Légalité de crise
- Wikipedia, 15/09/2011
La légalité de crise désigne une série de dispositifs juridiques (qu'ils soient constitutionnels, législatifs ou jurisprudentiels) qui en période de crise, et pour faire face aux évènements, confère à certaines autorités publiques des pouvoirs qu'elles ne détiennent pas dans des circonstances normales.
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France
La France, en héritage des nombreuses crises qu'elle a traversées depuis deux siècles, dispose de différents dispositifs juridiques pour faire face à ces situations extrêmes sur tout ou partie de son territoire.
Dispositifs constitutionnels
Article 16
L'article 16[1] de la Constitution de 1958 confère au président de la République des pouvoirs exceptionnels, c’est-à-dire des pouvoirs exécutifs et législatifs. En ce sens, l'article 16 met en place un régime provisoire de confusion des pouvoirs.
La réunion de deux conditions est requise pour mettre en œuvre les pouvoirs de l'article 16 :
- Il faut d'une part qu'une menace grave et imminente pèse sur les institutions, l'intégrité du territoire, l'indépendance de la nation, ou l'exécution de ses engagements internationaux,
- Il faut d'autre part que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnel soit interrompu.
Il faut toutefois souligner que le respect de ces deux conditions n'étant contrôlé par aucun organe susceptible d'empêcher l'entrée en vigueur de l'article 16, cette limite demeure largement théorique.
Ce régime d'exception ne peut être mis en œuvre qu'après consultation du conseil constitutionnel tenu de formuler un avis publié au Journal officiel[2], du premier ministre et des présidents de l'Assemblée Nationale et du Sénat. La nation doit alors être informée par le président.
État de siège
L'état de siège est à l'origine un dispositif législatif du Second Empire dont la constitution de 1958 a inscrit le principe dans son texte (article 36[3]). L'état de siège est codifié dans le Code de la défense[4]et permet le transfert de pouvoirs de police à l'autorité militaire, la création de juridiction militaires et l'extension des pouvoirs de police.
L'état de siège peut être mis en œuvre sur tout ou partie du territoire après délibération du conseil des ministres et sur décret de ce dernier lorsqu'il y a péril imminent du fait d'une insurrection armée ou d'une guerre étrangère[5].
La prorogation de l'état de siège au-delà de 12 jours est soumis à l'autorisation du parlement.
Dispositifs législatifs
État d'urgence
Ce mécanisme a été créé pour faire face aux évènements d'Algérie par la loi du 3 avril 1955. Il permet l'extension des pouvoirs de police aux profit des autorités de police soit en cas d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas de calamités publiques. La mise en œuvre de l'état d'urgence est calquée sur la mise en œuvre de l'état de siège. La prorogation au-delà de 12 jours doit être autorisée par le parlement.
Dans l'arrêt Rolin le Conseil d'État a rappelé que la loi de 1955 prévoit dans son article 7 un « recours pour excès de pouvoir » [6]tout en soulignant dans l'arrêt Allouache et autres que le Président de la République disposait d'un "pouvoir d'appréciation étendu" pour déterminer si les conditions posées par la loi du 3 avril 1955 étaient réunies[7].
Dans l'arrêt Allouache et autres, le Conseil d'État a décidé que le Président de la République, investi par la loi de prorogation du pouvoir d'y mettre fin avant le terme posé par ladite loi, devait mettre en œuvre ce pouvoir dans l'hypothèse où les circonstances caractériseraient un retour au calme durable.
Le Code de la défense prévoit également des dispositions en cas de crise lorsqu'il y a « vacance simultanée de la présidence de la République, de la présidence du Sénat et des fonctions de Premier ministre, la responsabilité et les pouvoirs de défense sont automatiquement et successivement dévolus au ministre de la défense et, à défaut, aux autres ministres dans l'ordre indiqué par le décret portant composition du Gouvernement » [8].
Dispositifs jurisprudentiels
Le juge administratif fait preuve d'un grand pragmatisme lorsque les temps sont troublés et légalise des situations qui en temps normal seraient censurées. Deux théories illustrent ce pragmatisme, la théorie des circonstances exceptionnelles et la théorie des fonctionnaires de fait.
Circonstances exceptionnelles
Le juge reconnaît les circonstances exceptionnelles en cas de guerre, de paralysie du territoire : grèves, guerre d'Algérie, (circonstances déclarées "particulières"), ou en cas de catastrophes naturelles, comme l’éruption du volcan de la Soufrière en Guadeloupe.
Mai 68 n'a pas été considéré comme circonstances exceptionnelles, peut-être en raison de l’absence de morts.
Pour des raisons supérieures d’intérêt général et d'efficacité, le juge considère dans ces circonstances que l'administration peut s'abstenir de respecter certaines dispositions règlementaires et légales ; cette théorie est consacrée par le Conseil d’État dans son arrêt du 28 juin 1918 (affaire Heyriès) et le 28 février 1919 (Dames Dol Laurent.)
Théorie du fonctionnaire de fait
Lorsque les circonstances conduisent à la disparition de l'administration, le juge admet que de simples particuliers assurent la continuité de l'État, et prennent des décisions relevant des prérogatives de la puissance publique (CE, 7 janvier 1944 Lecoq).
Référence
- ↑ (fr) Article 16 de la Constitution de la Ve République française
- ↑ Ordonnance 58-1067 du 7 novembre 1958, article 53.
- ↑ (fr) Article 36 de la Constitution de la Ve République française
- ↑ dans les articles 2121-1 à 2121-8
- ↑ (fr) Article 2121-1
- ↑ (fr) Arrêt Rolin et Loi no 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence
- ↑ (fr) Ordonnance du juge des référés du 9 décembre 2005 et le Communiqué de presse
- ↑ (fr) L1111-4Code de la défense
Voir aussi
Lien externe
- (fr) Les dispositions exceptionnelles, sur le site du Sénat français