Cour de cassation - 07-83.427
- wikisource:fr, 19/08/2007
11 juillet 2007
Visas
Demandeurs à la cassation : X… Mohamed, Y… Rachid et Z… Abdelkader,
contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Amiens, en date du 9 mars 2007, qui, dans l’information suivie contre eux pour infractions à la législation sur les stupéfiants, a rejeté leurs requêtes en annulation d’actes de la procédure ;
Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 31 mai 2007, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Motifs
- Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 53 et suivants du code de procédure pénale, 591 et 593 du code de procédure pénale
« en ce que l’arrêt attaqué a constaté que la procédure suivie contre les demandeurs était régulière et qu’il n’y avait lieu à aucune annulation et rejeté leurs requêtes en annulation ;
« aux motifs que, par trois requêtes déposées le 22 janvier 2007, dans les formes et délais fixés par la loi, par les conseils respectifs de Mohamed X…, Abdelkader Y… et Rachid Y…, il est demandé l’annulation de l’intégralité des actes de procédure concernant les demandeurs et, par voie de conséquence, leur remise en liberté immédiate pour violation des dispositions de l’article 53, alinéa 1er, du code de procédure pénale relatives à la définition de la flagrance, aux motifs, qu’en l’espèce, les conditions de l’état de flagrance n’étaient manifestement pas réunies, en l’absence d’indices objectifs d’une activité délictuelle, la dénonciation anonyme ne suffisant pas ; que l’article 53, alinéa 1er, du code de procédure pénale dispose : “est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre ; qu’il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit” ; qu’en l’état du droit positif, l’état de flagrance est caractérisé dès lors qu’il résulte des constatations des juges du fond que les officiers de police judiciaire ont relevé l’existence d’indices apparents d’un comportement délictueux, révélant l’existence d’infractions répondant à la définition de l’article 53 du code de procédure pénale ; qu’en conséquence, il convient d’analyser les premiers actes d’enquête diligentée par les officiers de police judiciaire ;
« le procès-verbal de saisine du 30 octobre 2006 à 9 heures 50 (cote D 3) ; que le brigadier chef Franck Champenois, officier de police judiciaire en résidence à Amiens, relate qu’étant au service, il est informé par le centre de commandement et d’information qu’une personne désirant garder l’anonymat vient d’appeler ce service pour signaler qu’un véhicule Mercedes serait stationné devant le n° 13 de la rue du Docteur Fafet à Amiens, avec une importante quantité de drogue à l’intérieur ; que la personne a refusé de décliner son identité, néanmoins la ligne téléphonique 03.22.52.00.42 utilisée par l’informateur correspondait à une cabine téléphonique France Télécom située 9, rue Marivaux à Amiens ; qu’aussitôt, l’officier de police judiciaire et ses collègues se transportaient au 13, rue du Docteur Fafet et constataient la présence d’un véhicule Mercedes type E 240, de couleur foncée, immatriculé 3128 WP 80, stationné devant l’entrée de l’immeuble située au n° 13 de la rue précitée ; que le véhicule n’était pas occupé et qu’aucune autre Mercedes n’était stationnée aux alentours ; que son propriétaire était identifié comme étant Mohamed X…, demeurant à Amiens, 19-24, allée Eugène Varlin ; que la consultation des fichiers de police (D 4) faisait ressortir que cet individu était connu, notamment pour des affaires d’infractions à la législation sur les stupéfiants et qu’il entretenait des relations régulières avec Abdelkader Y…, soupçonné de se livrer à un trafic d’héroïne sur le quartier nord d’Amiens ; que l’officier de police judiciaire a avisé de ces faits le parquet d’Amiens pris en la personne de M. Petitprez, procureur adjoint, de permanence ; que ce magistrat a donné instruction à l’officier de police judiciaire de poursuivre l’enquête en flagrance ; qu’agissant en enquête de flagrance, l’officier de police judiciaire mettait en place un dispositif de surveillance ;
« le procès-verbal du 30 octobre 2006 à 11 heures 55 établi par le brigadier-chef Champenois (cote D 5) ; que cet officier de police judiciaire, se trouvant toujours 13, rue du Docteur Fafet, déclarant agir en flagrance, après avoir procédé aux constatations suivantes : - le lieu de stationnement du véhicule Mercedes 3128 WP 80, - l’absence de “ personnes se présentant à ce véhicule ”, - l’absence de renseignements sur l’endroit où se trouvait le conducteur de cette automobile, - la présence de nombreux jeunes du quartier ayant identifié ses collègues et lui-même comme étant des policiers, rendait compte de ces faits au procureur de la République adjoint, lequel l’autorisait à faire transporter le véhicule au commissariat central pour éviter tous problèmes avec les jeunes du quartier et préserver les éventuels traces et indices ; que le brigadier-chef délivrait aussitôt une réquisition au responsable du garage du Petit Saint Jean d’Amiens aux fins de transporter le véhicule au commissariat central d’Amiens (selon réquisition annexée) ; que l’officier de police judiciaire demandait au garage Mercedes d’Amiens de dépêcher un technicien au commissariat central afin d’ouvrir le véhicule ;
« le procès-verbal établi le 30 octobre 2006 à 14 heures par le brigadier-chef Champenois (cote D 6) ; que l’officier de police judiciaire procédait, en présence de deux témoins, Yves A…, gérant de société, et Sébastien B…, après ouverture du véhicule par le technicien de la société Mercedes, à une perquisition dudit véhicule à l’intérieur duquel divers objets et documents pouvant intéresser l’enquête étaient découverts ; que, derrière la garniture du coffre, les enquêteurs constataient la présence de huit paquets, entourés de papier adhésif de couleur marron et maintenus par le tuyau relié au réservoir du véhicule sur la droite et trois paquets sur la gauche, le tout pour 5,7 kilogrammes ; que ces paquets contenaient une poudre de couleur brunâtre qui s’avérait être de l’héroïne ; que des traces papillaires étaient relevées à l’intérieur du véhicule et tous les objets étaient placés sous scellés ; que, le 31 octobre 2006 à 6 heures, le brigadier-chef Champenois prenait connaissance d’un message reçu par le centre d’information la veille vers 21 heures 45 (D 11) ; que le message émanait de l’informateur anonyme du matin, qui faisait savoir que deux individus mis en cause dans un trafic de stupéfiants, dont le propriétaire de la Mercedes, se trouvaient dans un logement situé 13-64, rue du Docteur Fafet, en possession de produits stupéfiants, en compagnie d’une personne qu’il serait intéressant d’entendre ; que les enquêteurs identifiaient l’occupante de cet appartement en la personne de Nadia C… qui, entendue, impliquait les trois autres personnes mises en examen ; que la procédure d’enquête était clôturée le 2 novembre 2006 à 14 heures ; que l’examen de ces procès-verbaux permet de constater qu’il y avait délit flagrant au sens de l’article 53 du code de procédure pénale et que la procédure de flagrance autorisant les policiers à procéder aux actes de contrainte, notamment la fouille du véhicule, a été régulièrement mise en œuvre : a) dénonciation de l’existence actuelle d’un délit de détention de stupéfiants ; que les policiers sont avisés, par un informateur certes non identifié mais ayant appelé d’une cabine téléphonique du quartier nord d’Amiens, qu’un délit, commun dans ce quartier difficile, est en train de se commettre -détention dans un véhicule Mercedes d’une grande quantité de drogue, produit illicite- ; que leur déplacement rapide sur les lieux aux fins d’enquête apparaît dès lors justifié ; b) collecte d’indices corroborant la dénonciation du délit ; que, rendus sur place, les policiers constatent effectivement la présence du véhicule Mercedes décrit et se livrent à des vérifications quant à son propriétaire par consultation du fichier des cartes grises ; que celui-ci s’avère être Mohamed X… ; que, selon extraits de main courante (D 4), celui-ci est connu pour se livrer au trafic de stupéfiants et fréquente d’autres individus défavorablement connus pour des faits similaires, notamment Rachid Y…, qu’il a l’interdiction de rencontrer dans le cadre d’un contrôle judiciaire ; c) avis régulièrement donné au procureur de la République selon l’article 53 du code de procédure pénale aux fins de contrôle de l’enquête désormais diligentée en flagrance ; d) poursuite de la surveillance sur place ; que, de 9 heures 50 à 11 heures 55 (soit deux heures), les policiers poursuivent leur surveillance sur place et ce n’est qu’après avoir constaté l’impossibilité de joindre le propriétaire du véhicule et la présence de nombreux jeunes les ayant reconnus que sont envisagées de nouvelles investigations dans le véhicule désigné comme recelant de la drogue et servant à commettre l’infraction ; e) procédure d’enlèvement du véhicule et sa fouille ; qu’afin d’éviter les débordements et aux fins de préserver “ les éventuels traces et indices ” -et plutôt d’en éviter leur disparition grâce à une solidarité de quartier- le procureur de la République autorisait les policiers, qui lui avaient décrit l’état de la situation, à faire remorquer le véhicule au commissariat de police pour procéder à sa fouille, qui aura lieu en présence de deux témoins et qui s’avérera fructueuse, permettant effectivement de saisir et de mettre hors circuit plus de cinq kilos d’héroïne ; qu’en réalité, ce sont ces derniers actes accomplis sur le véhicule de Mohamed X…, dans les conditions autorisées par la procédure de flagrance, qui sont argués de nullité par les demandeurs ; qu’en toute hypothèse, jusqu’à cette perquisition, tous les autres actes accomplis par la police judiciaire auraient pu l’être aussi en enquête préliminaire et aucune irrégularité ne les affecte ; qu’en l’espèce, les constatations de l’officier de police judiciaire, reprises dans les différents procès-verbaux et la description de ses diligences permettent d’établir qu’il existait préalablement à la perquisition des indices apparents et convergents d’un comportement délictueux étayant la dénonciation de ce que l’unique Mercedes, garée dans la rue Fafet, qui se révélait appartenir à un jeune homme sans profession, connu des services de police pour des faits de trafics de stupéfiants et ayant des relations suivies avec des personnes connues pour des trafics similaires, refermait des produits stupéfiants ; que ces indices relevés avant la perquisition par les policiers, agissant de surcroît sous le contrôle constant du procureur de la République, caractérisent l’état de flagrance au sens de l’article 53 du code de procédure pénale et les actes accomplis dans ce cadre ; qu’il n’y a donc lieu à annuler aucun acte de la procédure suivie dans le cadre de la flagrance ayant conduit à l’ouverture d’une information et aux mises en examen des demandeurs ; que, par ailleurs, ils ne relevaient postérieurement aucune autre irrégularité susceptible d’être relevée d’office ; que la procédure étant jugée régulière, il n’y a pas lieu non plus à annulation des ordonnances de placement en détention ni à la mise en liberté des requérants ;
« alors que, d’une part, l’état de flagrance n’est caractérisé que s’il existe préalablement des indices objectifs et apparents d’un comportement délictueux révélant l’existence d’une infraction répondant à la définition de l’article 53 du code de procédure pénale ; que ne constitue pas un tel indice objectif et apparent d’un comportement délictueux permettant l’ouverture d’une enquête de flagrance, la simple dénonciation par un coup de téléphone anonyme ; qu’ayant expressément constaté que c’est au regard d’un seul appel téléphonique anonyme et des informations qui auraient été communiquées à cette occasion que les policiers, agissant dans le cadre d’une enquête de flagrance, après s’être rendus sur place, avaient mis en place une surveillance puis procédé à l’enlèvement du véhicule et à sa fouille, la chambre de l’instruction n’a pas tiré les conséquences légales qui s’évinçaient de ses propres constatations d’où il ressortait que l’état de flagrance n’était pas caractérisé préalablement à l’ouverture de l’enquête de flagrance et aux mesures coercitives mises en œuvre à cette occasion, et a violé les dispositions des textes susvisés ;
« alors que, d’autre part, après avoir expressément constaté que les policiers avaient été avisés par un informateur “ non identifié ”, la chambre de l’instruction, qui ajoute que ce dernier avait appelé d’une cabine téléphonique France Télécom du quartier nord d’Amiens, plus précisément 9, rue Marivaux à Amiens, s’est prononcée par un motif totalement inopérant comme insusceptible de priver l’appel téléphonique litigieux de son caractère anonyme et, partant, de caractériser l’existence d’un indice apparent et objectif d’un comportement délictueux, de nature à justifier l’ouverture d’une enquête de flagrance, et n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 53 du code de procédure pénale ;
« alors que, de troisième part, ayant expressément constaté que l’enlèvement du véhicule puis sa fouille étaient intervenus dans le cadre de l’enquête de flagrance "aux fins de préserver les éventuelles traces et indices", ainsi que cela ressortait du procès-verbal établi le 30 octobre 2006 à 11 heures 55 par le brigadier-chef Champenois, la chambre de l’instruction n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, selon lesquelles, après deux heures de surveillance du véhicule et au moment de son enlèvement précédant sa fouille, il n’existait aucune trace ou indice objectif et apparent permettant de corroborer le simple appel téléphonique anonyme intervenu quelques heures plus tôt et, partant, que l’état de flagrance n’était nullement caractérisé préalablement aux mesures de coercition et de contrainte mises en œuvre, et a violé les dispositions des textes susvisés ;
« alors que, enfin, en l’état des termes clairs et précis des requêtes en nullité dont elle était saisie, sollicitant le prononcé de la nullité de tous les actes réalisés dans le cadre de l’enquête de flagrance et de tous les actes subséquents (dispositif de la requête en nullité de Rachid Y…, page 6 ; dispositif de la requête en nullité de Mohamed X…, page 7 ; dispositif de la requête en nullité d’Abdelkader Y…, page 7), la chambre de l’instruction, qui retient qu’en réalité, ce sont les procédures d’enlèvement du véhicule et sa fouille qui sont arguées de nullité par les demandeurs, a dénaturé les requêtes en nullité dont elle était saisie, entachant sa décision d’une contradiction de motifs" ;
- Sur le second moyen de cassation (subsidiaire), pris de la violation des articles 53 et suivants du code de procédure pénale, 591 et 593 du code de procédure pénale
« en ce que l’arrêt attaqué a constaté que la procédure suivie contre les demandeurs était régulière et qu’il n’y avait lieu à aucune annulation et rejeté leurs requêtes en annulation ;
« aux motifs que, par trois requêtes déposées le 22 janvier 2007 dans les formes et délais fixés par la loi, par les conseils respectifs de Mohamed X…, Abdelkader Y… et Rachid Y…, il est demandé l’annulation de l’intégralité des actes de procédure concernant les demandeurs et, par voie de conséquence, leur remise en liberté immédiate pour violations des dispositions de l’article 53, alinéa 1er, du code de procédure pénale relatives à la définition de la flagrance, aux motifs, qu’en l’espèce, les conditions de l’état de flagrance n’étaient manifestement pas réunies, en l’absence d’indices objectifs d’une activité délictuelle, la dénonciation anonyme ne suffisant pas ; que l’article 53, alinéa 1er, du code de procédure pénale dispose : “ est qualifié crime ou délit flagrant le crime ou le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre ; il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices laissant penser qu’elle a participé au crime ou au déli ” ; qu’en l’état du droit positif, l’état de flagrance est caractérisé dès lors qu’il résulte des constatations des juges du fond que les officiers de police judiciaire ont relevé l’existence d’indices apparents d’un comportement délictueux, révélant l’existence d’infractions répondant à la définition de l’article 53 du code de procédure pénale ; qu’en conséquence, il convient d’analyser les premiers actes d’enquête diligentée par les officiers de police judiciaire ;
le procès-verbal de saisine du 30 octobre 2006 à 9 heures 50 (cote D 3) ; que le brigadier-chef Franck Champenois, officier de police judiciaire en résidence à Amiens, relate qu’étant au service, il est informé par le centre de commandement et d’information qu’une personne désirant garder l’anonymat vient d’appeler ce service pour signaler qu’un véhicule Mercedes serait stationné devant le n° 13 de la rue du Docteur Fafet à Amiens, avec une importante quantité de drogue à l’intérieur ; que la personne a refusé de décliner son identité, néanmoins la ligne téléphonique 03.22.52.00.42 utilisée par l’informateur correspondait à une cabine téléphonique France Télécom située 9, rue Marivaux à Amiens ; qu’aussitôt, l’officier de police judiciaire et ses collègues se transportaient au 13, rue du Docteur Fafet et constataient la présence d’un véhicule Mercedes type E 240, de couleur foncée, immatriculé 3128 WP 80, stationné devant l’entrée de l’immeuble située au n° 13 de la rue précitée ; que le véhicule n’était pas occupé et aucune autre Mercedes n’était stationnée aux alentours ; que son propriétaire était identifié comme étant Mohamed X…, demeurant à Amiens, 19-24, allée Eugène Varlin ; que la consultation des fichiers de police (D 4) faisait ressortir que cet individu était connu, notamment pour des affaires d’infractions à la législation sur les stupéfiants et qu’il entretenait des relations régulières avec Abdelkader Y…, soupçonné de se livrer à un trafic d’héroïne sur le quartier nord d’Amiens ; que l’officier de police judiciaire a avisé de ces faits le parquet d’Amiens pris en la personne de M. Petitprez, procureur adjoint de permanence ; que ce magistrat a donné instruction à l’officier de police judiciaire de poursuivre l’enquête en flagrance ; qu’agissant en enquête de flagrance, l’officier de police judiciaire mettait en place un dispositif de surveillance ;
« le procès-verbal du 30 octobre 2006 à 11 heures 55 établi par le brigadier-chef Champenois (cote D 5) ; que cet officier de police judiciaire, se trouvant toujours 13, rue du Docteur Fafet, déclarant agir en flagrance, après avoir procédé aux constatations suivantes : - le lieu de stationnement du véhicule Mercedes 3128 WP 80, - l’absence de “ personnes se présentant à ce véhicule ”, - l’absence de renseignements sur l’endroit où se trouvait le conducteur de cette automobile, - la présence de nombreux jeunes du quartier ayant identifié ses collègues et lui-même comme étant des policiers, rendait compte de ces faits au procureur de la République adjoint, lequel l’autorisait à faire transporter le véhicule au commissariat central pour éviter tous problèmes avec les jeunes du quartier et préserver les éventuels traces et indices ; que le brigadier-chef délivrait aussitôt une réquisition au responsable du garage du Petit Saint Jean d’Amiens aux fins de transporter le véhicule au commissariat central d’Amiens (selon réquisition annexée) ; que l’officier de police judiciaire demandait au garage Mercedes d’Amiens de dépêcher un technicien au commissariat central afin d’ouvrir le véhicule ; le procès-verbal établi le 30 octobre 2006 à 14 heures par le brigadier-chef Champenois (cote D 6) ; que l’officier de police judiciaire procédait, en présence de deux témoins, Yves A…, gérant de société, et Sébastien B…, après ouverture du véhicule par le technicien de la société Mercedes, à une perquisition dudit véhicule à l’intérieur duquel divers objets et documents pouvant intéresser l’enquête étaient découverts ; que, derrière la garniture du coffre, les enquêteurs constataient la présence de huit paquets, entourés de papier adhésif de couleur marron et maintenus par le tuyau relié au réservoir du véhicule sur la droite et trois paquets sur la gauche, le tout pour 5,7 kilogrammes ; que ces paquets contenaient une poudre de couleur brunâtre qui s’avérait être de l’héroïne ; que des traces papillaires étaient relevées à l’intérieur du véhicule et tous les objets étaient placés sous scellés ; que, le 31 octobre 2006 à 6 heures, le brigadier-chef Champenois prenait connaissance d’un message reçu par le centre d’information la veille vers 21 heures 45 (D 11) ; que le message émanait de l’informateur anonyme du matin, qui faisait savoir que deux individus mis en cause dans un trafic de stupéfiants, dont le propriétaire de la Mercedes, se trouvaient dans un logement situé 13-64, rue du Docteur Fafet, en possession de produits stupéfiants, en compagnie d’une personne qu’il serait intéressant d’entendre ; que les enquêteurs identifiaient l’occupante de cet appartement en la personne de Nadia C…, qui, entendue, impliquait les trois autres personnes mises en examen ; que la procédure d’enquête était clôturée le 2 novembre 2006 à 14 heures ; que l’examen de ces procès-verbaux permet de constater qu’il y avait délit flagrant au sens de l’article 53 du code de procédure pénale, et que la procédure de flagrance autorisant les policiers à procéder aux actes de contrainte, notamment la fouille du véhicule, a été régulièrement mise en œuvre ; a) dénonciation de l’existence actuelle d’un délit de détention de stupéfiants ; que les policiers sont avisés par un informateur certes non identifié mais ayant appelé d’une cabine téléphonique du quartier nord d’Amiens qu’un délit, commun dans ce quartier difficile, est en train de se commettre -détention dans un véhicule Mercedes d’une grande quantité de drogue, produit illicite- ; que leur déplacement rapide sur les lieux aux fins d’enquête apparaît dès lors justifié ; b) collecte d’indices corroborant la dénonciation du délit ; que, rendus sur place, les policiers constatent effectivement la présence du véhicule Mercedes décrit et se livrent à des vérifications quant à son propriétaire par consultation du fichier des cartes grises ; que celui-ci s’avère être Mohamed X… ; que, selon extraits de main courante (D 4), celui-ci est connu pour se livrer au trafic de stupéfiants et fréquente d’autres individus défavorablement connus pour des faits similaires, notamment Rachid Y… qu’il a l’interdiction de rencontrer dans le cadre d’un contrôle judiciaire ; c) avis régulièrement donné au procureur de la République, selon l’article 53 du code de procédure pénale, aux fins de contrôle de l’enquête désormais diligentée en flagrance ; d) poursuite de la surveillance sur place ; de 9 heures 50 à 11 heures 55 (soit deux heures), les policiers poursuivent leur surveillance sur place et ce n’est qu’après avoir constaté l’impossibilité de joindre le propriétaire du véhicule et la présence de nombreux jeunes les ayant reconnus que sont envisagées de nouvelles investigations dans le véhicule désigné comme recelant de la drogue et servant à commettre l’infraction ; e) procédure d’enlèvement du véhicule et sa fouille ; qu’afin d’éviter les débordements et aux fins de préserver “ les éventuels traces et indices ” -et plutôt d’en éviter leur disparition grâce à une solidarité de quartier- le procureur de la République autorisait les policiers, qui lui avaient décrit l’état de la situation, à faire remorquer le véhicule au commissariat de police pour procéder à sa fouille, qui aura lieu en présence de deux témoins et qui s’avérera fructueuse, permettant effectivement de saisir et de mettre hors circuit plus de cinq kilos d’héroïne ; qu’en réalité, ce sont ces derniers actes accomplis sur le véhicule de Mohamed X…, dans les conditions autorisées par la procédure de flagrance, qui sont argués de nullité par les demandeurs ; qu’en toute hypothèse, jusqu’à cette perquisition, tous les autres actes accomplis par la police judiciaire auraient pu l’être aussi en enquête préliminaire et aucune irrégularité ne les affecte ; qu’en l’espèce, les constatations de l’officier de police judiciaire, reprises dans les différents procès-verbaux et la description de ses diligences permettent d’établir qu’il existait préalablement à la perquisition des indices apparents et convergents d’un comportement délictueux étayant la dénonciation de ce que l’unique Mercedes, garée dans la rue Fafet, qui se révélait appartenir à un jeune homme sans profession, connu des services de police pour des faits de trafics de stupéfiants et ayant des relations suivies avec des personnes connues pour des trafics similaires, refermait des produits stupéfiants ; que ces indices relevés avant la perquisition par les policiers, agissant de surcroît sous le contrôle constant du procureur de la République, caractérisent l’état de flagrance au sens de l’article 53 du code de procédure pénale et les actes accomplis dans ce cadre ; qu’il n’y a donc lieu à annuler aucun acte de la procédure suivie dans le cadre de la flagrance ayant conduit à l’ouverture d’une information et aux mises en examen des demandeurs ; que, par ailleurs, ils ne relevaient postérieurement aucune autre irrégularité susceptible d’être relevée d’office ; que la procédure étant jugée régulière, il n’y a pas lieu non plus à annulation des ordonnances de placement en détention ni à la mise en liberté des requérants ;
« alors que, d’une part, l’état de flagrance n’est caractérisé que s’il existe préalablement des indices objectifs et apparents d’un comportement délictueux révélant l’existence d’une infraction répondant à la définition de l’article 53 du code de procédure pénale ; que la seule dénonciation anonyme par voie d’appel téléphonique émanant d’une personne non identifiée ne peut permettre l’ouverture d’une enquête de flagrance, sauf à ce que cette circonstance soit confortée, préalablement à l’ouverture de l’enquête de flagrance, par des indices précis et concordants permettant, de manière objective, de présumer la réalité du crime ou du délit ainsi dénoncé de manière anonyme et qui serait en train de se commettre ; qu’après avoir expressément constaté que les policiers avaient été avisés par un informateur non identifié qu’un délit était en train de se commettre, la chambre de l’instruction, qui, pour retenir qu’il existait préalablement à la perquisition, des indices apparents et convergents d’un comportement délictueux étayant cette dénonciation anonyme, se borne à relever que les vérifications quant à l’identité du propriétaire du véhicule avaient révélé qu’il appartenait “ à un jeune homme sans profession, connu des services de police pour des faits de trafic de stupéfiants et ayant des relations suivies avec des personnes connues pour des trafics similaires ”, n’a, par là-même, nullement caractérisé en quoi la dénonciation anonyme aurait été “confortée ” par des vérifications ayant apporté des indices précis et concordants permettant de présumer la réalité de l’infraction ainsi dénoncée de manière anonyme et n’a pas légalement justifié sa décision ;
« alors que, d’autre part, l’enquête de flagrance doit suivre et non précéder la constatation de l’état de flagrance ; qu’en se bornant à relever qu’il existait préalablement à la perquisition des indices apparents et convergents d’un comportement délictueux étayant la dénonciation anonyme, sans nullement rechercher ni préciser d’où il ressortait que ces indices caractérisant l’état de flagrance, auraient existé préalablement à l’ouverture de l’enquête de flagrance et à tous les actes accomplis dans le cadre de celle-ci préalablement à la perquisition et notamment à la surveillance du véhicule et à son enlèvement, la chambre de l’instruction n’a pas légalement justifié sa décision » ;
- Les moyens étant réunis
Vu l’article 53 du code de procédure pénale ;
Attendu que, pour pouvoir agir en enquête de flagrance, les officiers de police judiciaire doivent avoir eu connaissance, au préalable, d’indices apparents d’un comportement révélant l’existence d’une infraction en train de se commettre ou qui vient d’être commise ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 30 octobre 2006, les services du commissariat de police d’Amiens ont été informés, par un appel téléphonique anonyme provenant d’une cabine publique située à Amiens, de la dissimulation d’une importante quantité de drogue dans un véhicule de marque Mercedes en stationnement devant le numéro 13 de la rue Fafet dans cette ville ; que des officiers de police judiciaire se sont immédiatement rendus sur les lieux où ils ont constaté la présence d’un unique véhicule de marque Mercedes ; qu’ils ont identifié le propriétaire en la personne de Mohamed X…, connu des services de police pour son implication dans des affaires d’infractions à la législation sur les stupéfiants et pour ses relations régulières avec Abdelkader Y…, lui-même soupçonné de se livrer à un trafic d’héroïne dans le quartier nord d’Amiens ; qu’agissant en flagrant délit, les policiers ont procédé à la fouille de l’automobile en présence de deux témoins ; que ces opérations ont conduit à la découverte et à la saisie d’une quantité de 5,7 kilogrammes d’héroïne ;
Attendu que, pour refuser d’annuler lesdites fouilles et saisies subséquentes, l’arrêt retient que les constatations de l’officier de police judiciaire, reprises dans les différents procès-verbaux, et la description de ses diligences permettent d’établir qu’il existait préalablement à la perquisition des indices apparents et convergents d’un comportement délictueux étayant la dénonciation de ce que l’unique véhicule Mercedes, garé dans la rue Fafet, qui se révélait appartenir à une personne sans profession, connue des services de police pour des faits de trafic de stupéfiants et ayant des relations suivies avec des personnes connues pour des trafics similaires, renfermait des produits stupéfiants ;
Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors qu’avant l’accomplissement des actes incriminés aucun indice apparent d’un comportement délictueux ne pouvait révéler l’existence d’une infraction répondant à la définition donnée des crimes et délits flagrants par l’article 53 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;
D’où il suit que la cassation est encourue ;
PAR CES MOTIFS
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Amiens, en date du 9 mars 2007, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
Président : M. Cotte
Rapporteur : Mme Ponroy, conseiller
Avocat général : M. di Guardia
Avocat(s) : la SCP Bouzidi et Bouhanna