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A venir, un nouvel hymne à l’autorité (453)

Droits des enfants - Jean-Pierre Rosenczveig, 16/02/2012

Nul doute que sous peu on quittera - si la pression se relâche - le thème de l'insécurité économique pour revenir au bon vieux fondamental des campagnes électorales modernes : l'insécurité liée à la délinquance et à la violence. Il y … Continuer la lecture

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Nul doute que sous peu on quittera - si la pression se relâche - le thème de l'insécurité économique pour revenir au bon vieux fondamental des campagnes électorales modernes : l'insécurité liée à la délinquance et à la violence. Il y aura bien - malheureusement - un drame dans un établissement scolaire ou une agression qui viendra une nouvelle fois focaliser sur la violence des plus jeunes et poser le sempiternel problème de la démission parentale.

La multiplication des reportages télévisés sur les exemples anglais ou américains où l'on découvre des parents poursuivis pénalement pour ne pas avoir été capables de maintenir leur enfant à l'école peut s'analyser de la part des medias comme une vision anticipatrice du débat politique ou sur leur rôle pour l'orienter.

Dans cette dynamique quelques rappels peuvent s'imposer avant d’avancer quelques pistes.

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Il est difficile de nier que l'éducation donnée, en plein ou en creux, par les parents puisse avoir une conséquence majeure sur la structuration d'un enfant, son rapport à la loi, son respect des autres et des institutions, tout simplement sur les valeurs dans lesquelles il se reconnait. Reste que la même éducation peut produire des effets différents sur tel enfant ou sur tel autre.

Indéniablement, si l'on parle aujourd'hui plus que jamais de co-éducation, l'éducation est d'abord familiale et subsidiairement nationale. Au risque de choquer quelques pédagogues professionnels. Dès lors, sans nier la part de responsabilité personnelle de l'enfant sur ses actes, sa violence et sa délinquance - sachantque  les deux ne se recouvrent pas - peuvent être en partie imputées à une carence parentale.

Il n'y a aucun jugement de valeur dans cette assertion. Il peut y avoir des parents démissionnaires, d'autres qui nient le comportement asocial de leur enfant à leurs yeux victime permanente d'un complot de la part des autres jeunes, des voisins, des policiers, des enseignants, des travailleurs sociaux, etc. ; d'autres qui tirent profit du comportement de leur enfant, voire l'incitent à la délinquance. A l'inverse, et c'est plus souvent le cas, nombre de parents sont dépassés par leurs responsabilités d'éducateurs , englués dans leurs propres difficultés : santé handicapante, grand âge, chômage, problèmes psychiatriques ou psychologiques, et bien évidemment tout simplement une absence de maîtrise des codes et règles sociales quand ce n'est pas tout simplement de la langue  et de la culture des institutions. Ainsi ces parents issus de l'immigration convaincus que le fait d'amener leur enfant à l'école suffit à lui garantir une scolarité utile. Ils croient dans l'école de la République française, mais oublient que les enfants ne sont pas que des éponges sur lesquelles les professeurs déversent leur savoir. Un enfant doit être motivé par l'intérêt que ses parents portent à son travail en le mobilisant.

Quotidiennement je croise des parents qui, petit à petit, ont perdu, sinon toute, du moins, une grande partie de leur autorité sur leurs enfants dans la mesure où ceux-ci ont rapidement compris que cette autorité parentale ne leur était pas bénéfique au sens où elle ne les protège pas. Beaucoup d'entre eux vont trouver dans leurs pairs dans la rue, souvent chez des ainés, cette reconnaissance et cette protection qui leur est indispensable. Au passage ils vont acquérir un statut, un peu de pouvoir dans la guerre des clans ou l'intifada contre les policiers, et fréquemment avec le bizness, ils vont gagner de l'argent, parfois beaucoup d'argent, plus que leurs parents .

Il n'est pas difficile par un amalgame primaire de mettre en cause "les parents" et de songer à (re)mobiliser ces parents tenus pour défaillants par la sempiternelle menace de la sanction financière :  le blocage des allocations familiales et/ou une contribution financière à la prise en charge en internat de leur enfant. On connait les limites de l'exercice et les blocages rencontrés sur le terrain pour mettre en œuvre ces sanctions. Le dernier avatar consiste à confier au préfet, via l'inspecteur d'académie, le soin de faire bloquer les allocations familiales des enfants absentéistes.

Devant les limites de cette démarche est apparue l'idée d'apprendre aux parents à être parents via des stages de parentalité : en quelques heures on forme le projet - mais y croit-on vraiment ?- de transformer des parents défaillants en bons parents à travers une injonction judiciaire. Faut-il relever que dans le même temps on est incapable de mettre en oeuvre nombre de mesures judiciaires ou un soutien aux parents ? (1)  A tout le moins les sessionnaires en rencontrant d'autres parents en difficulté comme eux pourront peut être dépasser certains blocages et en tout cas rompre l'isolement dans lequel ils se trouvent le plus souvent. Là encore, par-delà les annonces ronflantes, il ne s’agit que d’une démarche symbolique, mise en œuvre à dose homéopathique, lourde à développer dans la durée et à répéter,  onéreuse pour un rapport limité même en affichage politique, personne n'étant vraiment dupe.

On trouve la dernière déclinaison de cette démarche "remobilisatrice" qui allie la carotte et le bâton dans le passage devant le Conseil des droits et devoirs des familles institué en 2007. Quand il existe ! Environ une cinquantaine de conseils en France en 2010 au point où une loi de 2011 le rend obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants. Les parents dont les enfants troublent la paix sociael ou sont absentéistes y comparaissent devant un "tribunal" composé du maire ou de son représentant et de membres issus du conseil municipal de prévention de délinquance. Seuls, sans défense, et c'est déjà un vrai problème démocratique, ils se font remonter les bretelles ; des « peines » peuvent être infligées à l'enfant, sous le contrôle du procureur, amende ou travail d'intérêt général. Un suivi éducatif peut être "proposé" et "accepté" … si la commune dispose des éducateurs à affecter à l'exercice de ces mesures. Là encore, tout cela ne va pas très loin, même si potentiellement on doit être vigilants sur un développement de cette démarche de justice municipale sans défense.

Tout logiquement, devant les limites de ces démarches pourtant pleines de bon sens apparent on s'oriente alors vers recours à la Grosse Bertha : la justice pénale d’Etat - doit-on désormais préciser - délivrée par le vrai tribunal correctionnel.

C'est ici que certaines voudraient nous proposer sur le modèle américain ou anglais de pouvoir condamner pénalement les parents défaillants notemment en cas d'absentéisme scolaire d'où l'on déduit rapidement - parfois trop rapidement - qu'il y a un fort risque de délinquance. Faut-il  une nouvelle loi ?

On dispose déjà d'un article 227-17 du code pénal qui prévoit 2 ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende pour les parents qui n'exercent pas leur autorité au point de mettre en danger leur enfant. Environ 200 poursuites l'an seraient engagées dont un dixième débouche sur des peines de prison, le plus souvent avec sursis. Fréquement comme à Paris c'est la menace d'user de ces poursuites qui est utilisée pour mobiliser les parents négligents.

En d'autres termes nous avons déjà dans la loi l'arsenal nécessaire.

Pourtant l'on risque de voir ressurgir la proposition Ciotti avancée le 31 juillet 2010 pour répondre aux vœux du président et jamais vraiment enterrée sous le quinquennat en cours. Il s’agit de rendre pénalement responsables les parents d'enfants délinquants soit du simple fait qu'ils sont délinquants, soit du fait qu'ils ne respectent pas les instructions et contrôles des éducateurs et des juges. On est alors à deux doigts d'instaurer la responsabilité pénale du fait d'autrui quand c'est un principe de notre droit que l'on ne peut être responsable pénalement que des fautes personnelles  que l'on commet. Ce à quoi il est répondu un peu vite que la faute de l'enfant fait elle-même preuve de la faute du parent : or, on l'a dit, fréquemment les parents ont perdu une grande partie de leur autorité sur leur enfant, ils n'ont pas pour autant commis de faute. Si faute avérée là encore l'article 227-17 suffit à répondre au souci de sanction.

Au passage il n’est pas indifférent de relever que ce type de loi permet à un enfant pervers de « sanctionner «  ses parents en les envoyant en prison !

Ce registre répressif peut au mieux contribuer à rappeler aux parents et aux enfants les règles spéciales, éventuellement faire peur à certains, très ponctuellement permettre de sanctionner des fautes parentales explicites. En tous cas cela ne constitue pas une politique. Dès qu’on les met en œuvre on est déjà dans le rouge !

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Reste que  ne sont toujours pas posées les vraies questions autour de l'autorité parentale que les gouvernants à venir ne pourront pas éluder quand ils voudront bien admettre que la démarche culpabilisatrice et répressive est bien limitée et ne peut trouver de sens et de portée que si les poutres principales du dispositif éducatif ont été mises en place.

1) Plus que jamais il nous faut identifier publiquement qui est aujourd'hui en situation d'exercer des responsabilités sur un enfant. Les pratiques matrimoniales  (2) sont telles désormais (qu’aux yeux des tiers mais déjà aux yeux des enfants se pose la question de savoir qui est en situation d‘exercer l'autorité parentale.

Quand trop enfants n'ont qu'un parent dans leur vie d'autres débordent d’adultes de référence !

Il faut ici moderniser la loi avec le statut des tiers qui n'a toujours pas été adopté. Il faut déjà veiller à ce que tout enfant ait un père et une mère au regard du droit.

Adapter la loi ne suffit pas si on ne fait pas la promotion de la loi. Ainsi trop sont convaincus à tort que le père qui ne vit pas aves la mère n'a plus de responsabilité sur l'enfant. Un débat public et déjà une information s’imposent.

2° Il faut également clarifier aux yeux de tous - adultes comme enfants - ce qu'est l'autorité parentale, ensemble de droits et de devoirs, mais aussi fonction sociale conférée aux adultes sous contrôle social et judiciaire. Quels en sont les attributs réels? Rappelons haut et fort que des parents sont légitimes à contrôler les relations et les sorties de leurs enfants et à leur interdire de sortir au-delà d'une certaine heure sans qu'il soit besoin d'un arrêté municipal. Quelles sont les limites de l’autorité parentale quand trop confondent violence et autorité ? Consulter les enfants  et recueillir leur avis sur les décisions que les concernent (loi du 4 avril 2002) ne signifie pas que l’enfant décide et soit roi à la maison.

3° Il convient surtout de mener une réflexion sur la condition parentale et sur ses termes. La question dépasse celle dans laquelle on veut nous enfermer où il faudrait apprendre aux parents défaillants les standards de l'éducation alors même que nous ne les avons pas identifiés collectivement, sachant que nous développons par ailleurs l'hymne à la liberté familiale.

Des termes de la condition parentale il faut déduire les politiques publiques, nationales et locales  qui permettent aux enfants de disposer autour d'eux d'adultes en situation de responsabilité qui réellement leur assurent les soins fondamentaux et veillent à leur développement, y compris à leur implication dans les décisions majeures.

Au passage il ne serait pas inutile de prévoir un dispositif rendant obligatoire l'assurance  «  responsabilité civile des parents du fait de leurs enfant » avec un fond de péréquation dans l'intérêt des victimes pour les familles financièrement défaillantes. On assure sa maison et sa voiture ; il faut s’assurer pour son enfant. Depuis l’arrêt Bertrand du 19 février 1997, l’enfant est bien un risque et pas seulement un objet d’affection !

On le voit, avant de punir, par facilité et avec les limites de cet exercice d'exorcisme, il faudrait engager une véritable politique familiale qui vise à permettre aux parents, biologiques ou non, et aux professionnels, d'exercer leurs responsabilités.

Qui est preneur ?

 



1 En Seine Saint-Denis environ 300 mesures d’assistance éducative sont ainsi en attente soit 8% des mesures prononcéespar les juges des enfants
2 52% des enfants naissent hors le mariage de leurs parents ensemble, 50 à 70 000 enfants naissent sans père légal, deux couples sur trois se séparent à Paris et à Toulouse, 2 millions d'enfants vivent dans des "familles recomposées« avec seulement un parent biologique, les couples homosexuels se multiplient, etc.

 


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