mère en détresse qui a besoin d’une aide car elle redoute cette maternité, et de l’autre l’enfant qui n’aura pas droit à son identité. Son i-den-ti-té : toi comprendre ? Ils sont bien gentils, les papys…
Des enfants sans filiation possible, c’est connu : enfant abandonné, circonstances de guerre, précarité des réfugiés… Alors, l’enfant construit sa vie et se débrouille. Mais ici, le cas est différent, car on cache cette info. Volontairement !
J’attends qu’on me prouve réellement que le système est pertinent s’agissant de sauver des naissances qui sinon seraient en péril, et j’attends qu’on m’explique que la situation est bien meilleure que dans les pays qui ignorent la naissance sous X. En réalité, cette loi ne s’impose pas.
Le chiffre est de l’ordre de 500 accouchements par an : aucune autre solution n’est possible ? Le travail social est en échec absolu ?
Pour l’exercice, admettons : la mère redoute une naissance qui la dépasse, et comme la loi a peur qu’elle fasse n’importe quoi, on passe au sous X. Il suffirait de prévoir que :
- l’anonymat est levé à la majorité de l’enfant, s’il en fait la demande,
- si la commission bidule estime qu’il y a un maxi problème, elle ne peut pas refuser d’elle-même, mais elle doit porter l’affaire devant un tribunal, devant lequel l’enfant né sous X peut se défendre.
Le plus simple serait l’abandon put et simple de la loi. Ce ne sera pas facile si la future présidente de l’Assemblée nationale est Madame-Ex,… si fière d’être à l’origine de la loi en cause qu’elle considère comme un chef d’œuvre.
Ne pas admettre comme fondamental le droit à l’identité… Ca me dépasse !