Cour de cassation - 08-82.521
- wikisource:fr, 11/07/2009
23 juin 2009
Sommaire |
Visas
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- Gollnisch Bruno, prévenu,
- La fédération départementale du Rhône du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples,
- L’Association nationale du mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, parties civiles,
contre l’arrêt de la cour d’appel de LYON, 7ème chambre, en date du 28 février 2008, qui a condamné le premier, pour contestation de crimes contre l’humanité, à trois mois d’emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d’amende ainsi qu’à une mesure de publication et a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile des deux autres ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires en produits en demande, en défense et en réplique ;
Motifs
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Bruno Gollnisch a été cité directement par le ministère public devant le tribunal correctionnel pour contestation de crimes contre l’humanité en raison des propos tenus lors d’une conférence de presse organisée au siège de la fédération lyonnaise du Front national, et ci-après repris, à partir des déclarations des journalistes les ayant recueillis :
« Il n’y a aucun historien sérieux qui adhère intégralement aux conclusions du procès de Nuremberg, je pense que sur le drame concentrationnaire la discussion doit rester libre. Sur le nombre de morts, sur la façon dont les gens sont morts, les historiens ont le droit d’en discuter. L’existence des chambres à gaz, c’est aux historiens d’en discuter »
« Il n’existe plus aucun historien sérieux qui adhère intégralement aux conclusions du procès de Nuremberg. Cela ne fait pas de moi l’apologiste des crimes indiscutables commis par le National Socialisme au cours de la seconde guerre mondiale, régime pour lequel ni moi ni mes amis n’avons eu jamais la moindre sympathie. Le nombre effectif de morts, les historiens peuvent en discuter »
« Je ne remets pas en cause l’existence des camps de concentration, il y a eu des déportations pour des raisons raciales sans doute des centaines de milliers ou millions de personnes exterminées. Le nombre effectif des morts, 50 ans après les faits, les historiens pourraient en discuter. Moi je ne nie pas les chambres à gaz homicides mais la discussion doit rester libre »
« L’existence des chambres à gaz c’est aux historiens d’en discuter » ;
Attendu que le tribunal a déclaré la prévention partiellement établie et a prononcé sur les actions publique et civile ;
En cet état :
Sur le pourvoi de Bruno Gollnisch :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 53 de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de nullité de la citation tirée de l’absence de précision des propos incriminés ;
« aux motif que la citation, après avoir donné toutes les indications de temps, de lieu et de mode de profération « par paroles » , a, sous la présentation formelle de quatre paragraphes, ponctués chacun de guillemets, reproduit les paroles prononcées par le prévenu lors de la conférence de presse tenue devant plusieurs journalistes qui ont ainsi pu rapporter ce qu’ils avaient entendu ; que l’articulation en quatre paragraphes, précédés chacun de guillemets, énumérant des propos placés en italiques, reliés entre eux par des termes de coordination, démontre, ne serait-ce que par la présentation formelle, que c’est bien l’ensemble des propos, ainsi relatés entre guillemets, qui sont reprochés à Bruno Gollnisch ; que la circonstance que certains de ces propos ont été tenus en réponse à des questions n’a pas été éludée dans la citation, dans la mesure même où ce point a été évoqué explicitement à la fin de la citation à la suite d’une question d’un journaliste et que la non-formulation de la question ne modifie aucunement le sens et la portée du propos tenu ;
« alors qu’il résulte de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 que la citation doit préciser le fait incriminé et notamment le contenu exact des propos reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été tenus ; qu’en l’espèce, la citation vise successivement deux versions différentes du début d’une « déclaration » faite par Bruno Gollnisch, l’une rapportée par le journaliste Frédéric Y…, l’autre rapportée par les journalistes Matthieu Z…, Sophie A…, Catherine B…, Bernard C… et Fanny D…, puis la suite de cette prétendue déclaration rapportée par ces cinq derniers journalistes et, enfin, la conclusion de ladite déclaration faisant suite à une question d’un journaliste et rapportée seulement par Frédéric Y… et Catherine B…, qu’il n’est pas contestable ni contesté que les propos de Bruno Gollnisch sur ce sujet ont tous été tenus en réponse à des questions posées par des journalistes en deuxième partie de sa conférence de presse et n’ont fait l’objet d’aucune déclaration spontanée qui se serait conclue par une réponse à une unique question d’un journaliste ; que la prétendue déclaration faite par Bruno Gollnisch constitue en réalité un assemblage de bribes de réponses faites à différentes questions et que certains seulement des journalistes présents auraient entendues (un, deux ou cinq selon les cas) et que dès lors, la citation manquait totalement de précision quant aux propos prêtés à Bruno Gollnisch et poursuivis sous la prévention de contestation de crime contre l’humanité » ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 24 bis, 53 de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de nullité de la citation tirée de l’absence d’indication du crime contre l’humanité que Bruno Gollnisch aurait contesté ;
« aux motifs que le délit, tel qu’il est défini par l’article 24 bis de ladite loi, renvoie au crime défini par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945, commis par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 du statut ou par des personnes condamnées par ledit tribunal ou par une juridiction française et qu’en l’espèce, la référence au crime contesté, poursuivi et sanctionné lors du procès de Nuremberg est d’évidence, sans qu’il soit nécessaire de viser le jugement dans la citation ;
« alors qu’il résulte de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 que la citation doit préciser le fait incriminé, que, par conséquent, s’agissant du délit de contestation du crime contre l’humanité, la citation doit préciser le ou les crimes contre l’humanité qu’il est reproché au prévenu d’avoir contesté en se référant à une décision de condamnation pour un tel crime d’une juridiction française ou internationale ; qu’en l’espèce, la citation ne précise pas le ou les crimes contre l’humanité qu’il est reproché à Bruno Gollnisch d’avoir contesté et que cette précision n’était nullement « d’évidence », ceci d’autant plus que, dans les propos incriminés, figurent les affirmations de celui-ci selon lesquelles il ne remet en cause ni les crimes indiscutables commis par le national socialisme au cours de la seconde guerre mondiale, ni l’existence des camps de concentration, ni les déportations pour raisons raciales, ni l’existence des chambres à gaz » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour rejeter les exceptions de nullité de la poursuite tirées de ce que la citation ne précisait ni le contenu exact des propos reprochés ni le ou les crimes contre l’humanité qu’il était imputé à Bruno Gollnisch d’avoir contestés, l’arrêt retient que la citation énonce l’ensemble des propos prononcés par le prévenu tels que rapportés par plusieurs journalistes et qu’elle vise l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, lequel renvoie aux crimes définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale ;
Que la cour d’appel en déduit, à bon droit, que la citation satisfait aux exigences de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;
D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Bruno Gollnisch coupable du délit de contestation de crimes contre l’humanité prévu à l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 ;
« aux motifs qu’en règle générale, la parole acquiert un caractère public, quand elle est proférée, c’est-à-dire « articulée à haute voix », dans l’intention qu’elle soit largement entendue ; que le tribunal, à bon droit, a retenu que le fait de s’adresser à un certain nombre de journalistes venus assister à une conférence de presse démontre que le prévenu avait l’intention de rendre ses propos publics, en sorte que Bruno Gollnisch est bien publicateur par profération ; que d’ailleurs, le prévenu lui-même reconnaît (page 15 de ses conclusions) qu’il désirait que ses propos soient rendus publics puisqu’il tenait une conférence de presse ; que la nature privée du lieu où s’est tenue la conférence de presse est sans aucune conséquence sur la publicité des propos tenus par Bruno Gollnisch, en présence de journalistes, convoqués intentionnellement par le prévenu pour que ses propos puissent être recueillis, publiés, lus et entendus, par des lecteurs de la presse écrite et des auditeurs de la presse audiovisuelle ; qu’il convient de rappeler cette vérité d’évidence que des réunions publiques peuvent être tenues dans un lieu privé, devenant, le temps de la conférence de presse, « un lieu public occasionnel » ; qu’il est incontestable que les propos tenus par Bruno Gollnisch l’ont été en public et que l’intention de leur auteur était de leur donner le plus grand retentissement possible et que la juridiction de jugement n’a aucune appréciation à porter sur le choix opéré par le ministère public de retenir la forme de publication par profération plutôt que d’adosser la publicité à une publication par voie de presse ;
« alors qu’il résulte de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 que, pour satisfaire à la condition de publicité des délits prévus au chapitre IV de cette loi lorsqu’ils sont commis par la parole, les propos incriminés doivent avoir été proférés dans un lieu public ou lors d’une réunion publique ; que l’intention de l’auteur de ces propos de les rendre publics ne suffit pas ; qu’en l’espèce Bruno Gollnisch a été poursuivi pour contestation de crime contre l’humanité à raison de la profération de certains propos lors de sa conférence de presse du 11 octobre 2004 ; que cette conférence de presse ayant eu lieu à la permanence électorale de celui-ci, les propos incriminés ont été tenus dans un lieu privé ; que, par ailleurs, seuls y ayant participé des journalistes nominativement conviés et contrôlés à l’entrée, elle constituait une réunion privée et que, par conséquent, quelles que soient la conscience et même l’intention que Bruno Gollnisch pouvait avoir que ses propos seraient repris dans la presse, la condition de publicité faisait défaut » ;
Attendu que, pour écarter l’argumentation du prévenu faisant valoir que les propos incriminés n’ayant pas été proférés dans un lieu public, la circonstance de publicité prévue par l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 faisait défaut, l’arrêt retient que Bruno Gollnisch a tenu une conférence de presse à laquelle il avait intentionnellement convié des journalistes afin que ses propos fussent publiés ;
Qu’en l’état de ces seuls motifs, les juges ont justifié leur décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Bruno Gollnisch coupable du délit de contestation de crimes contre l’humanité ;
« aux motifs que Bruno Gollnisch a tenu les propos suivants : « L’existence des chambres à gaz, c’est aux historiens d’en discuter » (3ème phrase du 1er paragraphe et phrase unique du 4ème paragraphe). « Moi, je ne nie pas les chambres à gaz homicides mais la discussion doit rester libre » (3ème phrase du 3ème paragraphe) et « Je pense que sur le drame concentrationnaire, la discussion doit rester libre » ; que ces propos sont constitutifs du délit de contestation de crimes contre l’humanité en ce qu’ils appellent, sur l’existence des chambres à gaz homicide, à un débat libre entre historiens et donnent une image positive des historiens révisionnistes (v. arrêt, p. 17 et 18) ; que Bruno Gollnisch a également tenu les propos suivants : « Il n’y a aucun historien sérieux qui adhère intégralement aux conclusions du procès de Nuremberg » et « il n’existe plus aucun historien sérieux qui adhère intégralement aux conclusions du procès de Nuremberg » (1ère phrase du 1er et du 2ème paragraphe) ; que ces propos sont aussi constitutifs du délit de contestation de crimes contre l’humanité en ce qu’ils présentent de façon falsifiée les conclusions du procès de Nuremberg à propos du massacre de Katyn et jettent ainsi le discrédit sur les décisions du tribunal de Nuremberg (v. arrêt, p. 19 et 20) ; que Bruno Gollnisch a enfin tenu les propos suivants : « Je ne remets pas en cause l’existence des camps de concentration, il y a eu des déportations pour des raisons raciales sans doute des centaines de milliers ou millions de personnes exterminées » (1ère phrase 3ème paragraphe), rapportés par Sophie A…, Fanny D…, Catherine B…, Bernard C…, Mathieu Z… et que ces propos sont encore constitutifs du délit de contestation de crimes contre l’humanité en ce qu’ils tendent à jeter le discrédit sur l’évaluation communément admise de 5 à 6 millions de victimes juives et mettent en doute l’importance de l’holocauste (v. arrêt, p. 21 et 22) ;
« alors que les propos incriminés par la citation sont constitués de bribes de réponses à une série de plusieurs questions posées successivement par des journalistes présents lors de la conférence de presse, rapportées – sans indication du contenu des questions – par tel ou tel d’entre eux, mises bout à bout dans le désordre et présentées inexactement comme une déclaration se concluant par une réponse à une unique question ; que, pour les déclarer constitutifs du délit de contestation de crimes contre l’humanité, la cour d’appel a extrait de cette compilation certaines de ces bribes disparates de réponses pour les regrouper par thèmes (les chambres à gaz, le procès de Nuremberg, le nombre de victimes) sans chercher davantage à reconstituer le dialogue qui s’était instauré sur ces sujets entre les journalistes et Bruno Gollnisch (comme ce dernier l’avait pourtant fait lui-même) pour saisir le sens et la portée exacte des propos qui lui étaient imputés et que la cour d’appel ne pouvait donc légalement déclarer constitué le délit de contestation de crimes contre l’humanité » ;
Et sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 24 bis, 53 de la loi du 29 juillet 1881, 388 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Bruno Gollnisch coupable du délit de contestation de crimes contre l’humanité ;
« aux motifs, d’une part, que Bruno Gollnisch a tenu les propos suivants : « L’existence des chambres à gaz, c’est aux historiens d’en discuter » (3ème phrase du 1er paragraphe et phrase unique du 4ème paragraphe). « Moi, je ne nie pas les chambres à gaz homicides mais la discussion doit rester libre » (3ème phrase du 3ème paragraphe) et « Je pense que sur le drame concentrationnaire, la discussion doit rester libre » ; qu’une lecture simpliste des propos susrappelés pourrait donner à penser que Bruno Gollnisch ne nie pas l’existence des chambres à gaz (puisque précisément il affirme ne pas le nier), qu’il ne prend pas partie dans le débat et qu’il se contente de laisser les spécialistes que sont les historiens en débattre en toute liberté ; qu’en réalité, ainsi que l’a relevé justement le tribunal, les précautions oratoires utilisées par Bruno Gollnisch (« moi, je ne nie pas les chambres à gaz homicides, mais…) relèvent purement et simplement, derrière un habillage feutré et subtil, d’un procédé de dissimulation ; que l’essentiel se trouve derrière le « mais » ; qu’il apparaît que les propos de Bruno Gollnisch sont doublement répréhensibles : 1) en ce que son appel à un débat entre historiens a pour objet et pour effet de mettre en doute la réalité de l’utilisation massive des chambres à gaz aux fins d’extermination du peuple juif, 2) en ce qu’il est entré lui-même dans le processus de contestation de l’existence de crimes contre l’humanité ; qu’en effet, la réalité, l’ampleur et la gravité d’événements historiques, tels que les persécutions des juifs par le régime nazi, l’holocauste et l’extermination massive et planifiée au moyen de chambres à gaz, sont clairement établies et ne font pas l’objet de débats entre historiens ; que dès lors, en appeler à un débat « libre » entre historiens ne relève, en aucune manière, d’une volonté de recherche historique pour satisfaire à une quête de vérité, mais consiste à jeter le doute sur la réalité de ces événements historiques incontestables et d’accuser de falsifications historiques les victimes elles-mêmes ; que, bien mieux, Bruno Gollnisch ne s’est pas contenté d’en appeler à une discussion libre entre historiens (et à ce seul titre, il tombe sous le coup de la loi pénale), mais il a pris parti personnellement, en donnant de ces « historiens » « hétérodoxes » ou négationnistes, une présentation complaisante ; que, pour s’en convaincre, le tribunal a, fort opportunément, rappelé des paroles tenues par le prévenu lors de sa conférence de presse (suit la reproduction de propos prêtés à Bruno Gollnisch par quatre journalistes mais ne figurant pas dans la citation) ; qu’en émettant un jugement de valeur positif sur ces « historiens » révisionnistes, qualifiés de « gens sérieux » développant « les arguments qui ne sont pas injurieux », Bruno Gollnisch a pris, lui-même, parti sur le bien-fondé des thèses développées par ces négationnistes ;
« 1°) alors que la citation fixe irrévocablement la nature, l’étendue et l’objet de la poursuite ainsi que les points sur lesquels le prévenu aura à se défendre ; qu’en l’espèce, en retenant que Bruno Gollnisch ne s’était pas contenté d’en appeler en une libre discussion entre historiens, mais avait aussi pris parti personnellement en donnant des historiens révisionnistes une présentation complaisante dans des propos rapportés par quatre des journalistes présents, propos qu’elle reproduit mais qui ne figurent pas dans la citation, la cour d’appel s’est prononcée sur des faits nouveaux non relevés par la citation et sur lesquels Bruno Gollnisch n’a pas été mis en mesure de se défendre ;
« 2°) alors que, dans les propos susvisés qui lui sont prêtés, Bruno Gollnisch dit qu’il ne nie pas les chambres à gaz homicides mais que la discussion entre historiens doit rester libre ; qu’une telle proposition ne constitue nullement le délit de contestation de crime contre l’humanité prévu par l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, qu’en effet, le jugement de Nuremberg fait état de chambres à gaz uniquement dans trois camps, de sorte qu’il est parfaitement licite de discuter de leur existence dans d’autres lieux, comme le font nombre d’historiens reconnus et que la cour d’appel ne pouvait légalement retenir l’intention supposée de Bruno Gollnisch pour donner aux propos incriminés un sens caché prévalant sur leur sens clair et évident et les faire ainsi tomber sous le coup du délit de contestation de crime contre l’humanité ;
« aux motifs, d’autre part, que Bruno Gollnisch a également tenu les propos suivants : « Il n’y a aucun historien sérieux qui adhère intégralement aux conclusions du procès de Nuremberg » et « Il n’existe plus aucun historien sérieux qui adhère intégralement aux conclusions du procès de Nuremberg » (1ère phrase du 1er et du 2ème paragraphe) ; que Bruno Gollnisch s’empare du massacre de Katyn pour jeter le discrédit sur les décisions du tribunal de Nuremberg ; que le rappel du massacre de Katyn n’est que le moyen pour parvenir à la fin ; que cette fin, ainsi que l’a relevé le tribunal, apparaît notamment dans l’interview à I Télé où le prévenu n’évoquait pas le massacre de Katyn, mais parlait de « telle ou telle conclusion du tribunal de Nuremberg » ; que, dans cette même interview, Bruno Gollnisch ajoutait, ce qui témoigne de sa volonté de remettre en cause les décisions de Nuremberg, « … il y a beaucoup de personnalités qui remettent en cause euh… l’histoire officielle en quelque sorte et qui… et qui viennent de la gauche… je vous signale qu’il y en a autant à Lyon II qu’à Lyon III, il y en a à Nantes, il y en a un peu partout » ; qu’au surplus, si le massacre de Katyn figurait dans l’acte d’accusation du procès de Nuremberg, les accusés n’ont pas été déclarés coupables de ce fait ; que, dès lors, s’emparer du massacre de Katyn pour suggérer que le tribunal de Nuremberg a pu commettre une erreur et que l’ensemble de ses décisions sont sujettes à caution, revient à opérer une grossière falsification ; qu’en conséquence, en faisant une présentation falsifiée des conclusions du procès de Nuremberg à propos du massacre de Katyn, Bruno Gollnisch n’a pas restreint son propos à une critique autorisée de la procédure ou des débats devant ce même tribunal, mais il a jeté le discrédit sur la chose jugée par ce tribunal en insinuant une erreur judiciaire susceptible de disqualifier le jugement en son ensemble ;
« 3°) alors que la citation fixe irrévocablement la nature, l’étendue et l’objet de la poursuite ainsi que les points sur lesquels le prévenu aura à se défendre et qu’en l’espèce, en se référant à d’autres propos tenus par Bruno Gollnisch dans une interview donnée à I Télé pour y trouver une intention de jeter le discrédit sur les décisions du tribunal de Nuremberg, la cour d’appel s’est prononcée sur des faits nouveaux non relevés par la citation et sur lesquels il n’a pas été mis en mesure de se défendre ;
« 4°) alors que, dans les propos susvisés qui lui sont prêtés, Bruno Gollnisch dit qu’il n’y a plus aucun historien sérieux qui adhère intégralement aux conclusions de Nuremberg et cite comme exemple le massacre de Katyn mis sur le compte des allemands alors qu’il avait été perpétré par les soviétiques ; que de tels propos ne constituent nullement le délit de contestation de crimes contre l’humanité prévu par l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 et que la cour d’appel ne pouvait légalement, pour entrer néanmoins en voie de condamnation, donner à ses propos une portée dépassant leur sens clair et précis en se référant à d’autres propos tenus dans d’autres circonstances qui révéleraient la véritable intention de Bruno Gollnisch lorsqu’il a prononcé lesdits propos ;
« aux motifs, enfin, que Bruno Gollnisch a encore tenu les propos suivants : « Je ne remets pas en cause l’existence des camps de concentration, il y a eu des déportations pour des raisons raciales sans doute des centaines de milliers ou millions de personnes exterminées » (1ère phrase 3ème paragraphe), rapportés par Sophie A…, Fanny D…, Catherine B…, Bernard C…, Matthieu Z… ; qu’une lecture rapide des propos tenus Bruno Gollnisch pourrait laisser croire que celui-ci, non seulement ne conteste pas les exterminations de juifs pour des raisons raciales, mais, bien mieux, présente un accent de sincérité compassionnelle, allant, comme l’indique le tribunal, jusqu’au paradoxe de laisser croire que le singulier (« un seul mort ») pouvait s’égaler au multiple et suffire à caractériser un génocide ; qu’en réalité, le procédé employé, toujours de manière lisse, feutrée, subtile, « policée », tend à jeter le discrédit sur l’évaluation communément admise de cinq à six millions de victimes juives ; que le tribunal a parfaitement démasqué l’attitude du prévenu en écrivant : « en accolant les chiffres les plus variés, passant d’un extrême à l’autre, de « centaines de milliers ou millions », jusqu’à « un seul », le prévenu insinue qu’en la matière, régnerait le flou le plus complet. En plaçant le curseur à des « centaines de milliers », celui-ci tend vers la minoration, mais se rattrape aussitôt en jetant, comme à l’encan, le chiffre de « millions », avant de disqualifier toute tentative d’estimation d’un ordre de grandeur en envisageant le chiffre d’un seul, estimation à tout le moins singulière pour prendre la mesure d’un crime de masse. Ces « variations », en réalité, visent à relativiser l’ampleur du crime en insinuant qu’il n’y a pas de « chiffre précis » et se placent sur une échelle allant de « centaines de milliers » à « des millions », et, pour protester de sa bonne foi, va même, en une sorte de provocation, jusqu’à dire qu’un seul mort serait déjà un mort de trop » ; qu’en effet, ce qui est incontestable, dans la Shoah, et ce que conteste pourtant Bruno Gollnisch, c’est l’ordre de grandeur, l’ampleur du nombre des victimes, l’aspect « massif et industriel » de l’extermination ; que l’existence de l’extermination des juifs est indissociable de son importance et tenter de mettre en doute l’importance de l’holocauste équivaut à contester l’existence de ce crime contre l’humanité ; que Bruno Gollnisch, par ses propos, tend à installer un doute dans l’esprit du lecteur ou de l’auditeur en lui suggérant que la vérité sur le nombre des victimes n’est pas établie et que l’affirmation du nombre de cinq à six millions de victimes ne correspond pas forcément à la réalité ;
« 5°) alors que la citation fixe irrévocablement la nature, l’étendue et l’objet de la poursuite ainsi que les points sur lesquels le prévenu aura à se défendre ; qu’en l’espèce, en retenant que Bruno Gollnisch avait dit non seulement qu’il y avait eu des centaines de milliers ou des millions de personnes exterminées mais également que s’il n’y avait eu qu’un seul mort, ça aurait été un mort de trop, la cour d’appel s’est prononcée sur des faits nouveaux non relevés par la citation et sur lesquels Bruno Gollnisch n’a pas été mis en mesure de se défendre ;
« 6°) alors que, dans les propos susvisés qui lui sont prêtés, Bruno Gollnisch dit qu’il ne remet pas en cause l’existence des camps de concentration et qu’il y a eu des déportations pour des raisons raciales, sans doute des centaines de milliers ou millions de personnes exterminées, que de tels propos, tenus de surcroît spontanément dans le cours d’une réponse improvisée, ne peuvent être assimilés à une « minoration outrancière » du nombre de victimes du nazisme et ne constituent nullement le délit de contestation de crime contre l’humanité prévu par l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 et que la cour d’appel ne pouvait légalement retenir l’intention supposée de Bruno Gollnisch pour donner aux propos un sens caché prévalant sur leur sens clair et évident et les faire ainsi tomber sous le coup de ce délit » ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 24 et 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu qu’il appartient à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur le point de savoir si dans les propos retenus dans la prévention se retrouvent les éléments légaux de la contestation de crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable du délit de contestation de crimes contre l’humanité, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que Ies propos retenus dans la citation, qui renferment des énonciations contradictoires, ne permettent pas de caractériser à la charge du prévenu le délit de contestation d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels que définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et commis, soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus énoncé ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu d’examiner le sixième moyen proposé :
CASSE ET ANNULE l’arrêt de la cour d’appel de Lyon en date du 28 février 2008 ;
Dit n’y avoir lieu à statuer sur le pourvoi des parties civiles, devenu sans objet ;
DÉCLARE IRRECEVABLES les demandes présentées au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Et attendu qu’il ne reste rien à juger ;
Vu l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Étaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, Mme Degorce conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Anzani, Palisse, Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori, Monfort conseillers de la chambre ;
Avocat général : M. Mouton ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;