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Fichage en France

- Wikipedia, 3/02/2012

Le fichage en France concerne la pratique du fichage en France. Aux fichages nationaux s'ajoutent des fichages au niveau européen accessibles par les mêmes organismes d'État, et parfois par des organismes privés. La Loi informatique et libertés de 1978, votée à l'occasion de la révélation du projet SAFARI, a institué la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés), qui est censée contrôler l'usage et l'application des fichiers.

La prolifération des fichiers de police (au sens large) en France (le rapport Alain Bauer de 2007 en comptait 36[1] ; celui de 2008 en dénombrait 45[2],[3], et le rapport des députés Delphine Batho et Jacques-Alain Bénisti, publié en mars 2009, en recense 58[4]) s'explique à la fois par une logique de surveillance et une transformation de la fonction du droit pénal, de plus en plus axée sur la « dangerosité » (cf. Commission nationale consultative des droits de l'homme[5], Ligue des droits de l'homme[6], etc.), et par l'existence de la CNIL, rétive à l'interconnexion des données personnelles et donc à la constitution d'un fichier géant unique, qui amalgamerait différentes personnes et différentes finalités sans tenir compte des différentes dispositions légales.

Dans le cadre du projet de loi Loppsi[7], un système de mise en commun de toutes ces données, et de celles disponibles sur internet, est mis au point par la gendarmerie nationale sous le nom d'Application judiciaire dédiée à la révélation des crimes et délits en série[8],[9].

Sommaire

Historique jusqu'à 1945

  • Le Livret ouvrier, mis en service par Napoléon au début du XIXe siècle, sert à surveiller les déplacements des classes populaires. Avant lui, au XVIIe siècle, Louis XIV avait déjà mis en place des papiers visant à surveiller les artisans du royaume[10].
  • L'affaire des fiches (parfois appelée affaire des casseroles) concerne un fichage et une ségrégation politique et religieuse menée dans l'armée française au début du XXe siècle.
  • Le Carnet B : son but est de repérer les suspects d'espionnage, les éléments antimilitaristes, les Français et les étrangers susceptibles de menacer l’ordre intérieur. La police écoute, surveille et établit une liste des cas douteux. En 1914, 2 500 personnes y figurent. Les étrangers représentent 20 % du total. Les 2 000 autres personnes, qu'il est ainsi possible d'arrêter si la guerre éclate avec l'Allemagne, sont repérées pour leur militantisme politique ou syndical.

De 1945 à 1991

L'extension de l'usage du NIR et le contrôle des allocataires et du statut des étrangers

Le Numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques (NIR), qui est le même que le numéro de Sécurité sociale. Sous le régime de Vichy, le premier répertoire général est mis au point par René Carmille pour préparer secrètement la mobilisation de l'armée dissoute par les accords d'armistice. Malgré diverses alertes, Carmille évite toute utilisation pour la chasse aux résistants, aux Juifs ou aux réfractaires du STO. L'utilisation du NIR s'est aujourd'hui généralisée, étant en particulier utilisé par les organismes de sécurité sociale, les établissements de santé (y compris à des fins de recouvrement de créances), le fisc, Pôle emploi et les organismes chargés de surveiller et contrôler la situation des allocataires, etc.

Ces interconnexions, à travers l'usage d'un identifiant unique (le NIR), ont « généralement pour but de vérifier la réalité de la situation sociale des demandes[13] ». Les ASSEDIC, l'UNEDIC, et le CNASEA (chargé du RMI) l'utilisent ainsi pour contrôler les allocataires[14],[13]. La DDTEFP (Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle) utilise depuis 2005 le fichier PRECAR IT (sic), qui intègre les 5 premiers chiffres du NIR, « pour contrôler la situation des demandeurs d'emploi[15] ».

La CNIL a aussi autorisé, en 2007, les Maison départementale des personnes handicapées à mettre en place un fichier, utilisant le NIR, qui sert au « suivi » des handicapés, à « certifier l’identité des personnes auprès du Système National de Gestion de l’Identité (SNGI) », à leur contrôle dans le cadre de l'attribution d'allocations sociales (y compris le contrôle des handicapés étrangers et de leur situation régulière ou non), et à la « production de statistiques ». Les COTOREP et les CDES, qui précédaient les Maisons départementales des personnes handicapées, utilisaient déjà le NIR. La CNIL s'est défendu en déclarant « que si un numéro unique national est nécessaire, la création d’un identifiant spécifique aux personnes handicapées serait susceptible de les stigmatiser. En conséquence, elle admet que le numéro de sécurité sociale puisse être utilisé comme identifiant des usagers des MDPH à des fins d’instruction de leur dossier[16] ».

SAFARI et la création de la CNIL

La révélation du projet SAFARI le 21 mars 1974 par le quotidien Le Monde, dans l'article intitulé SAFARI ou la chasse aux Français de Philippe Boucher, a entraîné une vive opposition populaire, ce qui a incité le gouvernement à créer la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), une autorité administrative indépendante, par la (Loi informatique et libertés de 1978). Le projet SAFARI visait notamment à l'interconnexion de tous les fichiers détenus par l'administration via un identifiant unique, le NIR (Numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques, plus connu en tant que numéro de Sécurité sociale).

Réorganisation des fichiers des RG en 1990-91

En 1990, le premier ministre Michel Rocard décide de réorganiser la gestion des divers fichiers en France, dont ceux des Renseignements généraux. Devant des protestations venant d'horizons variés (Syndicat de la magistrature, le MRAP, SOS-Racisme, mais aussi Simone Veil ou Charles Pasqua), il est contraint de retirer les décrets parus le 4 février et le 1er mars 1990[17]. Un an plus tard, le gouvernement d'Édith Cresson publie le décret du 4 novembre 1991, qui modifie la Loi informatique et libertés de 1978, en autorisant « la collecte, la conservation et le traitement dans les fichiers des services des renseignements généraux d'informations nominatives relatives aux personnes majeures qui font apparaître » les « signes physiques particuliers, objectifs et inaltérables » ainsi que les « activités politiques, philosophiques, religieuses ou syndicales » (art. 2[18]). Les informations peuvent être collectées si elles sont « relatives à des personnes physiques ou morales qui ont sollicité, exercé ou exercent un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle politique, économique, social ou religieux significatif, sous condition que ces informations soient nécessaires pour donner au Gouvernement ou à ses représentants les moyens d'apprécier la situation politique, économique ou sociale et de prévoir son évolution. » (art. 3[18]) ; mais dans ce cas, elles ne peuvent être communiquées à la police ni à la gendarmerie (art. 5[18]). Le décret prévoit aussi un examen de la légitimité des informations détenues tous les cinq ans, sous l'égide de la CNIL (art. 6[18]).

Situation au début du XXIe siècle

Selon le rapport Bauer de 2007, la France comptait alors 36 fichiers (37 avec le fichier Edvige créé en 2008)[19]. (Voir ici Pour une liste détaillée et des informations sur de nombreux fichiers). Le fichage en France est notamment le fait :

  • et d'organismes privés ou associatifs, qui conservent des dossiers clients :
    • pour assurer leur activité (les banques mémorisent les flux financier de leurs clients, les sociétés de transports doivent dimensionner leurs futurs investissements, Wikipédia doit pouvoir créditer les contributeurs de ses articles, une association garder trace de sa liste d'adhérents),
    • à des fins marketing (estimation des différents profils des consommateurs, suivi personnalisé et offres ciblées par cartes nominatives),
    • pour lutter contre la fraude (mémorisation nominative des X dernières utilisations d'une carte)

Fichiers de la police nationale

Le Système de circulation hiérarchisée des enregistrements opérationnels de la police sécurisés (CHEOPS) fédère et permet de donner accès à différentes applications de police[25] :

ARIANE et la suspension d'ARDOISE

Cependant, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 prévoit la création d'une nouvelle base de données informatique, ARIANE (Application de rapprochement, d'identification et d'analyse pour les enquêteurs), qui devrait regrouper en 2008 les informations des fichiers STIC et JUDEX (ce dernier appartenant à la gendarmerie), qui disparaitront au profit d'une structure unique. Le logiciel ARDOISE doit être utilisé par la police pour l'alimentation du fichier ARIANE, et le logiciel IC@RE pour la gendarmerie nationale[27].

Néanmoins, du fait de données sensibles accessibles via ce logiciel (telles que « mineur en fugue », « sans domicile fixe », « personne âgée », « permanent syndical », « membre d'une secte », « transsexuel » ou « homosexuel[28] »), l'expérimentation du logiciel Ardoise a été suspendue en avril 2008 par la ministre Michèle Alliot-Marie[28]. ARDOISE, qui n'avait pas été déclaré à la CNIL, était déjà utilisé dans 694 commissariats[29].

Le Système de traitement des infractions constatées (STIC)

C'est un fichier du ministère de l'Intérieur regroupant les informations concernant les auteurs d'infractions interpellés par les services de la police nationale, ainsi que les données relatives aux victimes et l'identification des objets volés ou détournés.

Issu du plan Joxe en 1985, le STIC a été définitivement mis en place en 1998, puis officialisé en 2001[19]. Selon la CNIL, il contient un taux d'erreurs de 25 %[19].

Selon un bilan fait par la CNIL de 467 vérifications effectuées en 2005 dans les fichiers STIC et JUDEX, 44 % des fiches montraient des erreurs[30].

Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG)

Créé en 1998, il est géré par la police scientifique à Écully (Rhône). Il regroupe d'abord les données de personnes mises en cause dans des infractions sexuelles et des personnes définitivement condamnées. Une loi de 2001 l'étend aux personnes mises en cause dans les cas de meurtres, violences diverses et actes terroristes. Un décret de 2004 permet d'enregistrer les données d'individus mis en cause dans des affaires d'atteintes aux personnes et aux biens. En juin 2005, le FNAEG (Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques) contenait 80 000 fiches.

Depuis la Loi pour la sécurité intérieure de 2003 (loi Sarkozy II), une centaine de délits obligent à se soumettre au prélèvement génétique. Limitée, à l'origine, aux infractions sexuelles, la législation concerne aujourd'hui les meurtres et les cambriolages, les vols simples, les tags ou les dégradations. Le prélèvement s'applique aux personnes condamnées mais aussi aux simples suspects. La loi ne prévoit pas d'âge minimum[31].

Depuis l'entrée en vigueur de ces dispositions, le Fnaeg explose. Entre 2003 et 2006, le nombre de profils enregistrés est passé de 2 807 à plus de 330 000. Bien que ce système ait permis d'élucider plus de 5 000 affaires, ceux qui s'opposent aux prélèvements dénoncent l'instauration d'un « répertoire de masse ». Les refus de prélèvements génétiques pour des petits délits se multiplient, entraînant des procès. La loi prévoit de lourdes sanctions pour les contrevenants : jusqu'à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende[31].

La Ligue des droits de l'homme a critiqué ce fichier[32]. Des études, menées principalement aux États-Unis, arrivent à la conclusion que l'expertise génétique est parfois entachée d'erreurs, et, au mieux, ne permet pas d'avoir de certitude sur une culpabilité mais plutôt d'avoir une probabilité dont le calcul est délicat et variable d'un laboratoire d'analyse à l'autre. Plusieurs dizaines de personnes auraient ainsi été condamnées à tort à de lourdes peines de prison en étant accusées de meurtres, viols, etc.[33].

Le Système d'information Schengen (SIS)

Article détaillé : Système d'information Schengen.

Le Système d'information Schengen (SIS), commun aux pays membres de l'accord Schengen, a été créé en 1990. Composé d'un système central installé à Strasbourg, il dispose aussi de systèmes nationaux. En France, celui-là est géré par la Direction centrale de la police judiciaire[34]. Il détient deux catégories d'information: les personnes recherchées et les véhicules et objets recherchés[34]. Il est alimenté, depuis 1995, par le Fichier des véhicules volés (FVV) et par certaines fiches du Fichier des personnes recherchées (FPR – notamment celles relatives à des mandats d’arrêt et à des exécutions de jugement)[34]. Depuis 1999, les armes, les documents d’identité et les billets de banque saisis dans la base nationale du STIC et auxquels est associé le qualifiant « VOLÉ », sont automatiquement enregistrés dans le SIS[34].

Les services de police, de douane, ainsi que les services accordant des visas et des titres de séjour, de même que les autorités judiciaires, sont habilités à le consulter[34].

Selon le rapport Bauer, « Au 31 août 2006, la base nationale comptait :

  • 80 620 billets de banque ;
  • 164 716 documents vierges ;
  • 68 741 armes ;
  • 1 890 159 documents d’identité délivrés ;
  • 199 819 véhicules ;
  • 159 688 personnes recherchées.
  • Les opérateurs du Sirène France ont effectué 145 000 consultations en 2005. »[34]

GEVI

L'application GEVI (Gestion des violences urbaines) a été créée en 1996 par la Direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP) et contient 7 300 fiches[35]. Fichier de renseignements, et non d'antécédents judiciaires, il enregistre « des données sur des individus majeurs ou des personnes morales susceptibles d’être impliqués dans des actions de violences urbaines ou de violences sur les terrains de sport pouvant porter atteinte à l’ordre public et aux institutions[35] ».

Fichier national des interdits de stade (FNIS)

Ce fichier, le FNIS, a été créé par un arrêté publié le 4 septembre 2007[36]. Ce fichier comporte la photographie, l'identité, l'adresse des personnes touchées par une interdiction administrative (due au Préfet) ou judiciaire, ainsi que les données relatives à l'interdiction. Il peut être aussi étoffé par des fichiers d'organismes de coopération internationale et des services de polices étrangers. La CNIL, après délibération[37], a donné son accord pour que ce fichier conserve les données sur une personne durant les cinq années qui suivent l'interdiction, et « prend acte » qu'il n'est pas prévu dans l'arrêté ministériel que ce fichier comporte de dispositif permettant la reconnaissance faciale à partir d'images numérisées[38].

Fichier PNR (données de passagers)

En vertu de l'art. 7 de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, un arrêté du 28 janvier 2009 a créé un système de traitement automatisé de données à caractère personnel concernant « les provenances et les destinations, situées dans des États n'appartenant pas à l'Union européenne, des passagers aériens[39] ». Lors de l'enregistrement de ces données, le Fichier des personnes recherchées (FPR) et le Système d'information Schengen (SIS) est consulté.

Ces données PNR (Passenger Name Record) sont conservées 5 ans, sauf celles concernant le FPR ou le SIS, qui ne seraient conservées que 24 heures[39]. Par ailleurs, ce nouveau fichier ayant une double finalité de prévention et répression d'actes de terrorisme d'une part, et d'autre part de « lutte contre l'ìmmigration clandestine », ces données ne peuvent être consultées, dans ce dernier cas, « que dans les vingt-quatre heures qui suivent leur transmission[39] ».

Fichier de prévention des atteintes à la sécurité publique

Le fichier de prévention des atteintes à la sécurité publique, dont le décret a été publié le 18 octobre 2009, ne porte pas sur des personnes condamnées mais sur des personnes « susceptibles d'être impliquées dans des actions de violences collectives, en particulier en milieu urbain ou à l'occasion de manifestations sportives[40] ». Entrent dans le cadre du fichier toutes les « personnes dont l'activité individuelle ou collective indique qu'elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique », et ce, dès l'âge de 13 ans. Seront fichés, dans une base de données à part, des personnes employées dans la sécurité (gardiens, pompiers...) et qui font l'objet d'une enquête administrative[40].

Système d'analyse des liens de la violence associée aux crimes (SALVAC)

Importé du Canada, le Système d'analyse des liens de la violence associée aux crimes existe en France depuis janvier 2003 selon le rapport Bauer[41]. Il est placé sous l'autorité de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) pour le compte de la gendarmerie nationale et de la police nationale[42]. La loi du 12 décembre 2005 sur la récidive des infractions pénales a légalisé ce fichier qui existait auparavant, sans avoir été déclaré à la CNIL, ainsi qu'ANACRIM (gérée par une unité de la gendarmerie spécialisée dans le profilage criminel)[42].

La loi de 2005 a créé un régime dérogatoire par rapport à la loi sur la sécurité intérieure de 2003:

  1. il suffit désormais de raisons sérieuses, laissées à l’appréciation des enquêteurs, de soupçonner qu’une personne a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit grave pour figurer dans SALVAC ou ANACRIM (et non pas seulement d’indices graves ou concordants)[42].
  1. l’identité des personnes citées dans une procédure de crime ou de délit grave susceptibles de fournir des renseignements (magistrats, avocats, experts, témoins…) peut y être enregistrée[42] ;
  2. le procureur de la République peut prescrire le maintien d’informations relatives à une personne qui s’y serait opposée quand bien même l’auteur des faits aurait été condamné (ex. : la victime pourrait continuer à être identifiée dans ces deux fichiers malgré son opposition)[42].

Selon le rapport Bauer, « certaines données sensibles (article 8 de la loi du 6 janvier 1978) peuvent également être mentionnées pour le mis en cause et la victime : origine ethnique, vie sexuelle, adhésion à un groupe si cela a une importance pour l’enquête[41] ».

Les informations conservées le sont pour une durée de 40 ans[41].

Traitements et fichiers relatifs aux véhicules

Un Fichier national des permis de conduire a été créé en 1972[43]. Selon l'article 225-1 du Code de la route, celui-ci inclut des informations concernant les permis français, mais aussi concernant « les permis de conduire délivrés par des autorités étrangères et reconnus valables sur le territoire national[44]. Le fichier contient le compte des points de chaque permis, les retraits de permis, etc. Informatisé, le fichier est assujetti à la loi Informatique et Libertés de 1978 (modifiée en 2004). L'accès à celui-ci a progressivement été étendu, au fil des lois, à diverses institutions. Ce fichier, ainsi que le Fichier des plaques d'immatriculation, est interconnecté avec le

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