Cour de cassation - 01-80.134
- wikisource:fr, 26/06/2009
Sommaire |
Visas
CASSATION sur les pourvois formés par X…, contre :
I. L’arrêt de la cour d’appel de Paris, 11ème chambre, en date du 15 décembre 1999, qui, dans les poursuites exercées contre lui des chefs d’injures et diffamations publiques raciales, provocation à la violence et à la violence raciale, provocation non suivie d’effet à des atteintes à la vie et à l’intégrité de la personne, a rejeté l’exception de prescription de l’action publique ;
II. L’arrêt de ladite Cour, en date du 20 décembre 2000, qui l’a condamné pour injures publiques raciales, diffamation publique raciale, et provocation à la violence et à la violence raciale, à 50 000 francs d’amende avec sursis, et a statué sur l’action civile.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Motifs
I. Sur le pourvoi formé contre l’arrêt du 15 décembre 1999 :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 66 de la Constitution, 23, 29, 32, 33, 41-1 et 65 de la loi du 29 juillet 1881, 18-I de la loi n° 85-1317 du 13 décembre 1985, 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, 2, 10, 591 et 593 du Code de procédure pénale :
« en ce que l’arrêt avant-dire-droit du 15 décembre 1999 a dit que l’action publique n’était pas prescrite lors du dépôt de la plainte effective le 27 septembre 1997 ;
« aux motifs qu’il résulte de la procédure et des différentes dépositions que les textes visés dans la prévention sont toujours accessibles au public sur le site que celui-ci a créé à cette fin et ce, depuis 1996 ; que le jugement qui est intervenu le 10 juillet 1997 à la suite de l’assignation qui lui a été délivrée le 8 avril 1997 par l’UEJF fait état de ce que X… a invoqué pour sa défense, entre autres moyens, le fait que les textes en cause avaient été publiés sur le réseau internet le 14 septembre 1996 et qu’en conséquence, au cas où ils seraient constitutifs d’une infraction à la loi de 1881, ils ne sauraient faire l’objet de poursuites pénales, l’action publique étant prescrite ; que l’application des dispositions de l’article 65 qui pose le principe d’un délai de 3 mois à dater du premier jour de publication au-delà duquel l’action publique est éteinte fait l’objet d’une jurisprudence constante, s’agissant d’écrits ou d’images diffusés sur un support papier ou audiovisuel pour lesquels la détermination du premier jour de mise à disposition du public est aisée ne serait-ce que parce qu’elle résulte du support lui-même soit parce que le moment de mise à disposition correspond à un acte précis ; que, si la mise en œuvre de ce principe est aisément applicable à des messages périssables voir furtifs dès lors qu’ils ont fait l’objet d’une publication sur support papier ou audiovisuel , il n’en va pas de même lorsque le message a été publié par internet qui constitue un mode de communication dont les caractéristiques techniques obligent à adapter les principes posés par la loi sur la presse qui visent tout à la fois à protéger la liberté de penser et les valeurs consacrées par ladite loi et le cas échéant à des intérêts particuliers ou collectifs ; que, pour appliquer l’article 65, il est nécessaire de déterminer la date de première mise à disposition du public, le principe étant ainsi posé par le législateur qu’au-delà de 3 mois, dérogatoire du droit pénal commun, le ministère public et les parties civiles n’ont plus vocation à déclencher l’action publique concernant des écrits dont le trouble à l’ordre public censé en être résulté ou le préjudice causé à des tiers devait être considéré comme éteint ou apaisé ; que, dans une telle hypothèse, la publication résulte de la volonté renouvelée de l’émetteur qui place le message sur un site, choisit de l’y maintenir ou de l’en retirer comme bon lui semble ; que l’acte de publication devient ainsi continu ; que cette situation d’infraction inscrite dans la durée est d’ailleurs une notion de droit positif en droit pénal où elle s’applique dans l’incrimination de plusieurs délits ; que, dès lors, il y a lieu de considérer qu’en choisissant de maintenir accessible sur son site les textes en cause aux dates où il a été constaté que ceux-ci y figuraient et en l’espèce le 10 juillet 1997, X… a procédé à une nouvelle publication ce jour-là et s’est exposé à ce que le délai de prescription de 3 mois coure à nouveau à compter de cette date ; qu’il y a donc lieu de considérer que contrairement à l’appréciation des premiers juges c’est à une nouvelle mise à disposition du public que s’est livrée le prévenu en modifiant l’adresse de son site et que c’est à compter du 10 juillet 1997, date du constat d’huissier fondant la prévention que le délai de prescription de l’article 65 a couru ;
que le premier acte de procédure ayant été effectué le 27 septembre, l’action publique n’est pas éteinte à cette date ;
« 1° alors, d’une part, que le fait de publication requis pour les infractions de presse s’entend de la mise à disposition d’un message auprès du public ; que le point de départ de la prescription prévue par l’article 65 court objectivement du jour de la première publication et non du jour de la réception ou de la lecture du message par tel destinataire particulier ; qu’en faisant courir le point de départ de la prescription à partir de la constatation des faits litigieux, et non de leur commission, la Cour a violé les textes susvisés ;
« 2° alors, d’autre part, que les infractions de presse sont, par nature, instantanées ; qu’en reconnaissant un caractère continu aux seuls délits de presse situés sur internet à raison de la durée de la disponibilité d’un message installé sur un site particulier, la cour d’appel a derechef violé les textes susvisés ensemble le principe d’égalité » ;
Vu l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que, lorsque des poursuites pour l’une des infractions prévues par la loi précitée sont engagées à raison de la diffusion sur le réseau internet, d’un message figurant sur un site, le point de départ du délai de prescription de l’action publique prévu par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 doit être fixé à la date du premier acte de publication ; que cette date est celle à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que X… a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs précités, à raison de la diffusion de trois textes sur le réseau internet ; qu’il a fait valoir que les faits étaient prescrits pour avoir été publiés pour la première fois sur ce réseau en 1996 ; qu’il a ajouté que les textes litigieux étaient les mêmes que ceux ayant donné lieu à une assignation devant le juge civil du 8 avril 1997, et soutenu que c’est à compter de cette date, antérieure de plus de 3 mois aux réquisitions aux fins d’enquête du procureur de la République, en date du 29 septembre 1997, que le délai de prescription avait couru ;
Attendu que, pour infirmer le jugement qui avait constaté la prescription de l’action publique, la cour d’appel énonce que sur le réseau internet, « l’acte de publication devient continu » ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, les juges ont méconnu le texte et le principe susénoncés ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
II. Sur le pourvoi contre l’arrêt en date du 20 décembre 2000 :
Attendu que la cassation de l’arrêt précité doit entraîner celle de l’arrêt du 20 décembre 2000, qui en a été la suite et la conséquence, sans qu’il y ait lieu d’examiner le moyen proposé ;
PAR CES MOTIFS
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts de la cour d’appel de Paris, en date des 15 décembre 1999 et 20 décembre 2000 ;
Et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris, autrement composée.