L’éclatement du contentieux relatif aux redevances aéroportuaires entre le juge administratif et le juge judiciaire
K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Eve Derouesne, Benjamin Touzanne, 18/05/2015
Quel est le juge compétent pour trancher un litige relatif à redevance aéroportuaire d’Aéroports de Paris ?
Le recours tendant à l’annulation de la décision unilatérale d’ADP fixant le tarif d’une redevance aéroportuaire (1) pour service rendu quelle qu’elle soit (par exemple redevance d’atterrissage, redevance pour mise à disposition des banques d’enregistrement et d’embarquement et traitement des bagages locaux par exemple) relève de la compétence du juge administratif parisien (CE, 19 mars 2010, Syndicat des compagnies aériennes autonomes, req. n° 305047 ; TA Paris, 22 avril 2014, Europe Airpost, XL Airways France, req. n°1305202/2-1 ; N°1305286/2-1).
(1) Voir kpratique [Focus sur les redevances aéroportuaires d’ADP]url:
En revanche, le recours introduit par ADP pour obtenir le paiement des redevances aéroportuaires pour service rendu non acquittées par un transporteur aérien ou un prestataire d’assistance en escale tels que celles dues pour l'atterrissage des appareils, le stationnement des aéronefs, la mise à disposition de banques d'enregistrement, l'utilisation du système informatique relatif à l'enregistrement et à l'embarquement des passagers, le dégivrage des appareils et la prise en charge de l'assistance des personnes handicapées, relève de la compétence du juge judiciaire.
C’est la conséquence qui doit être tirée de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 9 mars 2015 « ADP c/ Camerron Airlines Corporation », ( commentaire Laurent Boissy — AJDA 2015. 848 — 30 avril 2015 ), à moins que le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi en cassation, n’en décide autrement.
La motivation retenue est la suivante : « Le service qu'elles [les redevances aéroportuaires] rémunèrent présente un caractère industriel et commercial ; (…) il ne résulte ni de leur objet ni de leurs conditions de gestion, qui n'impliquent la mise en oeuvre directe d'aucune prérogative de puissance publique, que ces services qui, aux termes de l'article R. 224-1 précité du code de l'aviation civile, ont trait à l'usage des infrastructures aéroportuaires nécessaires au service de transport aérien, revêtiraient un caractère administratif ».
Pour parvenir à cette conclusion, la cour considère comme inopérante la circonstance que :
- Est en cause l'usage d'ouvrages publics,
- Que ces services sont soumis à une tarification dont les conditions d'évolution sont fixées par voie réglementaire
- Ou encore que le défaut de paiement des redevances dues en application de celle-ci puisse donner lieu, en vertu de l'article L. 6123-2 du code des transports, à une saisie conservatoire de l'aéronef .
Il est certes constant que les relations individuelles entre un gestionnaire d’un service public industriel et commercial et un usager relèvent de la compétence du juge judiciaire.
Pour autant, paradoxalement, la réponse apportée successivement par le tribunal administratif de Paris le 9 avril 2013, puis par la CAA de Paris le 29 mars 2015 n’allait pas de soi et, du point de vue des acteurs aéroportuaires, elle apparaît comme étant un revirement jurisprudentiel.
Elle apparaît contestable en pratique et propre à créer le doute chez les justiciables.
En effet, d’une part, par le passé, saisi d’affaires similaires (i.e de demande de condamnation à paiement de redevances aéroportuaires), le même tribunal administratif de Paris s’était sans difficulté reconnu compétent (TA Paris, 10 juillet 2009, n°0818322 ; TA Paris, 28 avril 2011, req. n° 0919528 ; TA Paris, 28 juin 2012, req. n° 1019302).
D’autre part, s’il n’est pas ou peu difficilement contestable qu’est en cause un service public industriel et commercial, il reste qu’est en cause l’application et l’interprétation d’un acte administratif réglementaire. Or, comme on l’a vu, la décision tarifaire unilatérale de redevance pour service rendu prise par ADP pour lesdits services publics aéroportuaires est appréciée par le seul juge administratif.
Dès lors, il n’était pas illogique de constituer un bloc de compétence sur la redevance pour service rendu, donnant à un seul ordre de juridiction le soin d’apprécier tous les contentieux y afférents qu’ils portent sur le montant ou son recouvrement.
Il n’en a pas été ou plus été jugé ainsi. A l’effet attractif du caractère administratif de la créance, il a été préféré l’effet attractif de la notion de service public industriel sans que l’on comprenne vraiment bien la raison d’être de ce bloc de compétence, si ce n’est l’idée sous-jacente que le juge judiciaire serait plus protecteur des intérêts privés de l’usager.
Dans certains cas, la mise en œuvre de cette solution pourra rendre perplexe.
Prenons l’exemple où une décision annuelle tarifaire d’ADP prise en matière de redevance unilatérale pour service rendu serait annulée par le juge administratif, est-il bien dans le sens d’une bonne administration de la justice que le contentieux relatif au remboursement des redevances indument acquittées ou au paiement des redevances complémentaires à acquitter (delta entre le tarif annulé et le nouveau tarif) soit examiné par le juge judiciaire alors que, pour la solution du litige, il conviendra d’interpréter et d’apprécier la portée d’une décision rendue par le juge administratif ?
Notre interrogation n’est pas isolée puisque c’est ce même raisonnement qui était développé, sans succès, par le ministre chargé de l’aviation civile dans l’affaire Mme Lumbresas au soutien d’une compétence du juge administratif (TC, 1er juillet 2002, Mme Lumbresas, n°3322).
(1) Voir kpratique [Focus sur les redevances aéroportuaires d’ADP]url:
En revanche, le recours introduit par ADP pour obtenir le paiement des redevances aéroportuaires pour service rendu non acquittées par un transporteur aérien ou un prestataire d’assistance en escale tels que celles dues pour l'atterrissage des appareils, le stationnement des aéronefs, la mise à disposition de banques d'enregistrement, l'utilisation du système informatique relatif à l'enregistrement et à l'embarquement des passagers, le dégivrage des appareils et la prise en charge de l'assistance des personnes handicapées, relève de la compétence du juge judiciaire.
C’est la conséquence qui doit être tirée de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 9 mars 2015 « ADP c/ Camerron Airlines Corporation », ( commentaire Laurent Boissy — AJDA 2015. 848 — 30 avril 2015 ), à moins que le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi en cassation, n’en décide autrement.
La motivation retenue est la suivante : « Le service qu'elles [les redevances aéroportuaires] rémunèrent présente un caractère industriel et commercial ; (…) il ne résulte ni de leur objet ni de leurs conditions de gestion, qui n'impliquent la mise en oeuvre directe d'aucune prérogative de puissance publique, que ces services qui, aux termes de l'article R. 224-1 précité du code de l'aviation civile, ont trait à l'usage des infrastructures aéroportuaires nécessaires au service de transport aérien, revêtiraient un caractère administratif ».
Pour parvenir à cette conclusion, la cour considère comme inopérante la circonstance que :
- Est en cause l'usage d'ouvrages publics,
- Que ces services sont soumis à une tarification dont les conditions d'évolution sont fixées par voie réglementaire
- Ou encore que le défaut de paiement des redevances dues en application de celle-ci puisse donner lieu, en vertu de l'article L. 6123-2 du code des transports, à une saisie conservatoire de l'aéronef .
Il est certes constant que les relations individuelles entre un gestionnaire d’un service public industriel et commercial et un usager relèvent de la compétence du juge judiciaire.
Pour autant, paradoxalement, la réponse apportée successivement par le tribunal administratif de Paris le 9 avril 2013, puis par la CAA de Paris le 29 mars 2015 n’allait pas de soi et, du point de vue des acteurs aéroportuaires, elle apparaît comme étant un revirement jurisprudentiel.
Elle apparaît contestable en pratique et propre à créer le doute chez les justiciables.
En effet, d’une part, par le passé, saisi d’affaires similaires (i.e de demande de condamnation à paiement de redevances aéroportuaires), le même tribunal administratif de Paris s’était sans difficulté reconnu compétent (TA Paris, 10 juillet 2009, n°0818322 ; TA Paris, 28 avril 2011, req. n° 0919528 ; TA Paris, 28 juin 2012, req. n° 1019302).
D’autre part, s’il n’est pas ou peu difficilement contestable qu’est en cause un service public industriel et commercial, il reste qu’est en cause l’application et l’interprétation d’un acte administratif réglementaire. Or, comme on l’a vu, la décision tarifaire unilatérale de redevance pour service rendu prise par ADP pour lesdits services publics aéroportuaires est appréciée par le seul juge administratif.
Dès lors, il n’était pas illogique de constituer un bloc de compétence sur la redevance pour service rendu, donnant à un seul ordre de juridiction le soin d’apprécier tous les contentieux y afférents qu’ils portent sur le montant ou son recouvrement.
Il n’en a pas été ou plus été jugé ainsi. A l’effet attractif du caractère administratif de la créance, il a été préféré l’effet attractif de la notion de service public industriel sans que l’on comprenne vraiment bien la raison d’être de ce bloc de compétence, si ce n’est l’idée sous-jacente que le juge judiciaire serait plus protecteur des intérêts privés de l’usager.
Dans certains cas, la mise en œuvre de cette solution pourra rendre perplexe.
Prenons l’exemple où une décision annuelle tarifaire d’ADP prise en matière de redevance unilatérale pour service rendu serait annulée par le juge administratif, est-il bien dans le sens d’une bonne administration de la justice que le contentieux relatif au remboursement des redevances indument acquittées ou au paiement des redevances complémentaires à acquitter (delta entre le tarif annulé et le nouveau tarif) soit examiné par le juge judiciaire alors que, pour la solution du litige, il conviendra d’interpréter et d’apprécier la portée d’une décision rendue par le juge administratif ?
Notre interrogation n’est pas isolée puisque c’est ce même raisonnement qui était développé, sans succès, par le ministre chargé de l’aviation civile dans l’affaire Mme Lumbresas au soutien d’une compétence du juge administratif (TC, 1er juillet 2002, Mme Lumbresas, n°3322).