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Cour de cassation - 07-82.106

- wikisource:fr, 13/02/2008



Chambre criminelle - Jacques X… et Philippe Y… - Arrêt n° 7176


Pourvoi n° 07-82.106



Visas

  • Demandeur(s) à la cassation : M. Jacques X…, M. Philippe Y…

Statuant sur le pourvoi formé par :

  • X… Jacques,
  • Y… Philippe,

contre l’arrêt de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre correctionnelle, en date du 1er mars 2007, qui, dans la procédure suivie contre eux du chef de complicité de diffamation envers particuliers, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Motifs

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 32 et 65 de la loi du 29 juillet 1881, 392-1 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi,

« en ce que la cour d’appel a rejeté l’exception de prescription soulevée par Jacques X… et la SA le journal de l’île de la Réunion ;

« aux motifs que les faits diffamatoires allégués correspondent aux dates de publication des articles incriminés les 3 et 4 novembre 2005, ce qui fait courir le délai initial de prescription de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 jusqu’aux 3 et 4 février 2006 ; qu’une première citation délivrée, le 26 janvier 2006, était frappée de nullité par application de l’article 54 de la loi de 1881 pour non-respect du délai de 20 jours entre la citation et la comparution (en l’espèce, 19 jours) ; qu’une deuxième citation était délivrée aux prévenus et au civilement responsable le 2 février 2006 pour comparaître à l’audience du 28 février 2006 aux fins de fixation des montant et date de consignation ; que le 28 février 2006 était rendu un jugement contradictoire à signifier à l’égard des prévenus, ordonnant la consignation par la partie civile de la somme de 750 euros avant le 17 avril 2006, et renvoyant les parties et la cause à l’audience du 18 avril 2006 ; que le jugement du 28 février 2006 emportait également obligation pour la partie civile de signifier cette décision à la partie adverse ; que la consignation n’ayant pas été opérée par la partie civile avant le 17 avril 2006, faute par celle-ci d’avoir obtenu la délivrance de la décision du 28 février 2006, les prévenus et le civilement responsable soulevaient l’irrecevabilité de la citation directe du 2 février 2006 par application de l’article 392-1 du code de procédure pénale ; qu’ils en déduisaient que le jugement du 28 février 2006, rendu sur une citation irrecevable, ne saurait avoir interrompu la prescription ; que cependant, si la signification régulière d’un jugement qui encourt la nullité ne saurait être considérée comme un acte de poursuite valable pour interrompre la prescription de l’action publique, tel n’est pas le cas d’un jugement rendu sur une citation régulière mais dont l’irrecevabilité sera constatée ultérieurement en raison du défaut de consignation dans le délai requis ; qu’en l’espèce, le jugement du 28 février 2006 fixant le montant et les modalités de versement de la consignation n’encourt pas la nullité puisqu’il a été rendu sur la citation régulière du 2 février 2006 ; que cette décision a donc eu pour effet d’interrompre la prescription ainsi reportée au 28 mai 2006 ; qu’or, dans ce nouveau délai est intervenu le jugement du 18 avril 2006, contradictoire à signifier à l’égard des prévenus, et confirmant la consignation à 750 euros ainsi qu’un nouveau délai limite de dépôt au 26 juin 2006 ; que cette nouvelle décision a eu pour effet d’interrompre à nouveau la prescription qui s’est trouvée reportée au 18 juillet 2006 ; que le versement de la consignation a été opéré le 9 mai 2006 ; que les jugements des 28 février 2006 et 18 avril 2006 n’encourent pas de nullité pour défaut de signification ainsi que le soutiennent les prévenus et le civilement responsable, puisque ces dernières ont été opérées par citations régulièrement délivrées les 6 et 9 juin 2006 aux intéressés, puis régulièrement dénoncées au ministère public, soit toujours à l’intérieur du délai de prescription utile expirant le 18 juillet 2006 ; que les prévenus soutiennent en dernier lieu que le jugement du 18 avril 2006 serait frappé de nullité du fait que le jugement de renvoi du 28 février 2006, lui-même contradictoire à signifier, ne leur a pas été signifié, et qu’ils n’ont pas été cités à comparaître pour l’audience du 18 avril 2006 ; que cependant, par cette décision du 18 avril 2006, les premiers juges ont pris acte de l’impossibilité pour la partie civile de signifier et de consigner dans les délais requis pour une cause qui lui était étrangère, et ont en conséquence redéfini les obligations de la partie civile sans faire grief aux intérêts de la partie adverse ; que cette dernière a d’ailleurs indiqué par voie de conclusions que “les prévenus ne se sont pas présentés au tribunal, s’agissant d’une audience de consignation ”; que les prévenus ont pu développer subséquemment leur argumentation en défense tant sur la forme que sur le fond ; que les jugements des 28 février 2006 et 18 avril 2006 n’ont pas été frappés d’appels, ce qui corrobore l’absence de grief pour les défendeurs ; qu’il n’y a pas lieu, en conséquence, de constater ou de prononcer la nullité du jugement du 18 avril 2006 qui a donc interrompu le délai de la prescription ainsi reportée au 18 juillet 2006 ;

« alors qu’en matière de diffamation par voie de presse, seule la citation directe suivie de la consignation dans les délais impartis est recevable et susceptible comme telle de mettre en mouvement l’action publique et d’interrompre la prescription trimestrielle édictée par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ; que les juges du second degré ont constaté que le jugement du 28 février 2006, rendu sur la citation du 2 février 2006, le jour même de l’audience et contradictoirement à l’égard de la partie civile représentée, avait fixé le délai de versement de la consignation au 17 avril 2006 et que la consignation n’avait pas été versée à cette date ; qu’en considérant néanmoins que le jugement du 28 février 2006, rendu sur une citation irrecevable et qui n’avait donc pas pu mettre en mouvement l’action publique, et antérieurement au versement de la consignation le 9 mai suivant, avait interrompu la prescription qui s’était retrouvée reportée au 28 mai 2006, les juges du second degré n’ont pas tiré les conséquences légales de leurs constatations au regard des textes visés au moyen » ;

Vu l’ article 392-1 du code de procédure pénale ;

Attendu que, lorsque l’action de la partie civile qui cite directement un prévenu devant le tribunal correctionnel n’est pas jointe à celle du ministère public, le tribunal fixe le montant de la consignation que la partie civile doit, sous peine de non-recevabilité de cette citation directe, verser au greffe, dans le délai fixé, en vue de garantir le paiement de l’amende civile susceptible d’être prononcée en cas de relaxe ; qu’il ne peut ultérieurement modifier les dispositions de ce jugement devenues définitives à l’égard de la partie civile ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le tribunal correctionnel de Saint-Denis de la Réunion, saisi par une citation directe délivrée le 2 février 2006 par Cyril Z… à l’encontre de Jacques X… et de Philippe Y…, a, par jugement du 28 février 2006, rendu contradictoirement à l’égard de la partie civile, fixé une consignation à verser avant le 17 avril 2006 ; que cette consignation n’a pas été déposée dans le délai imparti ; qu’après qu’un jugement du 18 avril 2006 eut fixé un nouveau délai de versement expirant le 28 mai 2006, la consignation a été versée le 9 mai 2006 ;

Attendu qu’avant tout débat au débat au fond, les prévenus ont soulevé la prescription des actions publique et civile ; que, pour infirmer le jugement ayant accueilli cette exception, l’arrêt énonce que la prescription a été interrompue par les jugements des 28 février et 18 avril 2006 ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que le défaut de versement de consignation avant le 17 avril 2006 rendait la poursuite irrecevable, la cour d’appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D’où il suit que la cassation est encourue ; que, n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu d’examiner le second moyen proposé :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion en date du 1er mars 2007 ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;


Président : M. Joly, conseiller doyen faisant fonction
Rapporteur : M. Guérin, conseiller
Avocat général : M. di Guardia
Avocats : la SCP de Chaisemartin et Courjon


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