I.-Sans préjudice de l'application des dispositions des articles 60, 61, 62, 63, 63 bis, 63 ter et 64, afin de constater les délits douaniers, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement, les agents des douanes habilités par le ministre chargé des douanes dans des conditions fixées par décret procèdent sur l'ensemble du territoire national, après en avoir informé le procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat, à la surveillance de personnes contre lesquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de les soupçonner d'être les auteurs d'un délit douanier ou d'y avoir participé comme complices ou intéressés à la fraude au sens de l'article 399.
Les mêmes dispositions sont applicables pour la surveillance de l'acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de ces infractions ou servant à les commettre.
L'information préalable prévue par le premier alinéa doit être donnée, par tout moyen, selon le cas, au procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter ou au procureur de la République saisi en application des dispositions de l'article 706-76 du code de procédure pénale.
II.-Lorsque les investigations le justifient et afin de constater les infractions douanières d'importation, d'exportation ou de détention de substances ou plantes classées comme stupéfiants, de contrebande de tabac manufacturé, d'alcool et spiritueux, ainsi que celles prévues à l'article 415 du présent code, d'identifier les auteurs et complices de ces infractions ainsi que ceux qui y ont participé comme intéressés au sens de l'article 399 du présent code et d'effectuer les saisies prévues par le présent code, le procureur de la République peut autoriser qu'il soit procédé, sous son contrôle, à une opération d'infiltration dans les conditions prévues par le présent article.
Le premier alinéa est applicable aux fins de constatation des infractions visées à l'article 414 lorsqu'elles portent sur des marchandises présentées sous une marque contrefaisante ou incorporant un dessin ou modèle tel que mentionné à l'article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle et tel que visé par l'article 19 du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires, sur des marchandises contrefaisant un droit d'auteur, des droits voisins ou un brevet tels que mentionnés aux articles L. 335-2 à L. 335-4, L. 613-3 et L. 613-5 du code de la propriété intellectuelle ainsi que des infractions prévues aux articles L. 716-9 à L. 716-11 du même code.
L'infiltration consiste, pour un agent des douanes spécialement habilité dans des conditions fixées par décret, agissant sous la responsabilité d'un agent de catégorie A chargé de coordonner l'opération, à surveiller des personnes suspectées de commettre un délit douanier en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices ou intéressés à la fraude. L'agent des douanes est à cette fin autorisé à faire usage d'une identité d'emprunt et à commettre si nécessaire les actes mentionnés ci-après. A peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre des infractions.
L'infiltration fait l'objet d'un rapport rédigé par l'agent de catégorie A ayant coordonné l'opération qui comprend les éléments strictement nécessaires à la constatation des infractions et ne mettant pas en danger la sécurité de l'agent infiltré et des personnes requises au sens du III.
III.-Les agents des douanes autorisés à procéder à une opération d'infiltration peuvent, sans être pénalement responsables de ces actes et sur l'ensemble du territoire national :
a) Acquérir, détenir, transporter, livrer ou délivrer des substances, biens, produits, documents ou informations tirés de la commission des infractions ;
b) Utiliser ou mettre à disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d'hébergement, de conservation et de télécommunication.
L'exonération de responsabilité prévue au premier alinéa est également applicable, pour les actes commis à seule fin de procéder à l'opération d'infiltration, aux personnes requises par les agents des douanes pour permettre la réalisation de cette opération.
IV.-A peine de nullité, l'autorisation donnée en application du II est délivrée par écrit et doit être spécialement motivée.
Elle mentionne la ou les infractions qui justifient le recours à cette procédure et l'identité de l'agent des douanes sous la responsabilité duquel se déroule l'opération.
Cette autorisation fixe la durée de l'opération d'infiltration, qui ne peut excéder quatre mois. L'opération peut être renouvelée dans les mêmes conditions de forme et de durée. Le magistrat qui a autorisé l'opération peut, à tout moment, ordonner son interruption avant l'expiration de la durée fixée.
L'autorisation est versée au dossier de la procédure après achèvement de l'opération d'infiltration.
V.-L'identité réelle des agents des douanes ayant effectué l'infiltration sous une identité d'emprunt ne doit apparaître à aucun stade de la procédure.
La révélation de l'identité de ces agents est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Lorsque cette révélation a causé des violences, coups et blessures à l'encontre de ces personnes ou de leurs conjoints, enfants et ascendants directs, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende.
Lorsque cette révélation a causé la mort de ces personnes ou de leurs conjoints, enfants et ascendants directs, les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende, sans préjudice, le cas échéant, de l'application des dispositions du chapitre Ier du titre II du livre II du code pénal.
VI.-En cas de décision d'interruption de l'opération ou à l'issue du délai fixé par la décision autorisant l'opération et en l'absence de prolongation, l'agent infiltré peut poursuivre les activités mentionnées au III, sans en être pénalement responsable, afin de lui permettre de cesser sa surveillance dans des conditions assurant sa sécurité sans que cette durée puisse excéder quatre mois. Le magistrat ayant délivré l'autorisation prévue au II en est informé dans les meilleurs délais. Si, à l'issue du délai de quatre mois, l'agent infiltré ne peut cesser sa surveillance dans des conditions assurant sa sécurité, ce magistrat en autorise la prolongation pour une durée de quatre mois au plus.
VII.-L'agent des douanes sous la responsabilité duquel se déroule l'opération d'infiltration peut seul être entendu en qualité de témoin sur l'opération.
Toutefois, s'il ressort du rapport mentionné au II que la personne mise en examen ou comparaissant devant la juridiction de jugement est directement mise en cause par des constatations effectuées par un agent ayant personnellement réalisé les opérations d'infiltration, cette personne peut demander à être confrontée avec cet agent dans les conditions prévues par l'article 706-61 du code de procédure pénale.
Les questions posées à l'agent infiltré à l'occasion de cette confrontation ne doivent pas avoir pour objet ni pour effet de révéler, directement ou indirectement, sa véritable identité.
VIII.-Lorsque la surveillance prévue au I doit être poursuivie dans un Etat étranger, elle est autorisée par le procureur de la République. Les procès-verbaux d'exécution de l'observation ou rapports y afférents ainsi que l'autorisation d'en poursuivre l'exécution sur le territoire d'un Etat étranger sont versés au dossier de la procédure.
Avec l'accord préalable du ministre de la justice saisi d'une demande d'entraide judiciaire à cette fin, les agents des douanes étrangers peuvent poursuivre sur le territoire de la République, sous la direction d'agents des douanes français, des opérations d'infiltration conformément aux dispositions du présent article. L'accord du ministre de la justice peut être assorti de conditions. L'opération doit ensuite être autorisée par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, dans les conditions prévues au II.
Le ministre de la justice ne peut donner son accord que si les agents étrangers sont affectés dans leur pays à un service spécialisé et exercent des missions similaires à celles des agents nationaux spécialement habilités mentionnés au II.
Avec l'accord des autorités judiciaires étrangères, les agents des douanes étrangers mentionnés au deuxième alinéa du présent VIII peuvent également, conformément aux dispositions du présent article, participer sous la direction d'agents des douanes français à des opérations d'infiltration conduites sur le territoire de la République dans le cadre d'une procédure douanière nationale.
IX.-Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations faites par des agents des douanes ayant procédé à une infiltration.
Les dispositions du présent IX ne sont cependant pas applicables lorsque les agents des douanes déposent sous leur véritable identité.