Impuni , Gérard Ducray ancien secrétaire d'État aux "Transport" dans le premier gouvernement de Giscard d'Estaing peut dormir sur ses deux oreilles !
Actualités droit du travail, par Artemis/Velourine - Artémis, 15/05/2012
Gérard Ducray, 70 ans, conseiller municipal de Villefrance-sur-Saône (Rhône) , ancien député et secrétaire d'État aux Transport dans le premier gouvernement de Giscard d'Estaing avait été condamné en appel en 2011 pour harcèlement sexuel à trois mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende. ( délit défini par l'article 222-33 du Code Pénal)
Le 4 mai 2012, saisi par Gérard Ducray via la Cour de Cassation , d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 222-33 du code pénal inconstitutionnel car trop flou et l'a abrogé avec effet au jour de la publication.
Le harcèlement sexuel n'a de ce fait plus de définition légale, Monsieur Ducray peut dormir sur ses deux oreilles !
Revenons sur un scandale dont les médias parlent peu .
En 1992 , le délit de harcèlement sexuel fait son apparition dans le Code pénal .
Il est défini comme suit "le fait de harceler autrui en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions".
La loi du 17 juillet 1998 a ajouté les "pressions graves" à la liste des actes au moyen desquels le harcèlement pouvait être commis.
La loi du 17 janvier 2002 la loi de modernisation sociale a modifié cette définition pour élargir le champ de l'incrimination en supprimant toutes les précisions relatives aux actes par lesquels le harcèlement peut être constitué ainsi qu'à la circonstance relative à l'abus d'autorité.
Ainsi selon l'article 222-33 du Code pénal, "Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende".
Jugeant cette disposition contraire au principe de légalité des délits et des peines, puisqu'il permettait que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment définis, le Conseil constitutionnel , saisi le 29 février 2012 par la Cour de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 1365 du 29 février 2012), d'une question prioritaire de constitutionnalité, a abrogé , le 4.05.2012, purement et simplement le délit de harcèlement sexuel .
Selon la décision du 4.05.2012 du Conseil (QPC n°2012-240) l'abrogation de l'article 222-33 du Code pénal doit prendre "effet à compter de la publication de la décision du Conseil" et est "applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date".
L'abrogation supprime l'infraction de harcèlement sexuel.
Toutes les procédures en cours sont donc devenues caduques et, la loi pénale n'étant pas rétroactive, les faits de harcèlement sexuel ne peuvent plus être poursuivis jusqu'à promulgation d'une nouvelle loi.
Plusieurs associations féministes ont immédiatement réagi en appelant à un rassemblement à Paris et plusieurs personnalités politiques ont pris position en faveur de l'élaboration rapide d'une nouvelle loi..
Accessoirement, Serge Slama, maitre de conférences en droit public, a allégué l'existence d'une cause de récusation d'un des membres du Conseil constitutionnel à l'occasion de cette décision : Jacques Barrot, secrétaire d’État au Tourisme sous le premier gouvernement de la présidence Giscard, a siégé dans cette affaire alors que Gérard Ducray, condamné pour harcèlement sexuel, et secrétaire d'État aux Transport dans le même Gouvernement, était l'auteur de la saisine.
Le président Nicolas Sarkozy présente aux nouveaux membres du Conseil constitutionnel Michel Charasse (2eD), Hubert Haenel (2eG) et Jacques Barrot (G) le document officiel de leur nomination, le 12 mars 2010 au palais de l'Elysée à Paris.
AFP PHOTO PHILIPPE WOJAZER
Le journal Le Monde remarque qu'un autre membre du conseil constitutionnel, Hubert Haenel, connaissait également Gérard Ducray puisqu'il était conseiller pour les questions judiciaires à l'Elysée de 1975 à 1977, cependant le Conseil constitutionnel remarque que les conditions pour se déporter sont strictes : il faut avoir participé à l'élaboration de la loi.
Or ni Jacques Barrot, ni Hubert Haenel n'ont participé à l'élaboration des versions successives de ce texte
Selon le Monde " M. Ducray n'est pas un total inconnu d'au moins quatre des membres du Conseil. Il a été secrétaire d'Etat au tourisme de 1974 à 1976, le chef de l'Etat était alors Valéry Giscard d'Estaing, le premier ministre Jacques Chirac, tous deux membres de droit du Conseil constitutionnel, même s'ils ne siègent plus.
En revanche, Jacques Barrot, qui était secrétaire d'Etat au logement dans le même gouvernement que M. Ducray, a, lui, statué sur la QPC qui a de fait annulé la condamnation de son ancien collègue. Hubert Haenel, qui a lui aussi siégé, était de son côté conseiller pour les questions judiciaires à l'Elysée de 1975 à 1977.
Si les membres du Conseil sont impartiaux, ils doivent aussi juridiquement en donner "l'apparence", et faute pour deux d'entre eux de s'être déportés (s'être abstenus de siéger), se pose une nouvelle fois la question de la composition du Conseil. "Les conditions de déport sont très strictes, fait valoir la haute juridiction, la seule question qui se pose, c'est de savoir si les membres ont participé à l'élaboration de la norme, c'est-à-dire le vote de la loi. Ce n'est pas le cas."
(publié dans le Journal "LE MONDE" )
Il revient en conséquence au Parlement de définir à nouveau dans des termes précis, ce qui constitue un acte de harcèlement sexuel dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle.
Soulignons que cette décision n'impacte pas les faits de harcèlement sexuel commis au travail ou qui seraient liés à une activité professionnelle, puisqu'ils restent punis par le Code du travail (article L1152-1 et articles L1153-1L1153-1 et suivants). Enfin pour combien de temps encore ?????