Conseil constitutionnel - 2009-575 DC
- wikisource:fr, 28/07/2010
12 février 2009
Visas
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 4 février 2009 dans les conditions prévues à l’article 61, deuxième alinéa, de la Constitution de la loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés par M. Jean-Pierre Bel, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Alain Anziani, David Assouline, Claude Bérit-Débat, Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, M. Yannick Bodin, Mme Nicole Bonnefoy, M. Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Martial Bourquin, Mme Bernadette Bourzai, M. Michel Boutant, Mme Nicole Bricq, M. Jean-Louis Carrère, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Yves Chastan, Mme Jacqueline Chevé, MM. Pierre-Yves Collombat, Yves Daudigny, Yves Dauge, Marc Daunis, Jean-Pierre Demerliat, Mme Christiane Demontès, MM. Jean Desessard, Claude Domeizel, Mme Josette Durrieu, MM. Alain Fauconnier, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Mme Samia Ghali, MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Edmond Hervé, Mmes Odette Herviaux, Annie Jarraud-Vergnolle, M. Claude Jeannerot, Mmes Bariza Khiari, Virginie Klès, MM. Yves Krattinger, Serge Lagauche, Jacky Le Menn, Mme Raymonde Le Texier, MM. Alain Le Vern, André Lejeune, Mme Claudine Lepage, MM. Jacques Mahéas, François Marc, Mme Rachel Mazuir, MM. Jean-Pierre Michel, Jean-Marc Pastor, François Patriat, Daniel Percheron, Daniel Raoul, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Mme Patricia Schillinger, MM. René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Richard Tuheiava, André Vantomme et Richard Yung, sénateurs.
Le Conseil constitutionnel,
- Vu la Constitution ;
- Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- Vu le code général des collectivités territoriales ;
- Vu l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 modifiée sur les contrats de partenariat ;
- Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 6 février 2009 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Motifs
1. Considérant que les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés ; qu’ils contestent la conformité à la Constitution de son article 13 ; Sur l’article 13 :
2. Considérant qu’aux termes de l’article 13 de la loi déférée : « En 2009 et 2010, par dérogation aux articles 7 et 8 de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat et aux articles L. 1414-7, L. 1414-8, L. 1414-8-1 et L. 1414-9 du code général des collectivités territoriales, la personne publique peut prévoir que les modalités de financement indiquées dans l’offre finale présentent un caractère ajustable. Mention en est portée dans l’avis d’appel public à la concurrence. ― Le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le contrat présente le financement définitif dans un délai fixé par le pouvoir adjudicateur ou entité adjudicatrice. À défaut, le contrat ne peut lui être attribué et le candidat dont l’offre a été classée immédiatement après la sienne peut être sollicité pour présenter le financement définitif de son offre dans le même délai » ;
3. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions auraient pour effet de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité devant la commande publique et au bon emploi des deniers publics ; qu’elles seraient en contradiction avec l’objet même du texte qui est d’accélérer les programmes de construction et d’investissement publics et privés ;
4. Considérant que ces dispositions, qui permettent au seul candidat pressenti de faire varier le coût définitif de son offre, ont pour objet de prendre temporairement en compte l’instabilité des marchés financiers dans la détermination des « modalités de financement » du projet de partenariat ; qu’elles ne sauraient avoir pour effet de remettre en cause les conditions de mise en concurrence en exonérant la collectivité de l’obligation de respecter le principe du choix de l’offre économiquement la plus avantageuse ; qu’elles ne sauraient davantage avoir pour effet de permettre au candidat pressenti de bouleverser l’économie de l’offre de partenariat ; qu’en particulier, l’ajustement du prix ne saurait porter que sur la composante financière du coût global du contrat et ne pourrait avoir comme seul fondement que la variation des « modalités de financement » à l’exclusion de tout autre élément ; que, sous cette réserve, l’article 13 de la loi déférée ne porte atteinte ni au principe d’égalité devant la commande publique qui résulte de l’article 6 de la Déclaration de 1789 ni à l’exigence de bon emploi des deniers publics qui découle de ses articles 14 et 15 ;
Sur la place de certaines dispositions dans la loi déférée :
5. Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi est l’expression de la volonté générale… » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article 24 de la Constitution : « Le Parlement vote la loi… » ; qu’aux termes du premier alinéa de son article 39 : « L’initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement » ; que le droit d’amendement que la Constitution confère aux parlementaires et au Gouvernement est mis en œuvre dans les conditions et sous les réserves prévues par ses articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47-1 ;
6. Considérant qu’il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le droit d’amendement qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement doit pouvoir s’exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées ; qu’il ne saurait être limité, à ce stade de la procédure et dans le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, que par les règles de recevabilité ainsi que par la nécessité, pour un amendement, de ne pas être dépourvu de tout lien avec l’objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie ;
7. Considérant, en l’espèce, que le projet de loi comportait sept articles lors de son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, première assemblée saisie ; que, comme le précise l’intitulé des deux premiers titres de la loi, les dispositions de ses cinq premiers articles tendaient à faciliter la construction de logements ainsi que les programmes d’investissements ; que son article 6 habilitait le Gouvernement à créer par ordonnance un régime d’autorisation simplifié applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement ; qu’enfin, son article 7 habilitait le Gouvernement à réformer par ordonnance le régime de l’indemnité temporaire de retraite outre-mer ;
8. Considérant que les articles 22, 26, 31 et 33 ont été insérés dans le projet de loi par des amendements adoptés en première lecture par l’Assemblée nationale le 8 janvier 2009 ; que les articles 32 et 35 ont également été insérés dans ce projet en première lecture par le Sénat le 23 janvier 2009 ;
9. Considérant que l’article 22 modifie les pouvoirs de l’architecte des Bâtiments de France dans la procédure d’autorisation des travaux intervenant dans le périmètre des « zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager » ; que l’article 26 a pour objet d’autoriser certaines exploitations viticoles à utiliser les mentions « grand cru classé » et « premier grand cru classé » ; que l’article 31 ratifie l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence ; que l’article 32 modifie les règles de fonctionnement de l’Association pour la gestion du fonds de pension des élus locaux ; que l’article 33 habilite le Gouvernement à réaliser par ordonnance un code de la commande publique ; que l’article 35 repousse à soixante-dix ans la limite d’âge des présidents de conseil d’administration des établissements publics de l’État ;
10. Considérant que ces dispositions, qui sont dépourvues de tout lien avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, ont été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution ;
11. Considérant, par voie de conséquence, qu’il y a lieu de déclarer contraires à la Constitution les articles 22, 26, 31, 32, 33 et 35 de la loi déférée ;
12. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d’office aucune autre question de conformité à la Constitution… (Articles 22, 26, 31, 32, 33 et 35 de la loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés déclarés contraires à la Constitution ; article 13 de la même loi non contraire à la Constitution sous la réserve énoncée au considérant 4.)