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La bataille judiciaire autour du traitement réservé aux mineurs étrangers isolés (506)

Droits des enfants - jprosen, 6/12/2012

La bataille judiciaire liée au bras de fer que se livre depuis 15 ans, et d'une manière aiguë depuis septembre 2011, l'Etat et les conseils généraux autour des mineurs étrangers bat son plein. Le fidèle lecteur de ce blog en connaît les … Continuer la lecture

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La bataille judiciaire liée au bras de fer que se livre depuis 15 ans, et d'une manière aiguë depuis septembre 2011, l'Etat et les conseils généraux autour des mineurs étrangers bat son plein. Le fidèle lecteur de ce blog en connaît les tenants et les aboutissants (voir notamment la dizaine de papiers consacrés au sujet depuis 18 mois). Il est grand temps que l'Etat et les conseils généraux entendent qu'ils ont chacun des responsabilités sur ce dossier. La France n'a pas à rougir de ce qui se fait au quotidien, mais elle n'a pas non plus  être fière de l'état du chantier actuel. Il est grand temps d'en sortir par le haut sinon une nouvelle fois les étrangers vont nous rendre fous et faire exploser (involontairement)  le dispositif de protection de l'enfance.
Je publie ici les observations devant la cour d'appel d'Amiens du Défenseur des enfants et le commentaire à paraître avec cette note de Jean-Luc Rongé dans le Journal du droit des jeunes de décembre sous le titre "les belles histoires de l'oncle Dominique"

Défenseur des droits - Décision n°mde-2012-128 - 19 septembre 2012

 

Observations devant la Cour d’appel d’Amiens présentées dans le cadre de l’article 33 de la loi n°2011-333 du 29 mars 2011

Étranger - Mineur isolé - Assistance éducative- Ordonnance de placement provisoire - Jugement - Département - Aide sociale à l’enfance - Refus d’exécution

Quels que soient les positionnements institutionnels entourant l’accord visant à la répartition des mineurs étrangers isolés, présents en Seine-Saint-Denis, dans les départements environnants, il est dommageable qu’un mineur isolé étranger soit de fait victime de conflits institutionnels qu’il ne peut comprendre et qui le place dans une situation de danger.

Le juge des enfants ayant été saisi dans les délais mentionnés à l’article 375-5 du code civil et ayant confirmé le placement ordonné par le procureur de la République, décision assortie de l’exécution provisoire, l’appel interjeté par le Conseil général de l’Oise doit être rejeté et le jugement du juge des enfants en date du 9 février 2012 doit être confirmé.

Exposé des faits :

Par courrier en date du 5 juillet 2012, la Croix rouge française a saisi le Défenseur des droits de la situation de W., âgé de 16 ans, de nationalité étrangère, pour lequel une décision de placement auprès de l’Aide sociale à l’enfance de l’Oise avait été prise par le juge des enfants de Compiègne, le 9 février 2012.

Il ressort des éléments transmis que ce jeune homme serait arrivé en France en 2011, après plusieurs mois passés en Italie.

En effet, il indique avoir effectué un stage linguistique, dans son pays, en 2010, durant les vacances scolaires. Ce stage lui a par la suite permis d’aller étudier en Italie pendant trois ans. Toutefois, dès février 2011, le directeur de l’école qu’il fréquentait aurait mis un terme à sa scolarité dans la mesure où sa mère n’était plus en mesure de financer ses études. Souhaitant poursuivre sa scolarité en Europe, il a décidé de venir en France.

W. s’est présenté pour la première fois, le 14 décembre 2011, au pôle d’évaluation pour mineurs isolés étrangers de la Croix-Rouge à Bobigny, qui a transmis une information préoccupante au Conseil général de Seine-Saint-Denis, lequel a saisi le procureur de la République de Bobigny.

Le 22 décembre 2011, le parquet de Bobigny a ordonné le placement provisoire de W. auprès des services de l’Aide sociale à l’enfance de l’Oise. Toutefois, le foyer départemental de l’enfance de Compiègne a refusé de l’accueillir.

Le même jour, le procureur de la République de Compiègne a saisi le juge des enfants de Compiègne qui a, par jugement en date du 9 février 2012, confirmé le placement auprès des services de l’Aide sociale à l’enfance de l’Oise.

Le Conseil général de l’Oise a interjeté appel de cette décision et, malgré l’exécution provisoire attachée à la décision de placement, a refusé d’accueillir W.

Observations :

1. Le Défenseur des droits note que les professionnels qui ont eu à évaluer la situation de W. sont unanimes sur la nécessité d’une prise en charge rapide de cet adolescent. En effet, il se trouve isolé en France, sans famille pour l’aider et sans ressources. Déscolarisé, il ne fait l’objet d’aucun suivi éducatif alors qu’il souhaite pourtant vivement poursuivre son cursus scolaire. Il doit subir des interventions chirurgicales, mais celles-ci sont rendues difficiles par le refus de prise en charge opposé par les services de l’Aide sociale à l’enfance et l’absence de représentant légal.

La précarité dans laquelle vit W. fait, en outre, obstacle à son développement psychologique alors même qu’adolescent, il est en pleine construction psychique et identitaire. Il souffrirait, d’après la psychologue de la Croix-Rouge qui l’a évalué, de troubles pour lesquels un suivi psychothérapeutique est requis. L’instabilité de sa situation et son sentiment d’abandon ne feraient qu’accroître ces troubles.

W. n’a toujours pas été pris en charge par le Conseil général de l’Oise, malgré l’exécution provisoire attachée à la décision du juge des enfants de Compiègne en date du 9 février 2012. Il est actuellement hébergé par la «Plateforme Enfant du monde» de la Croix rouge, à titre humanitaire. Toutefois, l’absence de prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance ne permet pas d’accompagner ce jeune dans des démarches d’insertion. Il ne peut débuter une formation, bénéficier d’un suivi éducatif ou d’une orientation en structure pérenne.

Cette situation est source d’insécurité et de rejet pour W. et le met en danger. En effet, il a été interpellé, le 9 août 2012, pour «transport, possession et trafic de stupéfiants», faits pour lesquels il devrait comparaître en décembre. Il déclare également avoir été victime de violences policières lors d’une vérification d’identité.

L’absence d’accueil et de prise en charge éducative fragilise ce jeune, entraînant des mois d’errance institutionnelle, et une perte de temps préjudiciable pour son avenir. En effet, de son intégration scolaire et sociale en France, dépendra sa possible régularisation administrative au regard du séjour.

2. La Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par la France le 7 Août 1990, stipule en son article 3-2 que «Les États parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.».

Par ailleurs, aux termes de l’article 20, «1. Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l’État. (…)

3. Cette protection de remplacement peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la «Kafala» de droit islamique, de l’adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié. Dans le choix entre ces solutions, il est dûment tenu compte de la nécessité d’une certaine continuité dans l’éducation de l’enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique».

En droit interne, l’article 375 du code civil dispose que «Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public.»

De plus, aux termes de l’article L112-3 du code de l’action sociale et des familles, «la protection de l’enfance a également pour but de prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et d’assurer leur prise en charge».

À cet égard, un mineur seul et étranger, arrivant en France sans représentant légal sur le territoire et sans proche pour l’accueillir, doit être considéré comme un enfant en danger. Ainsi, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger leur santé, leur sécurité, et leur moralité ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, les mineurs étrangers isolés relèvent du dispositif de protection de l’enfance.

3. L’article 3-1 de la Convention internationale des droits de l’enfant précise que «Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale». Cet article doit par ailleurs être considéré comme directement applicable en droit interne, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière (Civ 18 mai 2005 pourvoi n°02-16336 et pourvoi 02-20613).

En droit interne, l’article L. 112-4 du Code de l’action sociale et des familles dispose que «L’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant».

À cet égard, et quels que soient les positionnements institutionnels entourant l’accord visant à la répartition des mineurs étrangers isolés, présents en Seine-Saint-Denis, dans les départements environnants, il est dommageable que W. soit de fait victime de conflits institutionnels qu’il ne peut comprendre et qui le place dans une situation de danger.

4. L’ordonnance de placement provisoire du parquet de Bobigny, en date du 22 décembre 2011, précise que : «il y a urgence à prendre une mesure de protection dans l’intérêt de ce mineur» et, attendu que le rapport d’évaluation indique qu’aucune possibilité d’hébergement n’est, en l’état disponible en Seine Saint Denis, et que l’intérêt de l’enfant commande de lui assurer un hébergement stable où un suivi éducatif lui soit garanti, le lieu d’accueil utile recherché à cet effet est le foyer départemental de l’enfance de Compiègne.

Ainsi, le placement du jeune W. auprès des services de l’aide sociale à l’enfance de l’Oise trouve son fondement dans l’article 375-7 du code civil, prévoyant que «le lieu d’accueil de l’enfant doit être recherché dans l’intérêt de celui-ci».

5. Au terme de ce qui précède, il convient de préciser que l’article 375-5 du code civil dispose que «À titre provisoire mais à charge d'appel, le juge peut, pendant l'instance, soit ordonner la remise provisoire du mineur à un centre d'accueil ou d'observation, soit prendre l'une des mesures prévues aux articles 375-33 et 375-4.

En cas d'urgence, le procureur de la République du lieu où le mineur a été trouvé, a le même pouvoir, à charge de saisir dans les huit jours le juge compétent, qui maintiendra, modifiera ou rapportera la mesure.

Si la situation de l'enfant le permet, le procureur de la République fixe la nature et la fréquence du droit de correspondance, de visite et d'hébergement des parents, sauf à les réserver si l'intérêt de l'enfant l'exige».

Or, l’article 375- 3 du code civil précise que «Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier :

1° À l'autre parent;

2° À un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance;

3° À un service départemental de l'aide sociale à l'enfance;

4° À un service ou à un établissement habilité pour l'accueil de mineurs à la journée ou

suivant toute autre modalité de prise en charge;

5° À un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé.»

Le juge des enfants ayant été saisi dans les délais mentionnés à l’article 375-5 du code civil et ayant confirmé le placement ordonné par le procureur de la République, décision assortie de l’exécution provisoire, l’appel interjeté par le Conseil général de l’Oise doit être rejeté et le jugement du juge des enfants en date du 9 février 2012 doit être confirmé.

Le Défenseur des droits, Dominique Baudis

Commentaire de Jean-Luc Rongé - Les belles histoires de l’oncle Dominique

Comme l’article 33 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits lui en accorde l’opportunité, Dominique Baudis dispose de la faculté de s’adresser à une juridiction saisie d’un litige pour «présenter des observations écrites ou à être entendu par ces juridictions; dans ce cas, son audition est de droit», sans toutefois pouvoir «remettre en cause une décision juridictionnelle». Dans les affaires «concernant un mineur susceptibles de donner lieu à des mesures d'assistance éducative relatives», le Défenseur a d’ailleurs le pouvoir de porter «à la connaissance de l'autorité judiciaire (…) toutes informations qu'il aurait recueillies à l'occasion de sa saisine par un mineur impliqué dans une procédure en cours».

C’est ainsi que nous avons eu droit à ses observations communiquées à la Cour d’appel d’Amiens, appelée à se prononcer sur le recours du département de l’Oise contre la décision lui confiant un «mineur isolé étranger» (MIE).

Les observations du Défenseur résument bien la situation et le déni dans lequel se situe la décision du département. Rappelons brièvement :

- le jeune se présente à Bobigny (14/12/2011); il est orienté vers la Croix rouge qui indique au parquet qu’il est «éligible» à une mesure d’assistance éducative;

- le parquet prend à son égard une «ordonnance de placement provisoire» (OPP) le confiant à l’Aide sociale à l’enfance de l’Oise (22/12/2011) qui refuse sa prise en charge au foyer départemental alors que l’OPP du parquet est exécutoire de plein droit jusqu’à son examen par le juge (saisine dans les huit jours, examen dans la quinzaine de la saisine : art. 375-5 du Code civil5 du Code civil et 1184 du Code de procédure civile);

- le 22/12/2011, toujours, le parquet de Compiègne saisit le juge des enfants de Compiègne;

- le 9/02/12, le juge des enfants de Compiègne confirme la mesure provisoire de placement auprès de l’ASE de l’Oise; jugement exécutoire de plein droit, nonobstant appel (cass. civ. 1, 26 janvier 1982, Bull. civ.1 n° 38);

- le Conseil général de l’Oise refuse d’exécuter la mesure, malgré le caractère provisoire des décisions et interjette appel de la décision.

C’est face à une série de dysfonctionnements, de déni, et d’inexécutions des décisions de justice que le Défenseur des droits s’est senti contraint de faire part de ses observations à la juridiction saisie.

Hélas, l’histoire ci-dessus exposée est banale… Si Dominique Baudis ne tombe pas des nues en s’insurgeant, il revient plutôt sur son précédent engouement à la solution bancale inventée à l’automne 2011 pour «déporter» les MIE de Seine-Saint-Denis vers les autres départements.

Par un communiqué du 18 avril 2012, à l’issue une rencontre avec l’Assemblée des départements de France (ADF), il se réjouissait du fonctionnement de l’accord pris suite au refus du département de Seine-Saint-Denis, : «Lors de cette réunion, un bilan du dispositif d’urgence élaboré par la PJJ suite aux difficultés rencontrées par le département de Seine-Saint-Denis en septembre dernier a été présenté.

Durant ces 6 mois, 132 enfants ont pu bénéficier de ce dispositif qui a permis de répartir leur accueil dans 15 départements proches de Paris et de la Seine-Saint-Denis. L’ensemble des participants à cette réunion a salué l’esprit de responsabilité des élus de ces départements et de leurs agents. (…)».

Rappelons brièvement qu’en août 2011, Claude Bartolone, à l’époque président du Conseil général de Seine-Saint-Denis (aujourd’hui au perchoir de l’Assemblée nationale), annonçait à grand fracas - et dans l’illégalité la plus totale - que son département n’exécuterait plus les décisions judiciaires prises dans le cadre de l’assistance éducative en faveur des «mineurs isolés étrangers» (MIE)… si l’État ne trouvait pas une solution pour éviter l’engorgement de ses services.

Et il exécuta sa menace dès le 1er septembre, s’exposant - sans risque, rassurons-le - à des poursuites pour avoir fait échec à l’exécution d’une loi (celle contraignant l’autorité publique à respecter une décision de justice) susceptible d’entraîner une condamnation à cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (art. 432-1 du Code pénal)… sans compter le risque de poursuites pour discrimination en raison de la nationalité et pour délaissement d’une personne incapable de se protéger.

Le Tribunal pour enfants de Bobigny fut bien embarrassé, d’autant que la Protection de la jeunesse rappela brutalement qu’elle n’avait plus rien à voir avec l’exécution des mesures «civiles», depuis sa réorientation vers le «tout pénal». On trouva des solutions d’hébergement d’urgence, quand les jeunes ne devaient pas camper à l’extérieur du palais de justice, ou alors on leur délivrait un ticket de métro pour se rendre… à Paris.

Le ministre de la justice n’ordonna pas les poursuites contre le président du Conseil général, il se rendit tout penaud auprès du tout-puissant Bartolone pour négocier et chargea la PJJ de trouver la solution par une répartition des MIE dans les départements «limitrophes» (départements des ressorts des Cour d’appel de Paris, Versailles, Amiens, Reims, Rouen, Orléans et Dijon), ce qui représente dans certains cas un éloignement de quelques plusieurs centaines de kilomètres. Bon prince, le Conseil général de Seine-Saint-Denis concéda d’accueillir un MIE sur dix qui se présenteraient.

La suite, on la connaît : non seulement l’avis des enfants compte pour du beurre - d’ailleurs leur demande-t-on ? - mais la solution bancale consiste à confier à la Croix-Rouge le soin de sélectionner les méritants, au parquet d’ordonner une expertise osseuse quand il y a un doute - et il y en a souvent -, puis de prendre une ordonnance de placement provisoire (OPP, art. 375-5, al. 2 du Code civil) dirigeant le jeune vers un des départements choisis… qui, absents de cette «concertation», n’en veulent pas nécessairement, et le font savoir brutalement… et en toute illégalité comme le département de l’Oise (président : Yves Rome, PS).

Dans un article publié en janvier 2012 («Une absence volontaire de protection : les mineurs isolés étrangers victimes de maltraitance institutionnelle»; JDJ n° 311, janvier 2012, p. 19-24), nous soulignions déjà : «Notons que les Conseils généraux des départements désignés n’ont pas eu droit au chapitre et ont promis de faire de la résistance» et c’est dès les premières semaines que des jeunes se sont vus refoulés, ballottés, malgré les décisions ayant force exécutoire, malgré la violation flagrante des prescriptions légales en matière d’assistance éducative… et en l’absence de toute plainte, de toute poursuite contre les autorités récalcitrantes, bien que les parquets aient été dûment informés de la situation.

Dominique Baudis semble heureusement revenu de la promotion de ce système de répartition qu’il prônait en avril 2011 lorsqu’il écrivait dans le même communiqué précité qu’il avait «souhaité l’examen de l’extension à d’autres départements du dispositif de prise en charge «régionalisé», à partir du retour d’expérience réalisé de l’expérimentation conduite pour la Seine-Saint-Denis. (…) soucieux de la protection de l’intérêt supérieur de ces enfants [il] invite l’État et les collectivités territoriales susceptibles d’être concernées à mettre en oeuvre sans délai cette solution transitoire».

Cette fois, faisant référence au cas individuel de W., il souligne les dangers encourus par ce garçon qui, bien qu’hébergé par la plateforme «Enfant du monde» demeure en danger : livré à lui-même, sans possibilité de scolarité, sans possibilité de démarches d’insertion faute d’accompagnement par l’ASE, dans l’attente d’une intervention chirurgicale, il a en outre été interpellé pour «possession et trafic de stupéfiant».

Dans ses observations, Dominique Baudis insiste sur cette précarité faisant «obstacle à son développement psychologique alors même qu’adolescent, il est en pleine construction psychique et identitaire (… )Il souffrirait, d’après la psychologue de la Croix-Rouge qui l’a évalué, de troubles pour lesquels un suivi psychothérapeutique est requis. L’instabilité de sa situation et son sentiment d’abandon ne feraient qu’accroître ces troubles».

Dans ces conditions de mise en danger, l’institution du Défenseur des droits ne devrait-elle aller plus loin et accompagner ce jeune dans une procédure pénale contre le département de l’Oise dont le comportement délictueux a accentué le danger auquel il était exposé, ce qui s’apparente à du délaissement «d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son état physique ou psychique» (cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende selon l’article 223-3 du Code pénal) ?

Il pourrait également ajouter que le parquet pratique un véritable détournement de procédure en usant et abusant des ordonnance de placement provisoire (OPP) alors que le Code civil ne lui en délivre qu’exceptionnellement le pouvoir («en cas d’urgence»). Une bonne lecture de la loi  veut non  seulement qu’il y ait urgence mais encore que le juge des enfants ne soit pas disponible. Il faut rappeler que la décision d’une «OPP parquet» n’est pas motivée, pas appuyée sur une audition du jeune et sur un débat contradictoire et elle n’ouvre pas de voie de recours. Il s’agit véritablement d’une  lettre de cachet. Même le Conseil constitutionnel l’a confirmé (décision n° 2010-614 DC, 4 novembre 2010 ; JDJ n° 300, décembre 2010, p. 47).

Dès lors que le parquet systématise le recours aux OPP avec les enfants étrangers isolés pour contourner le juge territorialement compétent et surtout garantir au final que la charge protectrice et financière de ces jeunes ne sera pas assumée par le département de la Seine Saint–Denis, il crée artificiellement la compétence de la juridiction de placement comme les passeurs créent artificiellement la compétence de certains tribunaux en y présentant les jeunes.

La pratique du parquet de Bobigny, avec la caution de la Chancellerie, crée un dispositif nouveau de protection de l’enfance et de nouvelles règles de procédure. En détournant l’esprit d’un texte, il viole la loi comme l’avait fait le président du Conseil général de la Seine Saint-Denis avait violé la loi… avec la complicité du ministère de la justice. Pas joli joli !


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